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du 11 août 2005
VINS
On ne s'improvise pas sommelier…

LES PROFESSIONNELS DE LA SOMMELLERIE S'INTERROGENT SUR L'ÉTAT DE LEUR PROFESSION

Bordeaux (33) Lors du salon Vinexpo, la conférence 'Être sommelier au XXIe siècle' a fait le plein. Pour débattre, les Meilleurs sommeliers du monde étaient à la tribune. La profession a conscience qu'il convient
de s'adapter.

La mutation paraît inéluctable. La consommation de vin baisse, se transforme. Et dans ce contexte, les sommeliers ont une carte à jouer. Comme l'a indiqué en introduction Françoise Brugière, chef de la division Études et Marchés Onivins : "72 % des consommateurs avouent qu'ils ont du mal à choisir un vin au restaurant. Le défi sera d'accompagner le client même s'il a des pratiques iconoclastes comme ce Japonais qui désirait voir son vin servi dans un verre à saké bien glacé." Elle insiste également sur le rôle du prix : "Il constitue un frein certain à la consommation de vin au restaurant."

Des prix qui ont augmenté dans de fortes proportions, comme le relève Georges Augé, directeur de département TNS Secodip. Normal, peut-on penser, puisque dans le même temps le prix moyen des achats réalisés par les restaurants a augmenté de 8 % entre 2001 et 2004. Études à l'appui, il constate que sur cette période, la bouteille de 75 cl perd du terrain au bénéfice du format 1 litre et du BIB. Lui aussi conclut que "le prix est déterminant pour le consommateur."

Le prix précisément, c'est pour Shinya Tasaki, Meilleur sommelier du monde 1995 et chef sommelier de l'Hotel Seiyo Ginza à Tokyo, la raison - entre autres - de la réussite d'un bistro qu'il a créé il y a 2 ans et demi à Tokyo. "Dans ce restaurant de 60 couverts où les réservations s'effectuent un mois à l'avance - l'établissement est complet tous les jours -, il n'y a qu'un seul tarif : 30 E pour un menu carte de 15 entrées, 15 plats et 10 desserts. Le prix de la bouteille est également unique, 30 E, quel que soit le flacon. Car chez nous, le prix est essentiel."

Les exigences des consommateurs, Philippe Faure-Brac, Meilleur sommelier du monde 1992, les a bien comprises, lui qui a créé et anime toujours le Bistrot du Sommelier. "Les cartes sont classées par prix, car c'est aussi une attente du consommateur, confie-t-il. Nous avons en outre élaboré un menu surprise avec le vin inclus. Le vin peut même être servi à l'aveugle, car il s'agit également de faire découvrir notre univers."

Effectivement, le travail du sommelier ne se résume pas à des connaissances techniques ; il convient de les faire partager. Selon Serge Dubs, président de l'Union de la sommellerie française (UDSF), "50 % de notre travail est de la psychologie. Il faut conseiller le consommateur, ne rien lui imposer, voir le niveau du prix du menu, cerner ses goûts. Le sommelier fait rêver, il rend les gens heureux. Il est multifonctionnel". Et d'ajouter très vite : "Le terme de sommelier doit être réservé à la restauration. Il faut que ce nom soit bien protégé. On ne s'improvise pas sommelier, même si on tient ce rôle."

Le métier de sommelier ne doit pas être "mis sous cloche"

L'évolution du sommelier professionnel n'est-elle pas de sortir aussi du restaurant ? Jean-Michel Deluc, maître sommelier de l'UDSF et créateur du site internet Chateauonline, revendique son statut actuel de sommelier à domicile et ses 20 années passées dans la restauration à servir "aussi bien la reine d'Angleterre que les ouvriers", ce qui lui permet aujourd'hui "de faire un peu de tout".

"Il ne faut pas que le métier de sommelier soit mis sous cloche, soit connoté luxe. Notre profession doit être proche du consommateur. Il faut suivre l'évolution de la société car ce monde bouge. Dans 100 ans, peut-être que des robots feront leur apparition. Peut-être que la pratique des futurs sommeliers sera différente de la nôtre. Il faut rester humble." Le souci d'adaptation revient comme un leitmotiv. C'est une évidence pour Enrico Bernardo, directeur de la sommellerie et beverage manager du Four Seasons Hotel George V à Paris. Pour le Meilleur sommelier du monde 2004, "l'apprentissage de notre métier est très long. On ira plus loin encore dans la recherche. Si je travaillais au Japon, il faudrait que je m'adapte à leur culture. Les consommateurs sont de plus en plus qualifiés. On parle de mieux en mieux du vin. Je suis très optimiste pour le futur".

Serge Dubs enfonce le clou : "C'est grâce au langage du sommelier que le client va pouvoir rêver. Le sommelier fait partie d'un ensemble. C'est un maillon de la chaîne."

Un maillon manquant semble-t-il en Suisse, comme en témoigne une personne dans le public. "Dans les restaurants, c'est le patron ou un commis qui fait office de sommelier. Comme mes confrères sommeliers professionnels, je n'exerce pas dans un restaurant. Je suis sommelier pour une banque."

Dommage que certains restaurateurs n'aient pas compris la plus-value apportée par le sommelier. Enrico Bernardo est formel : "C'est un facteur de fidélisation de la clientèle."
Brigitte Ducasse zzz46o


"On ne s'impose pas sommelier, même si on tient ce rôle",
explique Serge Dubs, président de l'UDSF.

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