du 11 octobre 2007 |
SECRETS DE CHEFS |
JEAN-FRANÇOIS PIÈGE, CHEF DU RESTAURANT LES AMBASSADEURS À L'HÔTEL DE CRILLON
LE PLAISIR AVANT TOUT
Jean-François Piège publie dans quelques jours son premier livre personnel : Côté Crillon Côté Maison de Jean-François Piège, aux éditions Flammarion. Suivent, en avant-première, 4 plats extraits de cet ouvrage. Pour connaître un peu mieux le chef (Espoirs 3 étoiles Michelin) qui étrennera dans quelques semaines une salle de restaurant "rénovée", un jeu de questions-réponses pas si simple.
Par Nadine Lemoine
Portraits : Denis Rouvre
Photos recettes : Grant Symon
L'Hôtellerie Restauration
: S'il ne fallait retenir qu'un plat parmi vos créations ?
Jean-François Piège : Difficile de
réduire un cuisinier à un plat, parce que la cuisine, c'est quelque
chose qui est en mouvement, qui n'est pas figé. Un plat a une valeur à
une époque et pas forcément la même à une autre époque.
Mais le premier dont on a parlé au Crillon, c'est le Blanc à manger.
Le plat que vous auriez aimé
inventer ?
Il y en a plein… C'est un dessert,
l'omelette norvégienne, parce qu'il faut être vraiment culotté pour
mettre de la glace au four. Et j'aime bien cette impertinence dans la cuisine. C'est
le côté impertinent et culotté qui me plaît, parce que je
pense que c'est ce qui fait les grands plats.
Le repas le plus éblouissant ?
C'est peut-être le premier, parce
que c'est grâce à lui que je fais ce métier. Il était de chez moi. Il m'a
fait rêver. C'est le papa d'un grande cuisinière, Jacques Pic. Après j'ai eu la
chance de rêver en suivant d'autres
cuisiniers : Joël Robuchon pour sa précision, Pierre Gagnaire pour son
originalité, Michel Bras pour son histoire, Alain Ducasse pour son excellence…
En fait, quand on parle de meilleur, on pense aux noms prestigieux qui viennent,
mais j'ai eu aussi de grands émois chez des gens moins connus comme Jacques
Décoret à Vichy, Alexandre Bourdas à Honfleur, mais aussi à
la ferme-auberge La Méjanesserre à Entraygues-sur-Truyère. Le plaisir,
ce n'est pas simplement le luxe, c'est aussi le trouver dans un endroit où
on ne s'attend pas à le trouver. C'est aussi des moments partagés avec
les gens qu'on aime comme j'en ai eu plein de fois avec Didier [Eléna, NDLR].
À l'étranger ?
La première fois que je suis allé
au Japon chez Mikuni à Tokyo. Et au restaurant Yonemura à Kyoto. Sans
oublier les Espagnols. J'ai pris beaucoup de plaisir chez Barasateguy et chez Ferran
Adrià. À New York aussi, où on a envie de citer les plus connus.
Mais par exemple, Didier m'a fait connaître là-bas un restaurant extraordinaire
qui s'appelle Peasant. C'est un restaurant qui n'existe pas en France. Il cuit tout
au feu de bois. C'est exceptionnel. On ne peut pas réduire la cuisine à
un goût de l'exception. Le plaisir va du quotidien jusqu'à l'exceptionnel.
Ce qui vous agace le plus ?
C'est cette volonté de vouloir
tout comparer, à vouloir mettre des étiquettes sur tout. Chacun dans
ce métier écrit sa propre histoire et elle est unique. Et les procès
d'intention qu'on fait aux individus qu'on ne connaît pas et qu'on a des fois
jamais rencontrés. On a la chance d'avoir un métier qui a connu une évolution
extraordinaire. On ne peut pas avoir que les bons côtés.
Endives au jambon. |
Le plus beau compliment ?
C'est que ma cuisine était bonne,
qu'elle avait du goût et que les gens avaient pris du plaisir. C'est le plus
beau des compliments. Il ne faut rien attendre d'autre. Les superlatifs sont dangereux.
La critique qui vous a le plus marqué ?
Que ma cuisine n'était pas bonne.
Ça ne lui avait
pas plu.
C'est de ces pics-là qu'on avance. Je ne dis pas que c'est arrivé hier.
Mais une fois dans ma vie, quelqu'un m'a dit "ce que vous avez fait, je n'ai
pas compris, je n'ai pas aimé". Le métier de cuisinier, c'est savoir
accepter cette critique et en tirer les conclusions nécessaires.
Le secret de la réussite ?
La réussite est propre à chaque individu. La seule chose qu'on peut en dire
c'est qu'à partir du moment où on a une envie, quelle qu'elle soit, on s'en
donne les moyens ! Et les moyens, c'est souvent du travail !
Votre plus grand rêve ?
Aller jusqu'au bout de mes rêves.
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Ses grandes dates
25 septembre 1970 |
"Je
ne voulais pas faire un livre de chef de plus, mais un livre qui colle à
notre époque et à ce que je suis. Je suis cuisinier au Crillon,
mais aussi à la maison, et quand je cuisine à la maison, je me sers
du côté malin de mon savoir-faire. […] J'ai tenu à
donner l'extrême précision des recettes pour la maison comme pour
le Crillon, mais avec une volonté : que les recettes ne soient pas écrites
de façon narrative mais de façon empilable. C'est-à-dire qu'une
recette, ce n'est pas un plat. Des recettes composent un plat. C'est comme un jeu
de Lego qu'on fait et qu'on défait. Grâce à l'index, on retrouve
pour chaque produit les différentes recettes."
Côté Crillon Côté Maison de Jean-François
Piège |
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L'Hôtellerie Restauration n° 3050 Magazine 11 octobre 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE