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ADNY
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Rarement restaurateur essuya avec autant de virulence le feu de la critique qu'Alain Ducasse lors de l'ouverture de son restaurant new-yorkais. Une véritable cabale conduite par le New York Times et sa grande prêtresse de la gastronomie, la très francophile Florence Fabricant, d'habitude admirative des prestations des chefs français.
Quelle erreur avait donc commis le sextuplement étoilé au guide Michelin pour mériter un feu roulant de commentaires acerbes et acides ? Car il faut se souvenir des appréciations portées dès l'ouverture du restaurant de Essex House : cuisine approximative, service arrogant, décor prétentieux, prix délirants, snobisme 'à la française' insupportable. Bref, rien n'allait sinon la délectation perfide de quelques plumitifs dont les écrits fielleux étaient d'ailleurs complaisamment repris par une presse française, sans doute trop heureuse de l'échec d'un homme qui dérange bien des habitudes.
Rien ne vaut le voyage, comme dit le Michelin pour porter un jugement. Et il faut reconnaître et se féliciter qu'Alain Ducasse est bel et bien en train de réussir son audacieux pari sur Big Apple. Son établissement est devenu la coqueluche des New-Yorkais gastronomes prêts à se laisser séduire par une cuisine d'exception et surprendre par une addition inhabituelle, même pour un trader du Nasdaq ou un tycoon de l'immobilier. Dans un décor comme on l'aime autour de Central Park, Alain Ducasse propose une prestation à la fois inventive, ambitieuse et rassurante. En accordant sa confiance à des producteurs américains, qui fournissent la quasi-totalité des produits de la carte, Alain Ducasse démontre une maîtrise peu commune qu'il a su transmettre à son équipe de Manhattan, qu'il s'agisse des cuissons millimétrées, des harmonies de saveurs ou de la présentation des plats. Pas évident, à 8 heures d'avion de Paris. En cette saison automnale, le convive bien heureux pourra savourer un foie gras de la vallée de l'Hudson capable d'en remontrer à n'importe quel homologue hexagonal, un saumon sauvage de l'Atlantique rarement cuit avec autant de subtilité, un agneau de Pennsylvanie parfait. Le tout accompagné de cèpes de l'Oregon dont c'est la fin de saison. La carte des vins fait également la part belle aux productions nord-américaines dont quelques flacons, pas forcément parmi les plus connus, accompagnent dignement de telles agapes. Le jeune sommelier que l'on connut avenue Raymond Poincarré n'a pas son pareil pour vous faire découvrir un surprenant pinot noir de la vallée de Santa Inez, ou un chardonnay de Cisneros. Inutile évidemment d'insister, ce petit récit serait trop beau sans une légère réserve sur les 'gadgets' de la maison, le couteau corse pour l'agneau ou la profusion de mignardises après le dessert. La sucette, ne serait-ce pas un too much ?
Et puis, comme nous sommes à New York, n'ayons pas peur de parler d'argent : le ticket moyen d'Alain Ducasse à Essex House est probablement l'un des plus élevés de la planète, même si la faiblesse de l'euro renchérit la visite pour un Européen. Mais ce n'est apparemment pas le souci de la nombreuse clientèle qui remplit chaque soir l'établissement, plébiscitant celui à qui certains avaient prédit des débuts difficiles en terre américaine. Alain Ducasse est aujourd'hui, avec Jean-Georges Vongerichten et Daniel Boulud, dans le trio de têtes des stars de la restauration new-yorkaise, et ce n'est que justice. Il n'a pas usurpé son appellation en forme de clin d'œil, ADNY, et Donna Karan nous a assuré qu'elle s'en réjouissait.
L.H.


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L'HÔTELLERIE n° 2693 Hebdo 23 Novembre 2000


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