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FRÉDÉRIC, FILS DE GEORGES

Vonnas (01) Est-il facile d'être le fils d'une star de la cuisine ? Rien de moins certain, même si Frédéric Blanc,
qui a reçu la médaille d'argent du tourisme, n'a jamais regretté ses choix de vie et de carrière.

Avec un père, une grand-mère et des aïeux cuisiniers depuis la fin du XIX^e siècle, Frédéric Blanc pouvait-il s'écarter de la route ? Pas facile. À l'en croire, d'ailleurs, il n'a jamais envisagé un autre métier que celui de cuisinier, qu'il exerce désormais depuis plus de 20 ans - la moitié de sa vie ! "Depuis l'âge de 8 ans, j'ai toujours voulu faire ce métier. Mon père biologique est aussi mon père spirituel et j'ai toujours eu envie de lui ressembler. Comme j'ai toujours baigné dans ce milieu, cela m'a paru complètement évident."
À l'époque à Vonnas et avant de prendre leurs aises, Georges et Jacqueline Blanc habitent avec leurs enfants juste au-dessus de la réception du restaurant. C'est dire que le petit Frédéric, comme plus tard son frère Alexandre, ne manque rien de la vie de ce grand restaurant - qui s'honore de 3 étoiles au Michelin depuis 1981. Cela peut justifier une vocation. Et comme il passe tous ses dimanches chez Paulette, mère de Georges et grand-mère experte en gourmandise, l'envie se fortifie : "Elle a définitivement quitté la cuisine en 1972 et je ne l'y aurai jamais vue. Mais elle m'a montré beaucoup de choses, elle m'a révélé le secret des plats mijotés. Je l'admirais. J'ai compris auprès d'elle que ce n'était pas un métier facile, mais cela ne m'a jamais dissuadé de l'exercer." Ses parents n'ont pas cherché à infléchir sa décision : "Leur discours était qu'il ne fallait pas faire ce choix à la légère et travailler avec son cœur. Moi, j'entendais toujours une voix me dire que je devais faire ce métier", souligne Frédéric.

Depuis l'âge de 8 ans, j'ai toujours voulu faire ce métier.
Mon père biologique est aussi mon père spirituel et j'ai toujours eu envie de lui ressembler

L'artiste et le gestionnaire
Après le lycée hôtelier de Tain-l'Hermitage et quelques stages, le voilà lancé dans le grand bain, anonyme dans quelques brigades étoilées avant de rejoindre la 'maison mère' où il est chef de cuisine depuis février 2000. À Vonnas, les rôles sont bien distribués : Georges Blanc dirige toujours la manœuvre et s'implique directement dans la création ; en cuisine, Frédéric et Alexandre se partagent les rôles sans trouver à redire à la répartition des tâches. "Au passe pendant le service, Alexandre dresse et je suis l'aboyeur. Sinon, Alexandre est plus créatif, et mon rôle est davantage celui d'un gestionnaire qui s'occupe du personnel, des contacts pour le recrutement, des commandes… Je suis arrivé 10 ans avant lui, mais nous avons tout naturellement trouvé nos places. Je ne suis peut-être pas assez sûr de moi, lui l'est peut-être un peu trop, mais nous sommes complémentaires et chacun assume son rôle. Je suis moins expansif, mais c'est dans ma nature. J'ai plus l'âme d'un chef d'entreprise que d'un artiste", analyse Frédéric.
Moins expansif, dit-il. Timide et un brin introverti, ajoutent ceux qui le connaissent. Et sans doute parfois écrasé par la forte personnalité d'un père auquel il rêve de ressembler. "C'est vrai qu'il a un grand charisme et que j'ai beaucoup de mal à m'extérioriser", admet Frédéric, consentant à avouer qu'il n'a pas toujours été facile d'être le fils de son père, cuisinier à l'évidente notoriété. "Il y a eu des moments difficiles à vivre, mais on n'a rien sans rien. J'ai parfois éprouvé la difficulté qu'il y avait à passer derrière un tel 'monument'. Je n'ai cependant jamais éprouvé la moindre jalousie vis-à-vis de lui et de ce qu'il a créé. Il faut accepter que je sois différent. Or, mon père veut que ses fils soient, sinon les meilleurs, au moins aussi bons que lui… Alors que, forcément, ce sera autrement."

En cuisine, Alexandre, Georges et Frédéric Blanc.

Succession
Se pose bien sûr la question de la succession. S'il accepte que ses enfants participent et soient totalement impliqués dans la vie du restaurant, Georges Blanc n'entend pas prendre du recul et abandonner les rênes. Problème ? "Si l'on continue à bien s'entendre dans des rôles définis, nous pouvons faire quelque chose d'intéressant. C'est un devoir de reprendre cette affaire familiale, et le temps joue pour nous, qui nous permet d'acquérir toujours davantage de connaissances solides." Voilà pour le discours officiel et policé… avant que Frédéric n'avoue aussi certaines impatiences. "Peut-être est-il encore un peu trop tôt pour qu'il nous passe le relais, mais il serait intéressant aussi que notre père nous mette un peu plus en avant vis-à-vis de la clientèle. L'idéal serait une transition en douceur…"
En attendant, le quotidien de Frédéric Blanc et de son épouse Isabelle se passe à Vonnas. Elle s'évade parfois avec ses enfants vers la belle ferme bressane qu'ils habitent en face du château d'Epeyssoles, l'espace de réception de l'empire Blanc. Lui passe le plus clair de son temps au restaurant. "La vie de famille me va bien, et j'essaie de m'échapper de temps en temps, mais c'est vrai que j'ai du mal à me passer de mon travail. J'adore ce que je fais. Quand je peux couper un ou deux jours, je le fais… mais lorsque la maison est ouverte, je suis là. Et je me lève le matin avec le plaisir d'aller travailler", conclut Frédéric.    
Jean-François Mesplède zzz18p zzz22v