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du 7 juin 2007
JURIDIQUE

Si vous exploitez en entreprise individuelle et que vous avez besoin de trésorerie, vous pouvez peut-être profiter du nouvel allégement fiscal en cas de cession de murs à une société d'investissement immobilier. Cette mesure, issue du plan de croissance, est alléchante, mais à qui profitera-t-elle vraiment ? Le débat est ouvert.
Dossier réalisé par Tiphaine Beausseron

Cession des murs inscrits à l'actif d'une entreprise individuelle

Nouvel allégement, cadeau fiscal ou cadeau empoisonné ?

Parmi les mesures du contrat de croissance, entré en vigueur en janvier 2007, figure l'allégement de la fiscalité sur les cessions de murs des cafés, hôtels ou restaurants institué par l'article 151 septies C du Code général des impôts (CGI). "Depuis cette année, un exploitant HCR propriétaire de ses murs peut les externaliser en les cédant à une société d'investissement immobilier pour disposer de la trésorerie correspondante sans supporter une fiscalité dissuasive", vante le communiqué de presse de Renaud Dutreil, ministre des PME, et Léon Bertrand, ministre délégué au Tourisme du gouvernement de Dominique de Villepin. Mesure alléchante en effet pour celui qui a besoin de trésorerie pour redresser la barre. Il y a malgré tout des bémols. D'une part, l'allégement, qui bénéficie pratiquement aux seules entreprises individuelles, est de portée limitée. D'autre part, les hôteliers, restaurateurs et cafetiers exploitant leur affaire en entreprise individuelle sont souvent débordés par leur gestion quotidienne de terrain, et de fait, se retrouvent mal informés sur toutes les conséquences que la cession des murs peut avoir sur leur patrimoine. Ne deviennent-ils pas alors une cible parfaite pour des négociateurs de sociétés d'investissement immobilier dont le métier est de persuader leur interlocuteur de céder leur bien immobilier au meilleur prix, sans forcément évoquer les clauses d'un bail commercial qui devra être conclu à cette occasion, et qui les liera, pendant 9 années, à une société financièrement beaucoup plus puissante qu'eux ? Inutile d'insister donc sur l'importance pour ces exploitants indépendants de s'entourer d'avocats spécialistes du bail commercial et de la cession de fonds de commerce. n

RÉSUMÉ DE LA MESURE

En quoi consiste l'allégement ? En un report d'imposition de la plus-value à long terme pour les cessions immobilières opérées à partir de la 6e année de détention des immeubles et avant la 15e année.
Qui est concerné ? Les entreprises individuelles de CHR soumises au régime BIC réel normal et simplifié, donc non passible de l'impôt sur les sociétés. Sont aussi concernées, les Sociétés en nom collectif (SNC) imposées à l'impôt sur le revenu (IR) et quelques SARL dites de 'famille' aussi soumises à l'IR. Les SA, SARL (hormis celles dites de 'famille') et les Sociétés par action simplifiée (SAS) sont soumises à l'impôt sur les sociétés (IS), donc exclues de cette mesure.
Dans quel cas ? Quand ils vendent leurs murs tout en conservant l'exploitation du fonds.
À quelles conditions ?
• Être propriétaire des murs depuis 5 ans minimum ;
• Vendre les murs à une société d'investissement immobilier - essentiellement Société d'investissement immobilière cotée (Siic) ou à une de ses filiales, à une Société de placement à prépondérance immobilière à capital variable (Sppicav), ou à une société visée par l'article 208C-III bis du CGI.   
• Cette cession doit intervenir entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2009.
• Continuer à exploiter le fonds (café, hôtel ou restaurant) dans les murs cédés pendant 9 ans minimum.
En quoi consiste l'allégement ? À un report d'imposition des plus-values à long terme. Les plus-values à court terme restent imposables à hauteur des dotations aux amortissements annuellement pratiquées.

Remarque : Ce dispositif n'a d'intérêt que pour ceux qui sont propriétaires depuis moins de 15 ans. En effet, depuis le 1er janvier 2006, si vous êtes propriétaire depuis 15 ans ou plus, la plus-value à long terme est exonérée, de toute façon, en application de l'article 151 septies B, la plus-value à court terme restant imposable.

L'AVIS D'UN HÔTELIER-RESTAURATEUR
C-KITUCÉ, UN PROFESSIONNEL ALPIN
 

Que pensez-vous de cette mesure ?
Une fausse bonne mesure, sinon une sacrée arnaque qui se prépare ! Dans le meilleur des cas, l'hôtelier dira à la Société d'investissement immobilier (au fait qui ? une filiale d'un grand groupe hôtelier mondial amie du pouvoir en place ?) : "Je demande 1,2 million d'euros pour les murs de mon hôtel." L'investisseur immobilier, excellent négociateur professionnel, commence par négocier à la baisse, arguant de la rapidité et de la sécurité qu'il apporte. L'hôtelier, qui attend ce jour depuis longtemps, cède vite devant la perspective d'un premier pas vers la retraite, voire de l'achat de sa future maison de campagne. Il cède à 800 000 E. L'investisseur, dans la foulée, impose un bail drastique : un loyer élevé pour s'assurer une rentabilité annuelle comprise entre 5 et 7 % (il lui faut ça, sinon il investit ailleurs), et bien sûr, la précaution de prévoir que les travaux, notamment ceux de mise aux normes (vous savez ceux qui ne seront obligatoires que dans 5 ans !), seront à la charge du locataire… Bref, l'hôtelier aura l'impression d'avoir gagné (immédiatement) de l'argent, économisé des impôts (rien que pour ça, en France, on signerait avec le diable !) en oubliant qu'il se trouve alors prisonnier - pendant 9 ans - d'une relation où il sera le plus faible, qu'il aura perdu toute crédibilité vis-à-vis de son banquier puisque dépossédé de sa seule garantie (ses murs qui permettaient de financer les saisons difficiles…), pour finalement restituer à la fin du bail un hôtel en parfait ordre de marche à un investisseur qui sera le seul à avoir fait une bonne affaire ! Ou un hôtel en dépôt de bilan qui fera un futur ensemble d'appartements tout à fait convenable et très rentable… !

Retrouvez C-Kitucé et d'autres lecteurs sur le Forum des Sujets Interactifs de larestauration.fr

INTERVIEW EXPRESS

L'Hôtellerie Restauration : À votre avis, quel impact aura cette mesure sur le marché des transactions ?

Charles Marinakis, directeur général France de Century 21 Entreprises et Commerce
Aucune ! Cette mesure fait partie d'un lot de dispositifs qui, à mon sens, ont été pris à la va-vite par le gouvernement, et qui ne sont pas du tout adaptés aux besoins des commerçants ni à la réalité de notre marché. En effet, pour que cette mesure soit effective, il faut, d'une part, que les acquéreurs des murs commerciaux soient une Siic ou une OCPI (Organisme collectif de placement immobilier). Or, à part les hôtels, cette catégorie d'investisseurs est peu attirée par les petites exploitations de CHR.
Il faut d'autre part que le propriétaire cédant ses murs commerciaux reste
l'exploitant de son fonds pendant encore 9 ans ! C'est l'exemple même d'une disposition qui va à contresens du raisonnement et du comportement des commerçants pratiqués depuis la nuit des temps ! En effet, lorsqu'ils sont à la fois propriétaires des murs et du fonds de commerce, soit ils vendent le tout pour prendre une retraite bien méritée ou pour changer d'air, soit, quand ils dissocient la vente des murs et du fonds, ils vendent le fonds et gardent les murs comme patrimoine, et non l'inverse ! Je pense donc que cette mesure est inefficiente, en tout cas pour les petits exploitants. Il est dommage que nous ne soyons pas consultés plus régulièrement en notre qualité de professionnels de ce marché, non pas que nous ayons des solutions miracle, mais nous avons en tout cas une excellente connaissance de nos clients.
Monsieur Dutreil a pris, dans l'ensemble, des mesures qui vont dans le sens des besoins et des attentes des commerçants et des entreprises. Mais pas cette fois-ci, avec cette mesure qui me semble irréaliste et qui ne trouvera pas à s'appliquer.

Maxime Dubois, consultant chez Christie + Co
Ces dispositions ne devraient pas avoir de répercussions immédiates sur le marché des ventes de fonds de commerce. D'une part, la demande des investisseurs se concentre avant tout sur des acquisitions d'hôtels en murs et fonds. On imagine, dès lors, fort peu probable qu'un propriétaire d'un hôtel en murs et fonds puisse accepter de céder ses murs à une autre société qui pourrait lui imposer une hausse de loyer et des travaux à réaliser. Ceci est d'autant plus vrai qu'en se coupant de sa pleine propriété, le propriétaire d'un fonds réduira de manière significative la liste des prétendants à un rachat de son fonds de commerce. En effet, la valeur d'un hôtel en pleine propriété est généralement plus élevée que celle de ses murs et de son fonds pris séparément, ce qui garantit un meilleur retour sur investissement. D'autre part, le nombre d'établissements concernés est réduit. Effectivement, l'offre de chaînes intégrées totalise 37 % des chambres recensées en France métropolitaine. Ces chaînes se sont toutes dotées d'entités juridiques de gestion immobilière et ont, dans leur majorité, déjà opéré la cession de leurs murs via des opérations de 'sale and lease back' (acquisition en 2005 et 2006 de plus de 204 murs d'hôtels du groupe Accor en 'sale & lease back' par la Foncière des Murs). Les hôtels indépendants sont généralement des hôtels de petite capacité (de 10 à 30 chambres) en créneau économique (du 0 au 2 étoiles) qui, dans leur plus grande majorité, sont en pleine propriété : 66 % de l'offre globale est concentrée dans les catégories 0 à 2 étoiles. Les propriétaires privilégient la création d'une SCI à laquelle ils reversent un loyer de marché plutôt que de devoir verser un loyer à une tierce partie. En outre, la fixation de ce loyer peut être source de conflit dans des zones où il n'existe pas de comparable en matière de loyer. Ce dernier correspond généralement à un pourcentage du CA HT d'environ 10 à 14 % qui peut parfois représenter une charge trop onéreuse pour un exploitant ou trop faiblement rémunératrice pour un propriétaire de murs. Par ailleurs, l'hôtelier cédant ses murs pour n'en garder que le fonds ne peut plus réellement se sentir 'chez lui' puisqu'il devient locataire. zzz61

Complément d'article 3032mp18

Exemples pratiques proposés par Agnès Bricard, expert-comptable, commissaire aux comptes et membre du Conseil national de la création d’entreprise.

1. Application de l’exonération de plus-value à long terme entre la 6e et la 15e année de détention (art. 151 septies C du CGI)..
Cas d’une cession de murs partiellement amortis et intervenant au bout de 6 ans de détention.
- Valeur acquisition de l’immeuble 1 000 kE
-- Amortissements pratiqués (6 années sur une durée totale de 20 ans - 5 %/an) - 300 kE
- Valeur nette comptable + 700 kE
- Prix de cession au bout de 6 ans de détention + 1,250 kE
- Plus-value globale (1,250 - 700) 550 kE
o dont plus-value à court terme imposable (IR barème progressif)
(montant des amortissements pratiqués) : 300 000 E
o dont plus-value à long terme exonérée : 250 000 E

2. Application de l’exonération de plus-value à long terme après 15 ans de détention (art. 151 septies B du CGI)
Cas d’une cession de murs totalement amortis et détenus plus de 15 ans.
- Valeur acquisition de l’immeuble 1 000 kE
- Amortissements pratiqués (- 5 %/an pendant 20 ans) -1,000 kE
- Valeur nette comptable + 0 kE
- Prix de cession au bout de la 21e année de détention + 2,000 kE
- Plus-value globale (2,000 - 0) 2,000 kE
o dont plus-value à court terme imposable (IR barème progressif) (montant des amortissements pratiqués) : 1,000 kE
o dont plus-value à long terme exonérée : 1,000 kE

Bon à savoir : Plus la durée d’amortissement est courte, plus la plus-value imposable à court terme sera importante. Pensez à revoir - si nécessaire - les durées d’amortissement des immeubles, pourquoi pas sur 50 ans. Surtout si vous bénéficiez de faibles revenus dans votre entreprise individuelle. Cela est d’ailleurs préconisé dans les nouvelles normes comptables (PCG 99 révisée le 1er janvier 2005) privilégiant les durées de vie économique des biens immobilisés aux durées fiscales.

* Le contrat de croissance a été signé le 17 mai 2006 par Renaud Dutreil, ministre des PME, Léon Bertrand, ministre délégué au Tourisme et l’ensemble des organisations professionnelles des CHR.
** Au-delà de 15 ans, la règle générale de l’exonération des plus-values à long terme s’applique.

Article 151 septies B
(inséré par loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 art. 36 finances rectificatives pour 2005 Journal officiel du 31 décembre 2005)
I. - Les plus-values à long terme soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies réalisées dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, sont imposées après application d’un abattement de 10 % pour chaque année de détention échue au titre de l’exercice de réalisation de la plus-value au-delà de la 5e lorsque ces plus-values portent sur :
1. Des biens immobiliers bâtis ou non bâtis qui sont affectés par l’entreprise à sa propre exploitation ;
2. Des droits ou parts de sociétés dont l’actif est principalement constitué de biens immobiliers bâtis ou non bâtis qui sont affectés par l’entreprise à sa propre exploitation ou de droits ou parts de sociétés dont l’actif est principalement constitué des mêmes biens, droits ou parts.

II. - Pour l’application des dispositions du présent article :
1. Les droits afférents à un contrat de crédit-bail conclu dans les conditions prévues au 2 de l’article L. 313-7 du Code monétaire et financier sont assimilés à des éléments de l’actif ;
2. Les biens mentionnés au I du A de l’article 1594-0 G du présent Code ne sont pas considérés comme affectés à l’exploitation de l’activité.

III. - Les dispositions du présent article s’appliquent aux plus-values réalisées à compter du 1er janvier 2006.

Article 151 septies C
(inséré par loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 art. 138 I finances rectificative pour 2006 Journal officiel du 31 décembre 2006 en vigueur le 1er janvier 2007)
I. - Les plus-values à long terme soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies réalisées lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers ou de droits ou parts d’une société dont l’actif est principalement constitué de biens immobiliers à une société d’investissements immobiliers cotée ou à l’une de ses filiales, visées respectivement aux I et II de l’article 208 C, à une société de placement à prépondérance immobilière à capital variable visée au 3º nonies de l’article 208 ou à une société visée au III bis de l’article 208 C peuvent faire l’objet d’un report d’imposition lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1. La cession porte sur des biens, droits ou parts éligibles à l’abattement mentionné au I de l’article 151 septies B et détenus depuis au moins 5 années échues par le cédant, et le cas échéant, les droits ou parts cédés représentent au moins 95 % de la société qui détient le bien immobilier ;
2. Le cédant est une entreprise soumise à un régime réel d’imposition qui exerce son activité dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants, à l’exclusion des activités d’hébergement collectif non touristique et de restauration collective ;
3. La société cessionnaire, ou le cas échéant, la société dont les droits ou titres ont été cédés met à disposition du cédant, pour les besoins de son exploitation et dans le cadre d’un contrat d’une durée d’au moins 9 ans à compter de la date de cession, le bien immobilier cédé ou celui détenu par la société dont les droits ou parts ont été cédés.
II. - La plus-value en report sur le fondement du I fait l’objet d’un abattement de 10 % pour chaque année de mise à disposition échue à compter de la cession à titre onéreux.
III. - Le report d’imposition de la plus-value mentionnée aux I et II cesse dans les situations suivantes :
1. En cas de cessation par le cédant de son activité dans les secteurs mentionnés au 2 du I ;
2. Lorsque le bien immobilier cédé ou celui détenu par la société, dont les droits ou parts ont été cédés, cesse d’être mis à disposition de l’exploitation du cédant ;
3. En cas de cession du bien immobilier mis à disposition du cédant par la société cessionnaire ou par la société dont les droits ou parts ont été cédés ;
4. En cas de cession par la société cessionnaire des droits ou des parts de la société ayant à son actif le bien immobilier mis à disposition du cédant.
Les 3 et 4 ne s’appliquent pas lorsque la cession intervient lors de la réalisation d’une opération placée sous le régime prévu à l’article 210 A.
IV. - Le régime défini aux I et II s’applique sur option exercée dans l’acte constatant la cession conjointement par le cédant et le cessionnaire.
Le cédant doit joindre à la déclaration prévue à l’article 170 au titre de l’année en cours à la date de cession et des années suivantes un état conforme au modèle fourni par l’administration faisant apparaître les renseignements nécessaires au suivi des plus-values dont l’imposition est reportée conformément au I. Un décret précise le contenu de cet état.

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L'Hôtellerie Restauration n° 3032 Magazine 7 juin 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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