du 8 novembre 2007 |
L'ÉVÉNEMENT |
1967-2007
ACCOR : LA QUARANTAINE FLORISSANTE
Le leader de l'hôtellerie en Europe et n° 1 mondial des titres de services célèbre ses 40 ans, les 14 et 15 novembre, à Paris. Très en forme - ses prévisions de résultat courant avant impôts se situent entre 870 et 890 ME pour 2007 (+ 20 %) - Accor doit encore relever quelques défis, notamment sur le segment du luxe et dans son développement à l'international. Nommé directeur général-administrateur en janvier 2006, Gilles Pélisson mène l'affaire tambour battant.
Sofitel Beijing Wanda, Pékin, Chine. |
Sofitel Strasbourg. |
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De
l'émotion et du frisson ! Voilà deux ingrédients qui animeront
le théâtre du Châtelet les 14 et 15 novembre, où se déroulera
le 40e anniversaire du groupe Accor. Avec environ 3 000 invités
attendus, des milliers de souvenirs et de rêves sur l'avenir seront évoqués
lors ces deux soirées, à la manière d'une grande famille. Normal,
après tout. "Partager une aventure comme celle d'Accor crée des liens",
confie Claude Moscheni, ancien patron de l'hôtellerie milieu de gamme
(Sofitel, Mercure et Novotel).
Au départ, Paul Dubrule et Gérard
Pélisson devaient pourtant se sentir passablement isolés. Pas grand
monde ne prédisait un tel destin à leur entreprise. Rendez vous compte !
Deux bâtisseurs en herbe qui lancent un concept d'hôtel (Novotel) révolutionnaire
à l'époque - en 1967 -, au milieu d'un champ de betteraves. Mais le
duo va bel et bien bâtir un véritable empire hôtelier. La preuve
: quarante ans plus tard, Accor compte 170 000 collaborateurs et exploite près
de 4 000 hôtels représentant 500 000 chambres (Novotel, Ibis, Formule
1, Etap Hotel, Mercure, Suitehotel, Sofitel, All Seasons, Motel 6, Pullman) dans
100 pays. De quoi occuper la première place du classement hôtelier européen
tandis qu'avec 23 millions d'utilisateurs de services, Accor domine le marché
mondial des titres de services.
Certes, la réussite du groupe
ne s'est pas construite en un jour. Loin s'en faut. La société a vécu
des périodes de turbulences. Périodes presque noires notamment au début
des années 1990. "Une sorte de psychose concernant l'endettement du groupe
s'était alors emparée de certains actionnaires et de la communauté
financière", se souvient un ancien cadre. Ajoutez le rachat délicat
de la Compagnie des Wagons-Lits, la surcapacité hôtelière en Europe,
le fléchissement de l'économie et l'échec cuisant du dossier Méridien,
Accor aurait pu boire la tasse.
Un nouveau souffle à
l'interne
Le groupe a toutefois su
retrouver les clés du succès. Comment ? D'abord en se remettant en cause.
Puis en cédant certaines activités dans des domaines où il n'était
pas le meilleur ou bien ne le deviendrait jamais. C'est le cas notamment de la restauration
commerciale. Enfin, en continuant d'innover et acceptant par la suite de réviser
sa politique immobilière. "Si Accor avait continué à posséder
ses murs plus longtemps, il aurait commis une grosse erreur. L'optimisation du patrimoine
immobilier lui ouvre des possibilités
de croissance énorme", souligne un observateur, spécialiste du secteur.
Les performances réalisées au terme
du premier semestre 2007 parlent d'elles-mêmes : Accor affiche aujourd'hui
une forme insolente. Le résultat courant avant impôts a bondi de 34,4
% sur un an à 379 ME. Le chiffre d'affaires a grimpé de 8,8 % à
4,015 milliards d'euros. Quant à la marge brute d'exploitation, elle a progressé
d'un point de base à 27,3 %. "Cette dynamique résulte à la
fois d'une bonne conjoncture économique, mais surtout d'un nouveau souffle
à l'interne. Chacun sait aujourd'hui vers quel objectif il doit tendre",
commente Gilles Pélisson.
Grand nettoyage de printemps
Modeste, le garçon ! "Depuis qu'il est
arrivé, Gilles a en réalité sacrément secoué le cocotier",
témoigne avec humour un administrateur. Nommé directeur général-administrateur
début 2006, le nouveau patron a tout simplement réveillé la 'belle
endormie'. D'autant plus facilement qu'il bénéficiait d'une évidente
légitimité, ayant passé plus dix ans chez Accor avant de s'envoler
ensuite vers Eurodisney. En tandem avec Serge Weinberg, il s'est attelé
à changer le profil d'Accor en profondeur au cours des derniers mois. Une
mue, du reste, pas encore totalement achevée.
Après un grand nettoyage de printemps
concrétisé par les cessions des participations entre autres dans le Club
Med, Compass, Carlson Wagonlit Travel ou bien la vente pure et simple de Go Voyages,
Red Roof, la restauration collective en Italie, etc., Gilles Pélisson a recentré
les activités du groupe sur ses deux métiers principaux : l'hôtellerie
et les services.
Cet adepte de la petite
reine a pris également à bras le corps le dossier immobilier en passant
au peigne fin l'ensemble des actifs du groupe. "Il ne s'agit plus aujourd'hui
d'être majoritairement des propriétaires d'hôtels. L'important,
c'est surtout de maîtriser le concept et la construction", explique-t-il.
Au terme de la mise en oeuvre de sa politique d'Asset Right - en jargon interne -
qui vise notamment à améliorer le retour sur capitaux employés
(ROCE) par l'adaptation des modes de détention des hôtels en fonction
des différences de rentabilité de chacun des segments, 77 % du parc hôtelier
existant sera exploité sous forme de contrats de management, franchises ou
loyers variables à la fin 2010, contre 50 % à l'heure actuelle.
Le patron d'Accor a, en parallèle,
procédé à une revue détaillée
de son portefeuille de marques avec ses équipes marketing, placées sous
la houlette d'Éric Lepleux. À l'issue d'une longue réflexion,
le n° 1 européen affiche maintenant clairement ses ambitions. "Nous
voulons être le leader de l'hôtellerie économique et milieu de
gamme et aussi un acteur majeur dans le luxe au niveau mondial", clame Gilles
Pélisson. Cela se traduit dans les chiffres par un accroissement sensible du
parc d'hôtels d'ici à trois ans : 600 000 chambres pour 5 000 hôtels,
soit l'ouverture de 1 500 établissements supplémentaires entre 2007 et
2010.
Trois
prototypes de chambre ont été imaginés comme des concept-cars pour
la nouvelle enseigne 2 étoiles nommée All Seasons.
Segmentation affinée
avec deux nouvelles enseignes
Sur le plan marketing, cela
implique une segmentation très affinée de l'offre. Le groupe a ainsi tout
récemment lancé All Seasons. "C'est le pendant d'Ibis, comme Mercure
pour Novotel", indique Éric Lepleux. Une véritable petite révolution
en interne. D'abord parce que cette enseigne 2 étoiles est non standardisée.
Un comble pour celui que l'on appelle le 'McDo de l'hôtellerie'. Mais surtout,
parce qu'il s'agit dès le départ d'une chaîne de franchise à
vocation européenne. "90 % du réseau sera exploité en franchise,
10 % en filiale", affirme Gilles Pélisson.
"Cela peut être un
bon filon. Nous allons voir si le modèle de franchise Accor est exportable",
s'interroge un auditeur spécialiste du secteur. Du côté des équipes
dirigeantes, aucun doute. Elles annoncent 10 000 chambres dans les trois ans qui
viennent, réparties entre la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Benelux
et l'Italie. "Nous visons 38 All Seasons en France à la fin 2008 et 128
à la fin 2010", assure Julien Mulliez, patron de la marque pour
la France.
Autre nouveauté : Accor s'est
associée à Pierre & Vacances pour développer un réseau
de résidences urbaines (3 et 4 étoiles) à travers le Vieux Continent.
Baptisé Adagio City Aparthotel, le programme vise 50 unités d'ici à
cinq ans, représentant quelque 6 500 appartements. Mais le virage le plus important
engagé par Gilles Pélisson est probablement la renaissance de Pullman
et le repositionnement stratégique de Sofitel, destiné à devenir
le véritable porte-drapeau d'une hôtellerie de luxe 'à la française'.
"La relance de la marque Pullman - héritée de la Compagnie des Wagons-Lits
- résulte du repositionnement de Sofitel sur le segment luxe, commentait
le patron d'Accor dans nos colonnes, il y a quelques semaines. Et de poursuivre,
Dans
ces conditions, nous
devions disposer d'une marque 4 étoiles, à forte personnalité,
de grande capacité, spécialiste du marché Mice [Meeting, Incentive,
Convention et Exhibition, NDLR], présente dans toutes les grandes villes du
monde. Une marque capable de rivaliser avec Hilton, Sheraton ou bien encore Crowne
Plaza."
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Une organisation dédiée
pour Sofitel
Dès son lancement -
prévu en décembre 2007 - Pullman comptera donc une cinquantaine d'hôtels
(35 Sofitel et 16 Mercure) dans 23 pays. "C'est déjà une masse critique
qui va nous permettre très vite d'être crédible", argue Gilles
Pélisson. Avec 47 unités supplémentaires au terme des trois prochains
exercices, la chaîne frôlera la centaine d'adresses à l'horizon
2010 et lorgne les 300 cinq ans plus tard. Des adresses dont le taux d'occupation
moyen atteindrait à cette date 70 % pour un prix moyen de 130 euros.
S'agissant de Sofitel, le repositionnement
de la chaîne prendra davantage de temps. "D'autant que cette nouvelle stratégie
est un peu contre nature. Chez Accor, on apprend surtout à compter. Atout
essentiel pour les actionnaires. Or dans le luxe, il faut savoir dépenser sans
compter pour mieux récolter. Malgré tout, la démarche est louable",
lance un connaisseur du marché très haut de gamme. Qu'à cela ne
tienne ! Gilles Pélisson veut croire en sa cinquième bonne étoile.
Outre sa conviction évidente, il peut énumérer les splendides réalisations
récentes de la chaîne à Londres (Saint-James), Chicago, Pékin
(Wanda), au Caire (El Gezirah)
et même à Paris (Scribe). Sans oublier de citer les récompenses
décrochées par l'enseigne. "Le Sofitel Métropole à Hanoi
a été élu Meilleur hôtel d'affaires de Hanoi par le magazine
Traveller Asia Pacific. Celui de New York figure à la première
place du Top 10 des meilleurs hôtels nord-américains par les lecteurs
de Trip Advisors", rappelle cet ancien Essec. "Le segment du luxe est en
pleine croissance, marqué par l'apparition de nouvelles clientèles à
fort pouvoir d'achat. C'est aussi une vitrine qui facilite la pénétration
d'autres marchés", ajoute-t-il.
Pour parvenir à ses fins, Gilles Pélisson
n'hésite pas à se donner les moyens de ses ambitions. Sofitel va ainsi
fonctionner en tant que business unit à part entière. "Il s'agit
de développer une nouvelle culture du luxe à l'intérieur d'Accor.
Cette business unit aura un directeur général monde, Robert Gaymer-Jones,
ancien collaborateur de Marriott International au Royaume-Uni et en Irlande. Il
me sera rattaché", souligne Yann Caillère, actuel patron de
l'hôtellerie pour la zone Europe, Moyen-Orient, Afrique, également en
charge de Sofitel.
Le nouveau petit-déjeuner SuiteHotel fait un véritable tabac. |
Sofitel Legend
Forte de cette organisation
inédite, Sofitel s'accorde deux à trois ans pour se hisser dans la cour
des grands tels que Westin, Grand Hyatt ou bien encore InterContinental. En décembre
2010, la chaîne de prestige devrait totaliser 139 établissements contre
182 à ce jour. "Est-ce une taille suffisante pour asseoir une visibilité
mondiale", s'inquiète un
analyste. Va savoir… Toujours est-il que "cette optimisation du réseau
aura un impact sur le prix moyen de la marque qui passerait de 111 euros à
172 euros à la fin 2010", a indiqué Yann Caillère à
l'occasion d'une réunion avec des analystes financiers. Notons que l'on en
saura un peu plus sur le contenu de la marque d'ici à quelques jours. Une
chose est déjà acquise : sa base line s'intitulerait 'Life is Magnifique'.
Le repositionnement de la chaîne s'accompagne, en outre, de la création
de deux labels aux côtés du coeur de la marque. Le premier rassemblera
les fleurons historiques du réseau (Sofitel Legend). Le second - qui rivalisera
avec les hôtels de Ian Schrager, des Frères Costes ou encore avec W -
regroupera des unités plus trendy sous le nom de 'So by Sofitel'.
Un sacré programme en perspective. Mais Gilles
Pélisson n'entend pas pour autant ralentir la cadence. Celui qui jadis présida
en duo avec Philippe Brizon la destinée de Novotel veut battre le fer
quand il est chaud. "Rien n'est jamais définitivement acquis. C'est quand
tout va bien qu'il faut se remettre en question", répète Paul Dubrule.
Un message reçu cinq sur cinq par la nouvelle direction.
Décloisonner l'espace
dans la chambre
Épaulé par le
département Innovation & Design, dirigé par le passionné et passionnant
Michel Gicquel, Gilles Pélisson a dressé un état des lieux
précis de chacun des produits hôteliers. En perte de vitesse, la chaîne
très économique Formule 1 s'offre ainsi une cure de jouvence pour 80 millions
d'euros en France. Plus gai et plus convivial, le concept relooké - dont le
nom évolue en hotelF1 - comprend deux types de chambres à prix unique
(voir L'Hôtellerie Restauration
n° 3052). Malgré une superficie qui reste identique (9 m2),
la nouvelle génération Formule 1 décoiffe.
Dès
2008, la petite soeur Etap Hotel, elle aussi, se remettra au goût du jour.
S'agissant de Suitehotel - l'un des produits les plus novateurs de ces dernières
années - la seconde génération est en marche. Novotel n'échappe
pas à la règle. Une nouvelle chambre - Next - est ainsi en cours de
validation. Autant de projets qui, bien entendu, collent le plus près possible
aux nouvelles attentes du client. Mieux encore, les anticipent. "Aujourd'hui,
ce qui compte dans une chambre d'hôtel, c'est d'avoir la liberté de choisir
son espace et de le moduler selon ses envies. En clair, le no stress", souligne
Michel Gicquel. Selon ce dernier, la chambre d'hôtel traditionnelle - entrée/dressing,
salle de bains/WC, espace couchage - n'est plus du tout à l'ordre du jour.
"On ne peut plus imposer de structures rigides aux clients", assène
cet ingénieur, photographe, fan d'architecture.
Encore une petite révolution qui se prépare plutôt bénéfique
pour l'expansion du groupe.
Plus gaie, la nouvelle génération de chambres Formule 1 favorise la convivialité. |
200 000 chambres supplémentaires
d'ici à 2010
En la matière, Accor
n'a pas dit son dernier mot. Le but de la manouvre consiste en effet à accélérer
l'expansion du groupe en particulier dans l'hôtellerie économique et
milieu de gamme dans les pays dits émergents (Brésil, Chine, Inde, Russie).
Sans oublier le Maghreb et le Moyen-Orient. Le tout, bien sûr, via des modes
de détention peu capitalistiques comme la franchise et le management. D'ici
à 2010, Gilles Pélisson envisage ainsi de porter le nombre d'hôtels
sur ces segments (hors Sofitel et Pullman) à 125 en Chine. En Inde, il table
sur 40 unités représentant 7 000 chambres. Il fonde de gros espoirs sur
l'Amérique latine où il souhaite porter le parc à 260 hôtels
en 2010 (39 000 chambres).
"À ce rythme là,
je suis assez confiant sur les 200 000 chambres supplémentaires programmées
pour 2010. Accor a déjà donné des signes très positifs",
souligne un analyste. En témoignent - parmi d'autres exemples - la création
d'une société commune à parité avec Emaar Properties en Inde
pour bâtir une centaine d'hôtels Formule 1 dans les dix ans à
venir ainsi que la récente signature de 62 nouveaux hôtels en Chine.
Le leader européen consolide également ses positions sur le Vieux Continent
grâce à la conclusion de différents contrats de gestion, comme,
en mars 2007, avec Moorfield Real Estate Fund portant sur 23 établissements
au Royaume-Uni.
Amélioration de la rentabilité
"Reste à résoudre
la problématique de l'absence d'Accor sur le milieu de gamme aux États-Unis",
soulève le patron du développement d'un groupe concurrent. Avec la cession
de Red Roof, la direction Accor rétorque qu'elle souhaite consolider la position
de Motel 6 et accélérer la croissance de Studio 6 outre-Atlantique : 250
nouveaux hôtels sont attendus d'ici à 2010 sur le segment, majoritairement
via la franchise. "La liste d'attente pour les franchisés ne cesse de s'allonger",
confesse un cadre de la maison.
À l'évidence, l'histoire d'Accor n'est
pas finie dans l'hôtellerie. Cerise sur le gâteau d'anniversaire : le
groupe prévoit une nette amélioration de sa rentabilité d'ici à
2010. "La marge opérationnelle sur l'hôtellerie devrait s'accroître
de 3 points par rapport à celle de 2006 et ce, hors effets de cycle économique",
avance Gilles Pélisson. De bonnes nouvelles qui s'accompagneraient d'une hausse
de 3,6 points du ROCE (hors évolution de la conjoncture). De quoi voir l'avenir
en rose. D'autant que l'aventure dans le secteur des services - peu capitalistique
et à forte rentabilité - va également se poursuivre. Pour parfaire
son offre, le groupe a racheté à PPR, le numéro 1 du chèque
cadeau, Kadéos. Mais aussi le leader des services marketing, Surf Gold…
Une nouvelle aventure commence.
Claire
Cosson
zzz36v zzz36i
Répartition du parc hôtelier par marques prévue à fin 2010
Sofitel 139
Pullman 98
Novotel 505
Mercure 948
Suitehotel 59
Ibis 1 106
Etap Hotel 492
All Seasons 200
Formule 1 348
Motel 6 986
Studio 6 94
Autres marques 25
Total 5 000 Hôtels
Source : Accor journée d'investisseurs.
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L'Hôtellerie Restauration n° 3054 Hebdo 8 novembre 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE