du 4 mai 2006 |
HÉBERGEMENT |
ÉTUDE EXCLUSIVE COACH OMNIUM POUR L'HÔTELLERIE RESTAURATION AUPRÈS DE 12 PAYS D'EUROPE OCCIDENTALE
LES FONDS D'INVESTISSEMENT FONT IRRUPTION DANS L'HÔTELLERIE DE CHAÎNE
Les rachats se sont multipliés en 2005 modifiant le paysage des chaînes intégrées françaises et européennes. Ces opérations ont été réalisées en majeure partie par des grands acteurs anglo-saxons du capital-investissement ainsi que par des investisseurs privés fortunés. L'irruption de ces derniers va plus loin que le simple apport financier avec des conséquences stratégiques et managériales.
Question
activité, le millésime 2005 ne fera pas date dans les annales des chaînes
intégrées françaises. Certes, les clients sont venus plus nombreux
séjourner dans l'Hexagone l'an passé. Les records d'antan sont loin néanmoins
d'être égalés. Le taux d'occupation moyen (toutes catégories
confondues) a ainsi progressé de tout juste + 0,05 point atteignant 66,6 %.
Côté revenu par chambre disponible (RevPAR), Coach Omnium constate une
hausse de + 3,3 % à 45,70 euros. Reste que cette amélioration résulte
pour l'essentiel des augmentations de prix moyens chambres selon les analyses de
Coach Omnium. Pas de quoi donc crier victoire et affirmer que le secteur se porte
comme un charme.
En dépit de cette tendance globalement molle
- à l'image de l'économie française - plusieurs événements
importants ont bouleversé le paysage de l'hôtellerie intégrée
française au cours de l'année 2005. À commencer par l'irruption
massive des fonds d'investissement et de pension anglo-saxons. À croire que
ce secteur d'activité - y compris la restauration commerciale - constitue désormais
un nouvel eldorado pour ces acteurs à la recherche de placements rentables
à court ou moyen terme.
Déjà partenaire du groupe
Accor dans le secteur des casinos, Colony Capital a ainsi renforcé sa participation
au sein du leader européen en injectant 1 milliard d'euros. À noter
bien sûr parallèlement la reprise de Galaxie SA/B&B par Eurazeo à
l'Anglais Duke Street (un autre fonds d'investissement). L'opération phare
de l'année demeure tout de même le rachat de la Société du
Louvre, jusqu'alors détenue par la famille Taittinger, par le fonds américain
Starwood Capital. Parmi les autres changements de mains qui se sont déroulés
en 2005, les fonds d'investissement ont toujours été plus ou moins en
embuscade. C'est le cas à propos de la fusion entre les 2 ennemis de jadis,
Hilton Hotels Corp (Américain) et Hilton Group (Britannique). Enfin, Méridien
est finalement tombé dans l'escarcelle de la banque d'affaires Lehman Brothers,
associée à Starwood Capital, l'exploitation des établissements
étant confiée à Starwood Hotels. Cette dernière ayant elle-même
acquis la marque.
Création de réseaux
Participent également
au changement du paysage hôtelier français et européen des investisseurs
privés comme le prince Al-Waleed (propriétaire du Four Seasons George
V à Paris), mais aussi le sultanat de Brunei (Meurice et Plaza Athénée),
Singapour avec l'achat de l'InterContinental Paris par GIC, Jesta avec l'acquisition
du Noga Hilton à Cannes… Sans oublier quelques opérations réalisées
par des opérateurs plus modestes tels Didier Ferré qui s'est offert la
chaîne économique Marmotte (27 unités).
Des mouvements qui ont tout
lieu de se poursuivre dans les mois à venir. Actuellement en effet, des rumeurs
persistantes circulent quant à l'intérêt croissant du fonds Carlyle
pour l'Espagnol NH Hoteles. Propriétaire de la chaîne Travelodge, le
fonds Permira serait lui aussi prêt à céder cette dernière.
N'oublions pas enfin la généralisation des ventes de murs d'hôtels,
accompagnée de contrats de gestion, qui tend à s'intensifier. D'autant
plus fortement que cette stratégie permet aux opérateurs hôteliers
de collecter des capitaux, d'alléger leur dette et de booster leur croissance.
Accor est évidemment un des
grands
acteurs dans le domaine. Mais, la plupart de ses concurrents usent de pratiques
similaires tels InterContinental, Hilton ou bien encore Whitbread.
Installés sur le marché hôtelier,
les nouveaux entrants réalisent différents audits et passent assez vite
à l'action. Même si Starwood Capital - dirigée par Barry
Sternlicht - n'a pas encore officiellement
communiqué sa stratégie quant au pôle économique de Louvre
Hotels, il affiche ainsi déjà la couleur s'agissant de sa branche luxe.
Barry Sternlicht a ainsi dévoilé son intention de développer une
chaîne haut de gamme : Le Crillon. Starwood Hotels & Resorts (à
ne pas confondre avec Starwood Capital) lance pour sa part une nouvelle enseigne
baptisée Aloft pour concurrencer Courtyard. Ses ambitions sont grandes puisqu'il
entend ouvrir près de 500 hôtels à l'horizon 2012, dont la moitié
aux États-Unis.
Parallèlement, Rezidor Hospitality se la
joue design avec le projet de créer un réseau appelé Missoni Hotels,
du nom de la marque italienne spécialisée dans le design et la mode. NH
Hoteles planche par ailleurs sur un concept inédit nommé Nhow. Concept
destiné à une clientèle de
jeunes
actifs, adeptes des nouvelles technologies.
228 nouveaux hôtels
de chaîne en Europe en 2005
Évidemment, ces créations
ne se réalisent pas en nombre. Et pour cause. Se lancer dans une telle aventure
réclame de lourds investissements financiers et en général pas mal
de temps. En outre, pour séduire les consommateurs, les nouveaux produits doivent
être dotés de très fortes caractéristiques qui - d'un point
de vue marketing - correspondent à des niches. C'est le cas d'EasyHotel,
déjà présent à Londres et à Bâle, qui va s'implanter
à Paris. Son concept se base sur l'idée d'une chambre au confort minimaliste
mais fonctionnel, pour un prix très réduit avec prépaiement sur internet.
Fort de tous ces éléments et d'un contexte
économique variable selon les membres de l'Union européenne, la croissance
des chaînes intégrées n'est logiquement plus tout à fait
ce qu'elle était par le passé. "Avant 2000, on observait des rythmes
de développement soutenus qui se traduisaient
par l'ajout de 500 à 600 nouvelles adresses supplémentaires par an.
En 2005, nous avons recensé seulement 228 nouveaux hôtels ayant rejoint
les chaînes intégrées en Europe", explique Mark Watkins, p.-d.g.
de Coach Omnium. Les chaînes intégrées ont ainsi vu leur parc croître
de 3,2 % en nombre d'hôtels et de 4,3 % en nombre de chambres. Cette progression
reste bien sûr honorable. Surtout lorsqu'on la compare à l'évolution
du parc hôtelier européen (indépendants et chaînes confondus)
qui a été de + 3 % en nombre d'hôtels et de 4,5 % en nombre de chambres.
Au total donc, les chaînes intégrées
regroupent 7 381 établissements (représentant 841 236 chambres) face à
une offre globale de 139 590 hôtels en Europe. Leur taux de pénétration
s'élève à 5 % en nombre d'unités et 20 % sur le volume de
chambres disponibles. Avec 103 unités supplémentaires en 2005, l'Espagne
fait figure de meilleur élève en termes de développement. Vient ensuite
la Grande-Bretagne qui s'est étoffée de 52 hôtels. Quant à
l'Hexagone, il fait du sur place avec un gain de 28 unités (+1%). "À
sa décharge, la France est un marché déjà bien couvert par
les chaînes intégrées. C'est le pays européen qui comprend
le plus d'hôtels de chaîne avec quelque 3 000 unités. Le taux de
pénétration des chaînes intégrées sur le marché français
- par rapport à l'hôtellerie classée - atteint 16 % en nombre
d'hôtels et de 39 % en nombre de chambres", souligne Mark Watkins.
Activité atone en 2005
Les chaînes hôtelières en
France ont réalisé une petite année 2005 avec 57,5 millions de chambres
louées, soit un léger mieux d'à peine 43 300 chambres par rapport
à 2004. Le taux d'occupation (toutes catégories confondues) a stagné
à 66,6 % avec une progression de moins de 1 point pour les 2 étoiles
comme pour les 4 étoiles.
Baromètre établi par Coach Omnium sur la base d'un échantillon représentant 93 % de l'offre des chaînes hôtelières en France. |
Balladins : champion du développement
Au hit-parade des groupes
hôteliers intégrés, Accor conserve sa première place totalisant
: 2 102 hôtels, soit 28,5 % de parts d'offres des chaînes et 26,2 %
en nombre de chambres. Aujourd'hui dirigée par Gilles Pélisson, la compagnie
fédère 2,5 fois plus d'unités que son challenger Louvre Hotels. D'après
les analyses du cabinet Coach Omnium, seulement 4 groupes hôteliers contrôlent
52 % du parc des chaînes en Europe. Rares sont les opérateurs à
se trouver en fait présents dans un grand nombre de pays à la fois.
Sur 89 enseignes recensées, près des 3/4 ont une envergure essentiellement
nationale dans leur propre pays. 25 réseaux disposent de plus de 100 hôtels
en Europe et 48 chaînes (soit plus de la moitié de l'offre) ont moins
de 50 hôtels européens. À noter en outre que la taille moyenne
des chaînes sur le Vieux Continent est de 80 adresses.
Autrement dit, les plus grands
développeurs ne sont pas forcément les plus grands opérateurs. À
titre d'exemple, Accor a finalement gagné un solde européen de 60 hôtels
en un an (+ 2,9 %). Enseigne par enseigne, c'est Balladins qui décroche le
titre de champion du développement pour l'année 2005. Parvenu à
161 unités en ajoutant
41
nouvelles adresses selon les informations collectées auprès du réseau,
la marque a même dépassé son objectif annoncé de 150 hôtels
pour la fin 2005. Balladins est suivi par Premier Travel Inn (28 hôtels de
plus), Travelodge (28), AC Hotels (23) et de Radisson (21). Malgré ces avancées,
Ibis reste la 1re chaîne hôtelière intégrée
en Europe avec 596 unités. Elle est aussi leader en Suisse, en France et au
Portugal. D'après les données de Coach Omnium, Mercure (495) est la seconde
marque la plus présente sur le Vieux Continent, suivie de Premier Travel Inn
(468) et Campanile (373).
Starwood
Capital veut développer une chaîne 'Le Crillon'
Retrouver le chemin de l'innovation
Si le classement des chaînes
intégrées évolue peu, l'étude de
Coach Omnium constate toutefois un changement plus sensible au niveau de la répartition
par catégorie. Désormais, on trouve en effet davantage d'hôtels
de chaîne dans les gammes économiques (50 % du nombre d'hôtels contre 46 % en 2000) et haut
de gamme (31 % contre 27 %). Les types d'affiliation évoluent aussi assez fortement.
En 2000, 30 % des unités de chaînes étaient des filiales contre
43 % aujourd'hui. 33 % étaient sous contrats de gestion contre 18,6 % actuellement.
Seule la part de la franchise est inchangée. Dans ce contexte, on peut s'interroger
quant à l'évolution des chaînes hôtelières intégrées
dans le futur. À l'évidence, l'arrivée massive des fonds d'investissement
change et va encore changer profondément la donne. Dotés de moyens financiers
conséquents, ces nouveaux acteurs ont de fait la possibilité de financer
des projets. Reste que
construire des unités une à une nécessite beaucoup de temps. Et
donc d'argent. Or qui dit fonds d'investissement, compte en mois et non en années.
Cela signifie que l'on risque d'assister - comme en 2005 - à de nouveaux
rachats au cours des prochains mois. Les proies ne manquent pas tant en Europe qu'à
travers d'autres continents. Y compris chez les grands groupes dont plusieurs sont
potentiellement opéables. La disparition des chaînes n'est toutefois
pas à l'ordre du jour. D'autant que leur succès est bel et bien réel.
Rien qu'en France, elles détiennent 52 % de parts de marché (une nuitée
hôtelière sur deux) par rapport à l'hôtellerie indépendante.
N'empêche. Au-delà des stratégies financières et du développement,
il se pose une question majeure : l'évolution des produits hôteliers.
Hormis quelques rares grandes sociétés mondiales, très peu d'opérateurs
planchent sur le sujet. Et pourtant. Les faits sont là. De plus en plus d'hôtels
de chaîne en France, en Italie, en Allemagne ou bien en Grande-Bretagne ont
pris un sérieux grand coup de vieux. "On trouve aujourd'hui encore les mêmes
types de chambre modélisés dans les années 1960 et 1980, notamment
concernant les gammes superéconomiques", souligne le patron de Coach Omnium.
La clientèle se lasse. Pire. Elle n'hésite plus à la faire savoir.
Les chaînes intégrées doivent par conséquent retrouver impérativement
le chemin de l'innovation, voire de l'imagination. Un discours que les fonds d'investissement,
de par leur nature, auront peut être du mal à entendre. À suivre…
Mark
Watkins avec C. C. zzz20
Vous avez dit fonds d'investissement ? L'irruption massive des fonds d'investissement anglo-saxons dans le secteur hôtelier surprend. Doit-on s'en inquiéter ? Certes, les hôtels ne sont pas délocalisables. Ils emploient du personnel local, paient des taxes locales et répondent à une solution locale pour la clientèle. En revanche, la stratégie des fonds de pension et de placement effraie certains. Sans doute davantage par méconnaissance de leurs motivations réelles que par leurs actes. Si leur vocation est pleinement spéculative, il est difficile de croire que cela a pu les conduire à s'intéresser à l'hôtellerie. Même si un hôtel présente un intérêt immobilier, il ne fonctionne pas du tout comme de l'habitat classique. Encore moins comme des bureaux. En contrepartie de l'argent frais qu'ils apportent, l'exigence des fonds d'investissement d'un rendement de 10 à 16 % par an, semble contraire aux possibilités de gestion hôtelière. Qui plus est à l'heure actuelle. Revendre un réseau hôtelier après 3 à 4 ans ne va pas non plus avec les nécessaires efforts de communication, de management et de produit que l'on doit produire sur du long terme et qui se trouvent la plupart du temps ruinés par l'arrivée d'un nouvel acquéreur. L'hôtellerie, métier de services basé sur des hommes et des femmes, a besoin de stabilité. On peut également observer que les repreneurs de groupes hôteliers ne semblent pas se préoccuper de l'impérative obligation de moderniser, ou seulement de rénover leur parc. Certains fonds d'investissement favorisent le développement, mais rares sont ceux qui se préoccupent de rénovation. Leur intérêt pour la sphère hôtelière est d'autant plus surprenante que le tourisme, dont dépend l'hôtellerie, ne connaît plus de cycles réguliers et prévisibles. La conjoncture, la politique, les conditions d'exercice en changement continuel, la fiscalité, le social, l'environnement économique… n'ont de cesse de remodeler la demande à la hausse parfois, mais lentement, et le plus souvent à la baisse (rapidement). Aucun opérateur du secteur ne peut raisonnablement faire de prévisions à court ou moyen terme sur son activité et sur la demande à venir. Il est vrai que dans l'univers des chaînes, les gammes économiques, majoritaires, sont moins confrontées aux modifications conjoncturelles. Il n'en demeure pas moins que leur retour sur investissement est plus long que par le passé. Enfin, on peut s'étonner des prix astronomiques surpayés par les fonds d'investissement pour contrôler les groupes hôteliers qui les ont intéressés. Quoi qu'il en soit, leur présence est une réalité ! Avec laquelle, il faut désormais travailler. M.W. |
Méthodologie Cette étude exclusive et indépendante est réalisée par la société d'études marketing & économiques Coach Omnium, pour le compte de L'Hôtellerie Restauration. Elle répertorie les chaînes hôtelières intégrées regroupant plus de 10 hôtels, présentes au 1er janvier 2006 dans les 12 pays d'Europe étudiés (hors Dom-Tom). Les informations publiées dans cette étude ont été analysées et contre-vérifiées par nos services avec un grand soin. Toutefois, les données fournies par les chaînes hôtelières concernées n'engagent que leurs auteurs. Cette étude et ses fiches correspondantes sont protégées par un copyright Coach Omnium -L'Hôtellerie Restauration - ©2006. Dossier dirigé par Mark Watkins et Marie-Laure Estienne. Coach Omnium |
Les chaînes hôtelières intégrées recensées au 1er janvier 2006
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L'Hôtellerie Restauration n° 2975 Hebdo 4 mai 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE