du 10 janvier 2008 |
TOKYO |
Paul Bocuse, Marc Haeberlin, Jacques et Laurent Pourcel… ont aujourd'hui une vitrine au Japon. C'est Hiroyuki Hiramatsu qui les a fait venir. Le chef japonais, homme d'affaires hors pair à la tête d'un groupe composé de 18 restaurants, est devenu l'un des ambassadeurs de la cuisine française.
Nadine Lemoine
Avec un groupe coté en Bourse
Hiroyuki Hiramatsu, à mi-chemin entre le Japon et la France
L'entrée du restaurant Hiramatsu de Tokyo, digne d'une galerie d'art avec des tableaux de maîtres, dont deux Chagall. |
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Dix
milliards de yens (près de 61 millions d'euros), c'est le chiffre d'affaires
2007 du groupe de restauration fondé par le chef japonais Hiroyuki Hiramatsu.
Un groupe coté à la Bourse de Tokyo qui aura dégagé entre
800 000 et 1 milliard de yens de bénéfices (entre 5 et 6 millions d'euros)
en 2007, selon les estimations de son fondateur.
"Je suis 140 jours par an à Paris pour
l'inspiration culinaire. Je considère la France comme mon 2e pays
natal. Je me sens moitié japonais, moitié français, confie
Hiroyuki Hiramatsu. Pour moi, la restauration au Japon, c'est le business. À
Paris, c'est nécessaire." Ce francophile convaincu, issu d'une famille
cultivée, a découvert très tôt la culture française
à travers la littérature. "Dès le lycée, je rêvais
de découvrir la cuisine française. J'ai commencé ma carrière
avec Masa Kichi Ono, un grand chef, ami de Paul Bocuse, à l'Hôtel Okura
à Tokyo. Puis je suis arrivé en France à l'époque florissante
de la nouvelle cuisine. J'y suis resté deux ans et demi, et je suis rentré
au Japon pour y diffuser ce que j'y ai appris."
En
1981, il ouvre son premier restaurant : 24 couverts, 2 personnes en salle, et 2
en cuisine. "C'était une brasserie de haute qualité. Très vite,
j'ai acquis une grande notoriété. C'était complet, midi et soir."
Aujourd'hui, le premier restaurant Hiramatsu n'existe plus. Il a migré avec
son enseigne dans le quartier de Hiroo pour devenir un établissement haut de
gamme, avec une capacité de 43 couverts. Entre 70 et 80 couverts par jour y
sont réalisés. Pour le déjeuner, le ticket moyen s'élève
à 10 000 yens (60 euros), et entre 26 000 (157 euros) et 28 000 yens (170
euros) le soir.
Hiramatsu, le restaurant de Tokyo, a un petit frère à Paris. |
Se diversifier
La suite ? Un développement
continu. "Nous avons des crédits, mais leur coût est moindre ici,
au Japon. Nous sommes soutenus par les banques. Nous n'arrêtons pas de nous
développer. Nous sommes très motivés." Très vite, M. Hiramatsu
a choisi de se diversifier.
Dès 1993, il ouvre son premier établissement : le Café des Prés
Hiroo. D'autres suivront, ainsi que des enseignes de cuisine d'inspiration italienne,
Caffè Michelangelo ou Ristorante Aso.
C'est en 2001 que le chef décide d'ouvrir
un restaurant à Paris. Pour lui, c'est une évidence. Il doit avoir sa
maison en France. Celle où il se ressourcera, où ses cuisiniers employés
au Japon pourront venir s'imprégner de culture française. En moyenne,
ils effectuent des stages de dix-huit mois. Et pour le chef dont l'image d'ambassadeur
de la cuisine française est aussi une image de marque, avoir une adresse
dans l'Hexagone est, commercialement parlant, un investissement logique. Le restaurant
parisien, doté d'une étoile au Michelin, réalise une moyenne
de 50 couverts par jour (6 000 euros de chiffre d'affaires jour). Fermé le
week-end, après une tentative d'ouverture infructueuse. "J'aimerais que
ce soit plus rentable", confie le chef, pour qui les conditions de travail au
Japon sont bien plus favorables au développement de l'activité.
Avec Paul Bocuse, le contact se fait
à Paris, chez Hiroyuki Hiramatsu, où le chef de Collonges vient déjeuner.
"Il a été très étonné par ma cuisine et a beaucoup apprécié.
Nous avons discuté." Une rencontre fructueuse pour les deux associés.
Ouverte en janvier dernier à Tokyo, la Brasserie Paul Bocuse Le Musée
a fait mouche. Deux autres restaurants signés Bocuse ont suivi depuis, toujours
à Tokyo, dont la Maison Bocuse, qui a récolté 1 étoile Michelin.
Tickets moyens à 3 200 yens (20 euros) le midi dans les brasseries, 9 000
à 12 000 (de 55 à 73 euros) le soir, 5 000 (31 euros) à la
Maison Bocuse le midi, 26 000 yens (157 euros) le soir. Une telle disparité
entre l'addition moyenne du déjeuner et celle du soir
est ordinaire au Japon. Elle correspond
à la clientèle composée quasi exclusivement de femmes dans les
restaurants haut de gamme le midi. Les trois restaurants Bocuse à Tokyo cumulent
1 200 couverts par jour ! Normalement, le contrat implique la venue du chef au moins
3 à 4 fois par an. "Pour Paul Bocuse, c'est à sa guise", précise
le chef japonais. Huit restaurants devraient porter rapidement le sceau de M. Paul.
Le chef japonais réalise une cuisine inspirée des deux cultures. |
La Brasserie Paul Bocuse, dans le Centre national d'art de Tokyo, dédié à l'art contemporain. |
Près de la gare de Tokyo, un autre restaurant griffé Paul Bocuse. |
Collaboration avec des chefs
français
En fait, c'est avec Jacques
et Laurent Pourcel que Hiroyuki Hiramatsu a entamé ses contrats de collaboration
avec des chefs étrangers. C'est un pourcentage du chiffre d'affaires annuel
réalisé dans le restaurant ouvert sous leur nom qui est prévu dans
le contrat. Un pourcentage négocié par chacun. À Tokyo, deux établissements
contemporains portent
les couleurs des jumeaux du Jardin des Sens à Montpellier (Sens & Saveurs
; Pourcel Café & Bistro). "Il n'y a pas de problème de rentabilité.
Ça plaît", commente Hiroyuki Hiramatsu.
Puis avec Jean-Georges Klein, L'Arnsbourg à
Baerenthal (57), c'est l'ouverture du restaurant Baerenthal à Sapporo (ticket
moyen : de 25 000 à 30 000 yens, soit de 151 à 182 euros). "Une
très belle collaboration." Arrive enfin Marc Haeberlin, L'Auberge de l'Ill
à Illhaeusern (68), également 3 étoiles. L'Auberge de l'Ill Nagoya
est inaugurée en mars dernier. "C'est un grand succès. On réalise
jusqu'à deux services midi et soir. Cette ville commence à bouger
et la demande est là."
Le groupe Hiramatsu est à la
tête de 18 restaurants et cela ne va pas s'arrêter là. "J'aimerais
construire la pyramide : gastronomique, addition à 10 000 yens (61 euros),
brasserie et café. Je veux notamment développer les cafés et les
bistrots", explique l'homme d'affaires avisé. Il admet être en contact
avec des chefs français qui n'ont pas encore posé un pied dans la capitale
japonaise. "Des projets sont en discussion. Je compte sur deux ouvertures en
2008. C'est à confirmer", indique, prudent, Hiroyuki Hiramatsu. Prudence
nécessaire quand on est à la tête d'un groupe coté en Bourse.
L'homme sourit lorsqu'on lui demande si des chefs français ou européens
décrochent leur téléphone pour lui proposer un partenariat. La réussite
de Hiroyuki Hiramatsu, c'est peut-être ce qui lui tient à coeur : "Ma
mission, c'est de faire le pont entre la France et le Japon. J'en suis ravi."
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QUELQUES PLATS DU HIRAMATSU TOKYO |
Feuilleté de homard aux parfums de truffes, jus d'estragon Filet de bar de ligne rôti, jus de bouillabaisse, purée d'ail blanc et croûtons au beurre Fricassée de ris de veau et de langoustines aux petits légumes, sauce au vin jaune Suprême de canette de Challans rôti aux betteraves et agrumes et pommes de terre écrasées Râble de lapereau et son habit vert, mousseline de noisettes Fines lamelles d'agneau, compotée d'oignons blancs, jus de truffes Millefeuille aux pommes caramélisées et à la crème chibouste au Calvados, glace au romarin Crème brûlée à la cassonade, parfumée au café corsé, sabayon à la cannelle |
GROUPE HIRAMATSU |
Des restaurants gastronomiques, des brasseries, des cafés… Hiramatsu Paris - 1 étoile Michelin Hiramatsu Tokyo - 1 étoile Michelin Brasserie Paul Bocuse à Tokyo Maison Paul Bocuse à Tokyo - 1 étoile Michelin Le Baerenthal à Sapporo - Hokkaido Sens & Saveurs à Tokyo Pourcel Café et Bistro L'Auberge de l'IIl à Nagoya |
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L'Hôtellerie Restauration n° 3063 Magazine 10 janvier 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE