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Genève

Une réelle pénurie de personnel qualifié

Les hôteliers-restaurateurs suisses rencontrent eux aussi des difficultés de recrutement croissantes depuis un peu plus d'une année. Faute de trouver du personnel qualifié en Suisse, c'est en France, auprès des frontaliers, qu'ils recrutent, ce qui n'est pas sans poser problème aux hôteliers français.

Patricia Alexandre Le Naour

La Suisse est un pays de tradition hôtelière aux yeux des Français. Conscients des besoins en matière de formation depuis longtemps, les hôteliers suisses n'ont-ils pas été les premiers à investir pour créer des écoles hôtelières depuis toujours renommées sur le plan international ? Malheureusement, ces écoles ne leur permettent pas de répondre aux besoins de recrutement de l'hôtellerie helvétique. Alors que se passe-t-il dans ce pays où le tourisme est le troisième secteur économique ?
Il semble que les hôteliers suisses aient été victimes de leur succès et n'aient pas vu les choses évoluer justement en matière d'adéquation entre les formations dispensées en Suisse et leurs besoins de recrutement. Les écoles hôtelières suisses sont connues dans le monde entier. Aussi, attirent-elles un public étranger à 80 %, et quelques fils et filles d'hôteliers-restaurateurs suisses. Une fois diplômés, les étrangers quittent le pays et cherchent à poursuivre une carrière. Les enfants de professionnels suisses rejoignent l'affaire de leurs parents, et les quelques élèves suisses sortants tentent leur chance dans des chaînes internationales qui leur offrent des plans de carrière motivants. "Et les autres quittent le secteur pour travailler dans les banques où on leur fait des propositions nettement plus intéressantes, de l'ordre de 40 % de salaire en plus", explique Turker Metin du Syndicat interprofessionnel des travailleurs des CHR.

Une revalorisation
Parce que justement les hôteliers suisses ont été élitistes en matière de formation hôtelière, ils rencontrent aujourd'hui des difficultés croissantes pour recruter. Il n'y a pas de tradition hôtelière "de masse", nous explique-t-on. La formation ne se fait qu'à des niveaux supérieurs, mais rien n'a été mis en place pour satisfaire les besoins de formation des niveaux les plus bas. Il est peu courant de trouver, aujourd'hui encore, de jeunes Suisses suivre des cours pour accéder à des niveaux de CAP ou BEP. Des formations qui, d'ailleurs, en Suisse, sont relativement récentes. Pourquoi un tel blocage alors que le secteur du tourisme est essentiel pour l'économie du pays ? "Parce que nous n'avons jamais valorisé le secteur en matière d'emploi. Nous avons toujours recruté les étrangers pour ces tâches, et dans l'esprit des familles suisses, ces métiers sont dévalorisants. Elles ne conçoivent pas que leurs enfants intègrent ces filières professionnelles en dehors des postes de direction... et encore. Les Suisses ne veulent pas faire ces métiers." Des formations ont été mises en place, "mais seuls les étrangers les suivent", nous précise-t-on là encore...

Le marché des frontaliers
Un manque de personnel qualifié qui, aujourd'hui plus qu'il y a deux ans, pose des problèmes importants au secteur, mais certainement plus importants encore aux hôteliers-restaurateurs français frontaliers ! En effet, puisque les Suisses ne veulent pas travailler dans le secteur, c'est en France que les hôteliers-restaurateurs effectuent leur recrutement. Et ils ont des arguments pour attirer les frontaliers : la Suisse est l'un des pays où les charges sociales sont les plus basses d'Europe, les tarifs de l'hôtellerie et de la restauration sont en moyenne beaucoup plus élevés qu'en France. Autant dire que les employeurs ont les moyens d'offrir des niveaux de salaires supérieurs à ceux que proposent leurs homologues français... Et les salariés ne s'y trompent pas, qui choisissent de vivre en France, de supporter des loyers et des charges en moyenne inférieures et de travailler en Suisse avec des niveaux de salaires plus élevés. L'employeur suisse doit présenter un dossier pour obtenir un permis de travail pour un candidat sélectionné, dans la mesure où le marché du travail suisse ne permet pas, à une personne sans emploi, de pourvoir ce poste. une Commission tripartite donne son accord. Il faut rarement plus de deux à trois semaines pour que les autorisations soient délivrées. Dans le secteur, sur l'année 1999, 200 permis frontaliers ont été délivrés et on estime que pour l'année 2000, plus de 300 le seront... Une situation qui bloque le dynamisme du secteur des deux côtés de la frontière : "On ne travaille jamais dans de bonnes conditions sur la qualité de la prestation et, en plus, on précarise le secteur, les gens restent un an, voire deux et s'en vont", explique un professionnel. "Ce n'est pas comme ça que l'on peut faire évoluer les mentalités et revaloriser l'image du secteur. Il n'y a que des gens qui passent, qui ne s'impliquent pas dans l'entreprise, et les conditions de travail n'évoluent jamais, c'est un cercle vicieux. On ne pourra jamais... attirer de jeunes Suisses à apprendre ces métiers dans ces conditions", précise Turker Metin. En France, on vit également très mal cette situation : "Comment assurer la pérennité de nos entreprises dans de telles conditions ? Face à cette concurrence, nous devons, pour garder notre personnel, offrir des niveaux de salaires beaucoup plus élevés mais nous, contrairement aux hôteliers suisses, nous devons supporter des charges salariales très lourdes. Jusqu'à quand tiendrons-nous ?", s'interroge côté français Jean-Claude Morand, propriétaire de plusieurs établissements à Chamonix dont le Mont-Blanc.

L'exemple autrichien
La libre circulation des personnes de la Communauté européenne devrait, à partir du 1er janvier 2003, changer quelque peu les choses puisque, sans permis, les Européens pourront travailler en Suisse. Si quelques professionnels suisses gardent espoir, d'autres sont plus dubitatifs : "Le personnel qualifié français est de plus en plus difficile à trouver en France. Pourquoi viendrait-il davantage chez nous, en dehors des frontaliers ?" Enquêtes, études mettent en évidence le fait que les gens, en Suisse comme en France, boudent ce secteur parce que les conditions de travail y sont trop dures, trop décalées par rapport aux autres secteurs. "Ils se plaignent de ne pouvoir avoir de vie privée, les salaires y sont beaucoup plus bas à formation et à qualification égale que dans les autres secteurs. Ce n'est pas parce que l'on permettra aux Européens de venir travailler dans ce pays qu'ils accepteront ces conditions de vie ! Ils viendront dans ce pays dans des secteurs plus valorisants et eux, comme les Suisses, délaisseront ces métiers." Et de mettre en avant l'exemple qui devrait, à ses yeux, être suivi pour que la situation change : celui de l'Autriche. "En Autriche, 80 % des personnes qui travaillent dans le secteur de l'hôtellerie-restauration sont Autrichiens, alors qu'en Suisse, propriétaires d'établissement compris, seulement 18 % sont Suisses. Il faut faire comme eux, changer les mentalités en revalorisant le secteur en matière d'emploi, de salaires, de formation, de condition de vie. On pourra alors offrir un service de meilleure qualité et augmenter les tarifs des prestations afin d'assurer le coût de l'évolution des conditions de travail." Tout un programme diront certains... mais, de toute évidence, une problématique très proche de celle des professionnels français, à quelques nuances près...


Il semble que les hôteliers suisses aient été victimes de leur succès et n'aient pas vu les choses évoluer justement en matière d'adéquation entre les formations dispensées en Suisse et leurs besoins de recrutement. 


Parce que justement les hôteliers suisses ont été élitistes en matière de formation hôtelière, ils rencontrent aujourd'hui des difficultés croissantes pour recruter.

 


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L'HÔTELLERIE n° 2683 Supplément Formation 14 Septembre 2000


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