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Comme les truffes poussent dans la terre, à proximité des racines des arbres, les
trufficulteurs, ou 'rabassiers' en langage provençal, vont 'caver' ou récolter la truffe
en s'aidant d'un chien ou d'une truie. Les truffes ne mûrissent pas toutes en même temps
et le chien ou la truie, à l'odorat fort développé, sent parfaitement les truffes
mûres. Ils ne déterrent pas les truffes immatures. Il faut donc passer
régulièrementdans les truffières sur la période de récolte pour recueillir les
truffes au fur et à mesure de leur mûrissement. Aucune race de chiens n'est meilleure
qu'une autre : les chiens de pistage et de défense mais aussi les corniauds sont
conseillés. Le tout est d'établir une parfaite complicité avec son chien. Il faut
savoir lui donner beaucoup d'affection mais aussi des friandises pour le récompenser
chaque fois qu'il a trouvé une truffe. Bien dressé, il préfère ces friandises à la
truffe. Une chance pour son maître ! Le chien remplace de plus en plus souvent la truie
qui est encore utilisée par certains trufficulteurs du Sud-Ouest de la France. Mais cet
animal est plus difficile à transporter et à dresser. Par ailleurs, si le chien cherche
la truffe pour faire plaisir à son maître, la truie ou le cochon la cherche pour
la déguster.
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C'est en partie grâce aux scientifiques que la truffe, espèce en voie de disparition, pourra continuer à régaler les gourmets.
La truffe est un champignon mais un champignon pas comme les autres. Il ne pousse pas
à la surface du sol mais dedans. Il vit en symbiose avec certains arbres comme les
chênes, les noisetiers, les charmes, les tilleuls, les peupliers et les pins. Il est
incapable de synthétiser les substances organiques nécessaires à sa vie. Pour se
reproduire, la truffe produit des spores qui germent et forment un filament qui s'allonge,
se ramifie, et donne naissance à d'autres filaments. Tous ces filaments forment le
mycélium qui va à la rencontre des racines de l'arbre, s'insinue entre les cellules de
ses radicelles pour réaliser la symbiose. Le mycélium truffier absorbe dans le sol des
éléments minéraux (phosphore, potassium...) qu'il transporte dans l'arbre hôte. En
retour, l'arbre l'alimente en sucres et acides aminés. Le lieu d'échange entre le
champignon et l'arbre est la mycorhize (mukès : champignon ; rhiza : racine). La
mycorhize correspond à un ensemble constitué du mycélium de la truffe et des radicelles
de l'arbre. Il faut plusieurs années (4 à
5 ans et plus) pour que ces mycorhizes donnent des truffes. Et il faut attendre plusieurs
mois (jusqu'à 9) pour que les truffes arrivent à maturité.
Dans la nature, la formation de la mycorhize se fait au hasard. "Pour rendre ce processus moins aléatoire, explique Gérard Chevalier, chercheur à l'Inra, nous avons cherché vers 1970 à inoculer le champignon mycorhizé à de jeunes arbres. Aujourd'hui, la technique est bien maîtrisée et appliquée par une bonne vingtaine de pépiniéristes qui produisent des plants dits mycorhizés. Ces plants sont mycorhizés par deux espèces de truffes : la Truffe du Périgord ou Tuber melanosporum et la Truffe de Bourgogne ou Tuber uncinatum. Leur production est sous le contrôle de l'Inra ou du CTIFL. Aujourd'hui, 80 % de la production française de truffes proviennent de truffières plantées." Les rendements de ces plants mycorhizés, donc des truffières plantées, dépendent beaucoup de la qualité du sol, qui doit être calcaire, et des conditions climatiques : la Truffe du Périgord a besoin de soleil et de chaleur, celle de Bourgogne d'un sol frais et d'ombre. Les grandes sécheresses ou les pluies trop abondantes nuisent à leur production. Les rendements dépendent aussi de la densité des plantations et des façons culturales.
"Pour améliorer le rendement de ces plants, poursuit Gérard Chevalier, nous travaillons désormais à la sélection des arbres et des truffes les plus productifs en les clonant. Nous pourrons ainsi proposer toute une gamme de plants mycorhizés, adaptés à chacune des régions de production des truffes : Sud-Ouest, Sud-Est, Centre-Ouest et Centre-Est." Les plants mycorhizés sont en effet utilisés dans toutes ces régions et même à l'étranger : Italie, Espagne, Etats-unis, mais aussi Australie et Nouvelle-Zélande. L'un des plus gros pépiniéristes, Agri-Truffe, a vendu en 1999 plus de 85 000 plants truffiers. Pour contrôler le bon développement des mycorhizes dans le sol, l'Inra a mis au point une technique de détection des espèces de truffes par biologie moléculaire, autrement dit, par identification d'ADN. "Dans un sol, c'est la guerre des mycorhizes, raconte Gérard Chevalier. On compte une vingtaine d'espèces de truffes. Il s'agit de vérifier que ce sont les bonnes mycorhizes qui l'emportent." Cette technique d'identification des truffes permettra aussi au service de la Répression des Fraudes de lutter contre la commercialisation et l'utilisation frauduleuses de la Tuber indicum, la fameuse Truffe de Chine, apparue sur nos marchés en 1994. Cette truffe ressemble terriblement à notre Truffe du Périgord, le goût en moins... Avec cette technique, la Répression des Fraudes vérifiera par ailleurs que les plants mycorhizés ne le sont pas avec de la Truffe de Chine. Imaginez : si nos truffières d'ici 10 ans devaient donner de la Truffe de Chine au lieu de la Truffe du Périgord ou de la Truffe de Bourgogne, ce serait une véritable catastrophe écologique.
Et le goût dans tout cela ? La mycorhization des arbres truffiers ne modifie-t-elle pas le goût des truffes ? "Pas du tout, répond Gérard Chevalier. Mycorhizer un arbre, c'est reproduire en serre ce qui se fait dans la nature. C'est une insémination artificielle. La qualité d'un veau né par insémination artificielle ne dépend pas de cette technique, mais plutôt de sa race et de son mode d'élevage. Pour la truffe, c'est la même chose. Ses arômes et sa saveur dépendent de son espèce et du terroir où elle va se développer."
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L'HÔTELLERIE n° 2695 Magazine 07 Décembre 2000