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du 9 juin 2005
L'ÉVÉNEMENT

EXCLUSIF

Questions à… Édouard Michelin

Au cours d’un long entretien, Édouard Michelin se confie sur le guide… qui porte son nom. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur une "institution" sans jamais oser le demander !

Propos recueillis par J.-F. M.

L’Hôtellerie Restauration :
Quelques petits ratés lors de la sortie du guide en Belgique (retrait des exemplaires à cause d’un Bib Gourmand attribué par anticipation) puis en France (vente anticipée du Guide 2005) : le Michelin semble traverser une période de turbulences…
Édouard Michelin :
Le guide répond calmement, sereinement, discrètement à un vrai besoin d’offrir une sélection fiable. Il le fait avec sérieux et ce n’est pas rempli par d’autres. C’est vrai que nous faisons le constat d’un certain degré de contestation et de polémiques sur des sujets qui nous dépassent un peu. Peut-être ne parlons-nous pas assez ? Mais nous considérons que notre responsabilité doit être discrète.

Pourtant lorsqu’un inspecteur a parlé, vous avez vivement réagi (NDLR : un encart dans de nombreux quotidiens nationaux)
Nous avons estimé qu’il y avait un certain nombre de choses à dire, ne serait-ce que parce que certains disent parfois des aberrations sur le guide.

Et lorsqu’Alain Senderens choisit de rendre " ses " trois étoiles ?
Là encore… Qu’un chef rende son tablier, fasse autre chose ou se mette à la peinture, mais cette expression n’a aucun sens. Nous sommes devenus, un peu malgré nous, une institution et dans le contexte français cela suffit parfois à déchaîner les passions. Comme si certains, qui soit dit en passant avaient candidaté chez nous, n’avaient pas réussi à transgresser leur Œdipe ! On donne souvent une définition des étoiles, on estime que tel ou tel mérite une ou deux étoiles et dans le même temps on nous reproche de ne pas livrer nos critères de choix… qui figurent pourtant en page 5 du Guide. Je pense que notre système de notation est très moderne. En cuisine, rien n’est interdit, on peut avoir la tradition ou la création, des produits rares ou plus simples. On nous accuse de façonner la gastronomie, moi je pense que nous la stimulons. Il est quand même paradoxal de critiquer Michelin aujourd’hui par rapport à certains problèmes de la gastronomie française où l’on trouve peut-être un peu trop de dorures, d’investissements, de chichis…

Mais les investissements justement ! La tendance est quand même d’attribuer les étoiles dans les palaces !
Ce n’est pas une tendance du Michelin mais le simple reflet de ce qui peut se passer. Je pense, pour citer un exemple récent, que Régis Marcon sait tout à fait qu’un investissement dans les chambres et dans la salle ne sont pas de nature à changer le contenu de l’assiette. Nous ne poussons en aucun cas à l’investissement. Notre mission de base reste la même, faire une sélection du mieux possible, dans l’anonymat et avec sérieux. Nous exerçons notre droit de jugement et de critique pour offrir le meilleur choix à nos clients. Le Guide Michelin est un service que nous rendons depuis très longtemps, qui répond à un vrai besoin et qui s’adapte régulièrement en fonction de ce que les gens aiment et que les restaurateurs et les hôteliers offrent. On ne fait pas de politique avec les étoiles : ce n’est pas notre but. Si un chef perd une étoile, c’est qu’il a baissé. C’est de la mythologie de croire que les investissements suffisent à avoir une étoile.

Et un chef qui refuse les étoiles ?
L’enregistrement dans le guide qui peut intégrer certains paramètres est notre décision. Nous pensons d’ailleurs que, compte tenu du débat actuel, nous ne prendrons plus en compte l’avis des chefs. Si nous estimons que des tables méritent d’être inscrites dans notre sélection, nous le ferons. Je pense que le génie d’Alain Senderens pourra s’exprimer dans un autre contexte, avec d’autres produits. Et je trouve formidable cette remise en cause à 65 ans.

Mais on parle aussi de la pression du guide ?
L’évaluation appréciée du Michelin fait de nous une référence. Nous travaillons sérieusement et discrètement. Nous entendons ne pas jouer avec les chefs et prendre notre temps. Nous ne voulons pas devenir un prescripteur, ni configurer l’évolution de la gastronomie. Notre objectif fondamental reste de promouvoir la qualité dans la diversité. Il faut la liberté, la diversité et que les chefs fassent la cuisine que les clients vont aimer. Il y a actuellement un certain Pathos, mais nous sommes assez sereins : si les ventes papier ont tendance à se réduire, les consultations Internet à travers Via Michelin sont en forte progression.

Avez-vous assez d’inspecteurs ? Sont-ils parfaitement formés ?
Nous disposons en Europe de 70 inspecteurs qui sont des professionnels éduqués et le reflet de ce que nos lecteurs attendant. Nous sommes ouverts à toute idée de progrès et d’amélioration, mais on ne voit pas la possibilité d’aller bien plus loin dans la démarche. Nous avons un profond respect pour le métier et pour les chefs. Nous nous devons d’avoir toujours une certaine réserve pour ne pas façonner ce qu’ils vont faire. Nous ne travaillons pas pour les chefs mais pour ceux qui utilisent notre sélection. Nous n’aimons pas servir de bouc émissaire : nous sommes des évaluateurs d’expérience, pas des faiseurs et défaiseurs de chefs. Je résume cela en quatre mots : sérieux, passion, anonymat et discrétion. Nous faisons notre travail et nous allons continuer à le faire...

Y compris à New York avec un guide à l’automne prochain !
Effectivement. Une première tentative il y a une quinzaine d’années avait tourné court. C’était trop tôt. Aujourd’hui c’est motivant de lancer ce guide dans un lieu où il existe tant de variétés de styles et de technique alors qu’il y a une vingtaine d’années existaient d’insolubles problèmes d’approvisionnement. C’est une expérience passionnante et nous devrions retenir 500 restaurants et 50 hôtels. J’espère qu’un jour nous pourrons nous intéresser à la Chine et au Japon.
zzz22i

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L'Hôtellerie Restauration n° 2928 Hebdo 9 juin 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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