L'Hôtellerie Restauration No 3415 - page 30

Emploi
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Dans les grandes sociétés, il existe de discrets salons où s’affairent des hôteliers, souvent en extra, pour le compte exclusif d’un
p.-d.g. Un milieu où règnent la confidentialité et la cooptation.
Les salles à manger de direction :
une niche bien gardée
D
errière des portes molletonnées, à Paris comme
en province, les patrons plébiscitent les salles à
manger de direction où ils peuvent recevoir leurs
collaborateurs et clients. Ces endroits secrets où se signent
les contrats emploient des maîtres d’hôtel et des cuisiniers
qui pratiquent une restauration de haut niveau avec
service à la française pour la salle et menu sur mesure
pour la cuisine. L’activité de ces lieux de pouvoir étant par
nature irrégulière, la sollicitation de personnel en extra
apparaît comme une évidence. Outre un
grand professionnalisme, ces hôteliers
sont tenus à la confidentialité.
Avec la crise, les salles à manger
connaissent une situation ambivalente.
D’un côté, les services généraux veulent
faire des économies sur ces postes mais,
d’un autre côté, les patrons estiment
moins coûteux, en temps et en dépenses
de restaurant, de manger sur place, en
conservant le contrôle sur leur ligne.
“Depuis son régime Dukan, mon client
n’a jamais autant déjeuné dans sa salle
à manger. Le cuisinier élabore avec
sa secrétaire les menus à l’avance. Ils
sont variés, tiennent compte du régime
du patron et sont agréables pour les
visiteurs. Mon client est très attaché à
ma présence car nous sommes liés par
œ
La filiale d’Air France, 40 ans cette année, produit 230 000 plateaux-repas par jour dans le monde et emploie près de 10 000 personnes.
Rencontre avec Stéphane Perreau, directeur des ressources humaines.
PROPOS RECUEILLIS PAR NADINE LEMOINE
© THINKSTOCK
Stéphane Perreau :
“Chez Servair, la cuisine est notre cœur de métier”
la confiance et les habitudes. Ainsi, je sais quand je
dois sortir de la salle, accélérer le déjeuner ou faire
une repasse. Il n’a rien à demander, jamais”,
explique
Jean-Jacques
, 62 ans, maître d’hôtel en extra depuis
plus de quarante ans et au service d’un grand nom de
l’édition.
350 € la vacation de six heures
Pour la rémunération, la base est le tarif de la Société
française des maîtres d’hôtel d’extra (SFMHE). En
réalité, ce tarif ne devrait être produit que par les
membres de ce syndicat qui rassemble aussi bien des
extras de l’Élysée que le maître d’hôtel d’un grand
couturier ou d’un prince saoudien. Une vacation
de six heures est rémunérée 350 € TTC, payés soit
directement par l’entreprise, soit par un intermédiaire
comme une agence d’intérim.
Les cuisiniers se calent aussi sur ce tarif syndical tout
en étant en microsociété. Ils facturent ainsi, en plus
de la vacation, le travail en amont et
les courses. Ces places s’obtiennent par
cooptation et même par transmission
de père en fils.
“En cas de maladie ou
de vacances, il faut être vigilant sur son
remplaçant, sans quoi, au retour, la
place sera perdue”,
ajoute, fataliste, un
sociétaire de la SFMHE.
FRANCOIS PONT
L’Hôtellerie Restauration
:
Comment se présente l’emploi chez
Servair ?
Stéphane Perreau
: Nous travaillons sur
la gestion prévisionnelle des emplois et
des compétences avec un accord Servair
SA et des plans d’action dans nos filiales
- 6 500 collaborateurs dans des sociétés
de droit français ou dans les DOM,
800 intérimaires et 2 500 à l’étranger. Nous
avons créé un observatoire des métiers
alimenté par des travaux, notamment
sur la filière cuisine, ce qui nous a permis
d’identifier les métiers stratégiques pour
l’entreprise. Nos clients, dont le principal
est Air France, attendent de nous que nous
soyons la vitrine de la restauration et de la
gastronomie. Les compagnies aériennes
ont révisé à la hausse leurs attentes. D’où
notre volonté de travailler aussi avec des
chefs étoilés. La cuisine est bien notre cœur
de métier.
Quel est le poids de Servair à Roissy-
Charles-de-Gaulle ?
500 professionnels, a minima un CAP
cuisine, sont dédiés à la cuisine. 80 % sont
affectés sur la production aérienne en vol
et 20 % sur la restauration hors foyer -
lounges, bars et snacks sous douane, etc. -,
les salons aéroportuaires et le traiteur.
2 000 personnes travaillent en coopération
avec les professionnels pour les opérations
de montage et de dressage des plateaux. Ils
travaillent en zone froide à 12 °C dans des
conditions d’hygiène extrêmes.
Quels sont les différents postes ?
Nous avons cinq grands métiers qui
peuvent regrouper différents postes :
commis de cuisine, cuisiniers, chef de
brigade, chef de cuisine et chef de service
production ou chef gérant. La catégorie
cuisiniers - 60 % des effectifs - va du
cuisinier débutant, au statut d’employé,
jusqu’au chef exécutif, un cadre de haut
niveau.
Quelles en sont les spécificités ?
Quel que soit le métier de notre filière
cuisine, ce qui ressort de façon générale,
contrairement à la restauration
traditionnelle, c’est que nous sommes
dans un environnement sous contraintes.
On travaille dans du
‘juste à temps’ pour
prévoir toutes les
opérations afin que
l’avion soit ravitaillé
dans les délais et
ne soit pas retardé.
Nous produisons
230 000 plateaux-repas
par jour. La deuxième
contrainte, qui touche
tous les établissements
de restauration mais qui
prend chez nous une
dimension essentielle,
c’est le respect des règles d’hygiène et
de sécurité alimentaire. Il y a aussi les
contraintes liées à la conformité du produit
en termes de grammage, de cahier des
charges, etc. Il n’est pas question que les
plateaux-repas ne soient pas identiques
d’un passager à l’autre, par exemple. Le
respect des règles, des procédures, des
cahiers des charges, des processus est
essentiel. À ces compétences et aptitudes
s’ajoutent les connaissances de techniques
culinaires. D’ailleurs, nous avons des
cursus de formation interne - Servair
Formation - et des partenariats avec des
écoles hôtelières. Il faut avoir de véritables
qualités relationnelles, car il peut s’agir
d’intégrer des brigades d’une trentaine de
personnes. Il faut des qualités d’écoute.
Quels sont les profils recherchés ?
Nous avons un besoin de cinq à dix
personnes par an qui partent de cuisinier
de premier niveau. Nous recherchons aussi
des personnes à expériences managériales
prêtes à partir à l’international et qui
seront d’abord formées chez nous à Paris.
Nos partenaires qui montent des unités
de catering à travers le monde choisissent
Servair pour avoir des chefs français.
Nous avons des ouvertures prévues en
Afrique et en Amérique du Sud. Nous
avons aussi signé un partenariat avec
Femmes en avenir et nous comptons nous
engager sur la durée. Nous avons des
professionnels qui ont une réelle envie
de transmettre leur savoir-faire. Faire
de l’artisanat de série pour répliquer des
plats de la même qualité sur des quantités
importantes, c’est nécessaire. De plus, la
promotion interne est réelle chez nous.
On peut évoluer.
Â
Statut précaire
de l’extra
Â
Les salles à
manger se raréfient
Â
Difficultés
pour postuler
AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS
Avec la crise, les patrons estiment souvent moins coûteux, en temps et en dépenses de restaurant, de manger
sur place.
+
-
Â
Travail de qualité, sans
routine, avec des moyens et
peu de couverts
Â
Rémunération valorisante
sans devoir travailler le soir,
le week-end et les vacances
Les cuisiniers
préparent
aussi bien
des plats
français
qu’étrangers
(54 cuisines
dumonde).
La sécurité
alimentaire
est l’une des
priorités de
Servair.
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