du 25 octobre 2007 |
JURIDIQUE |
EN RAISON D'UNE JURISPRUDENCE CONTRADICTOIRE
VA-T-ON VERS UNE REMISE EN CAUSE JUDICIAIRE DU CONTRAT NOUVELLES EMBAUCHES ?
Créé par une ordonnance du 4 août 2005, le contrat nouvelles embauches a connu un certain succès auprès des très petites entreprises. 17 % d'entre elles ont embauché au moins un salarié sur la base de ce contrat, et dans les entreprises de plus de 5 salariés, ce taux a même atteint 23 %. Mais certains tribunaux ont contesté la validité de ce contrat, et l'ont requalifié en contrat à durée indéterminée. Faut-il, ou non, utiliser ce contrat qui permet aux entreprises d'adapter leur embauche à leur activité économique ?
En
mai 2006, comme sur l'année 2005, le ministère du Travail a relevé
que 8 % des chefs d'entreprise ayant embauché en contrat nouvelles embauches
(CNE) déclarent qu'ils n'auraient pas embauché sur le poste de travail
si le CNE n'avait pas existé. Par ailleurs, près de 20 % des entreprises
interrogées déclarent que ce nouveau contrat leur a permis d'anticiper
l'embauche.
Ce contrat de travail a rencontré un vif
succès, car il offre, pendant les deux premières années, la possibilité,
tant pour l'employeur que pour le salarié, de le rompre suivant ces modalités :
•
La rupture doit être notifiée par lettre recommandée avec demande
d'avis de réception.
Lorsque l'employeur est à l'initiative de la rupture, et sauf pour faute
grave ou cas de force majeure, il fait courir un préavis, lorsque le salarié
est dans l'entreprise depuis au moins un mois.
La durée de ce préavis dépend de l'ancienneté du salarié
dans l'entreprise. Il est fixé à au moins deux semaines pour un salarié
présent dans l'entreprise depuis moins de six mois.
Ce préavis peut s'étendre à un mois pour un salarié présent
dans l'entreprise depuis plus de six mois.
Lorsque l'employeur est à
l'origine de la rupture, sauf en cas de faute grave du salarié, il doit verser
à ce dernier une indemnité égale à 8 % du montant total
de la rémunération brute due, depuis la conclusion du contrat. Cette indemnité
n'est soumise ni à l'impôt sur le revenu ni aux cotisations sociales.
À cette indemnité versée
au salarié, l'employeur doit ajouter une contribution égale à 2
% de la rémunération brute due au salarié depuis le début du
contrat. Cette contribution est recouvrée par l'Assedic, et vise à financer
l'accompagnement renforcé du salarié par le service public de l'emploi.
L'État incertain de la jurisprudence
Malgré tous les avantages
cités précédemment, l'employeur doit être désormais très
attentif avant de rompre un CNE. Les derniers arrêts en la matière le
démontrent. Mieux vaut suivre la procédure classique de licenciement (cause
réelle et sérieuse, entretien préalable, notification du licenciement)
en attendant que la Cour de cassation soit saisie et tranche le contentieux sur
la conformité du CNE au droit international.
Il faut revenir à la
source du débat : le Conseil d'État a jugé l'ordonnance créant
le CNE valable en regard de la convention 158 de l'Organisation internationale du
travail (OIT), qui autorise l'absence de motif et de procédure pendant une
période qui doit rester d'une durée raisonnable. Le juge a donc pour mission
de qualifier le licenciement et vérifier sa cause.
Un dirigeant condamné
Le 28 avril 2006, le conseil
de prud'hommes de Longjumeau a, pour la première fois, condamné un dirigeant
de PME à 17 500 E de dommages-intérêts pour rupture abusive de
période d'essai et rupture de période de consolidation.
Se fondant sur le droit international,
le conseil de prud'hommes a jugé le CNE "privé d'effet juridique"
et "non valable", entraînant sa requalification en CDI de droit commun.
Pourquoi ? Le conseil a énoncé qu'un salarié ne peut être licencié
sans qu'il existe un motif valable de licenciement.
La compétence de la cour d'appel
de Paris, saisie de cette affaire, a été contestée sur le fondement
de la nature d'acte administratif réglementaire de l'ordonnance créant
le CNE. Cependant, le Tribunal des conflits, saisi par le Garde des Sceaux, a jugé
que le pouvoir judiciaire était compétent (Trib. Confl. 19 mars 2007,
n° 3622). La cour d'appel de Paris a pu
se prononcer.
Elle a déclaré, dans son arrêt
en date du 6 juillet 2007, que le CNE est contraire au droit international en
confirmant
l'arrêt du conseil des prud'hommes de Longjumeau. L'employeur a été
condamné à 20 000 E de dommages-intérêts pour licenciement
abusif.
Pour fonder sa décision, elle
a estimé que le salarié est privé de l'essentiel de ses droits durant
la période de deux ans, et doit amener la preuve de l'abus de la rupture de
son contrat. En conséquence, elle a en estimé que ce statut est une régression
de ses droits.
La décision des prud'hommes de
Longjumeau a été reprise
par la cour d'appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 18 juin 2007, n° 06-04806).
Vers la fin du CNE ?
Toutefois, il convient de noter que les jugements
n'ont pas pour conséquence d'entraîner une requalification systématique
de tous les CNE en CDI. Pour savoir si le CNE a encore de beaux jours devant lui,
il va falloir attendre que la Cour de cassation se prononce, si elle est éventuellement
saisie d'un litige de cet ordre.
Pour l'instant, le CNE n'est pas condamné
à disparaître. Cependant, ces dernières décisions peuvent
amener les employeurs à ne plus embaucher
sous ce contrat. La possibilité d'une requalification en CDI rend ce contrat
beaucoup moins attractif pour l'employeur. Pourtant, ce dernier doit savoir que
le CNE n'est pas plus dangereux qu'un simple CDI. Pour effectuer un licenciement
valable, il suffit que les griefs reprochés au salarié soient légitimes.
Soit le CNE est un contrat à durée
indéterminée ordinaire, soit il en est une véritable alternative,
parce qu'il est beaucoup moins contraignant en matière de licenciement. Il
devient donc source d'emplois.
Céline
Lugagne-Delpon, avocate à la cour
(lugagne.delpon@wanadoo.fr)
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