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Le retour du chef prodige

Miracle à Milan

Le divino Marchesi revient avec sa dernière création : culture en cuisine. Une fenêtre ouverte sur le petit monde de Don Gualtiero.

Par Georges Garcin

C'est en plein centre historique de Milan, à deux pas du Duomo, de la Galleria, de la Scala et du triangle d'or de la mode universelle, dans la Via San Pietro all'Orto, que Gualtiero Marchesi a choisi de revenir. Un retour qu'il a annoncé à ses concitoyens dans une de ces formules lyrico-gastronomiques dont il a la recette : "Via San Pietro all'Orto, nous retaillerons un petit espace ouvert aux idées, aux échanges, à l'éducation, à la communication, à l'étude, non d'une culture culinaire mais de ma culture. En ouvrant une boutique d'art et de rencontres, je voudrais qu'il en émane le principe d'une vie, le style Marchesi. En d'autres termes, je voudrais offrir à tous, à travers la sélection et la préparation des produits, des livres, des ustensiles, des conférences et des rencontres, la curiosité, le savoir-faire, la compétence qui sont les bases de mon travail quotidien."
Même s'il ne tire pas de l'analyse de ce message une vision parfaitement claire du contenu de la dernière idée du maestro, le lecteur a déjà compris qu'il ne s'agit pas d'un nouveau restaurant.
Remettre un pied en ville n'empêche pas le plus célèbre des chefs italiens de garder l'autre à la campagne. Plus précisément sur les collines de Franciacorta, à Erbusco où les étoiles Michelin de son Alberetta continuent de guider les Rois mages de l'Europe du Nord et du Japon et les opulents bergers de la région de Brescia.
Dans notre cas, le parallèle rejoint le simultané par la magie de la vidéocommunication. Car l'écran qui tapisse la boutique milanaise met le client du negozio Marchesi en contact avec la cucina Marchesi.
Et depuis les fourneaux d'Erbusco, le professeur Marchesi enseigne en direct, aux clients de Milan, l'art et la manière de faire son métier en livrant une partie de ses secrets. Un exercice dont l'artiste Marchesi a acquis une vieille habitude à l'occasion des innombrables émissions télévisées qu'il a eu l'occasion d'animer.

Art de la cuisine et de la table

L'entrée de ses plats dans l'univers de la cuisine virtuelle constitue un effet spécial qui doit faciliter le grand dessein du philosophe Marchesi : la promotion de la culture gastronomique qui voit sa concrétisation dans la création du club Gualtiero Marchesi qui est l'âme de San Pietro all'Orto. Le club est, en effet, une sorte d'académie dédiée à l'art de la cuisine et de la table. Il est destiné à proposer des cours de cuisine, des leçons de goût, des conférences, des journées à thème, des dégustations, des semaines gastronomiques, et d'aller, avec l'explorateur Marchesi, à la découverte des saveurs perdues.
Mais au siècle de la grande consommation, le commerçant Marchesi ne peut ignorer que la culture ne suffit pas pour nourrir l'entrepreneur et ses clients. Dans la boutique, sera mise en vente une gamme limitée d'articles alimentaires produits par l'équipe Marchesi ou par des artisans du temps jadis à partir de ses propres recettes : sauces, huile, café, confitures, vins, liqueurs, chocolats, tartes et autres pâtisseries accompagnées de leur fiche technique.
Quant aux plats de la haute cuisine du chef, préparés dans le laboratoire de la boutique, ils pourront être emportés vers un destin d'assemblage sur les tables milanaises qui se consoleront ainsi de l'exil de l'enfant du pays et lui pardonneront la "trahison" de 1992. D'autant plus que si la distance dissuade les Milanais d'aller à son restaurant, l'humaniste Marchesi a décidé que son restaurant irait aux Milanais. La conception du menu se fera chez lui. La préparation et le service chez eux à condition de ne pas dépasser le cap des 20 couverts. Qualité et style Marchesi garantis.
Avec sa boutique polyvalente élevée à la gloire des Beaux-Arts culinaires et qui se veut un salon de goût, l'homme, à tout penser et à beaucoup faire de la restauration italienne, atteint deux objectifs : la paix avec sa bonne ville de Milan et la concrétisation des idées du chercheur Marchesi qui sait aussi bien cultiver la cuisine que cuisiner la culture. "Pour progresser, il faut placer la recherche au centre de l'univers et donner à la recette la place qui lui revient à côté d'autres éléments tout aussi importants. Je me réfère à la fonctionnalité de la cuisine, au mobilier, à la vaisselle, au choix des produits, au service qui doit retrouver ses gestes d'antan. Je me rends compte qu'avec toutes ces contraintes, la figure traditionnelle du chef est surpassée par celle d'un artiste de la Renaissance. Même si cela semble anachronique, c'est l'objectif. Au sommet de la civilisation, science et art se donnent la main", indique Gualtiero Marchesi.
Cela pourrait ressembler à un testament. Mais à 68 ans, l'inventeur Marchesi a déjà en tête bien d'autres recettes destinées à conjuguer sa "cuisine globale", celle qui consiste à donner aux plats "le goût qu'ils ont" avec l'art et la philosophie.
A une époque où les écoliers de la génération fast-food s'expriment comme des syndicalistes rassis, la passion d'entreprendre, l'enthousiasme et le lyrisme du grand chef lombard rassurent. Dans ce petit monde de Don Gualtiero, la restauration a su garder le plus beau de ses thèmes : la jeunesse.


« Via San Pietro all'Orto, nous retaillerons un petit espace ouvert aux idées », annonce Gualtiero Marchesi.


« Je voudrais offrir à tous, à travers la sélection et la préparation des produits, (...) et des rencontres, la curiosité, le savoir-faire, la compétence qui sont les bases de mon travail quotidien. »

Gualtiero Marchesi

Le plus célèbre des chefs italiens

Gualtiero Marchesi est né à Milan en 1930. Dès son plus jeune âge, il a démontré une véritable passion pour la cuisine dans l'hôtel-restaurant familial « Mercato » de Milan.
Il a poursuivi sa formation à l'école hôtelière suisse de Lucerne puis est retourné à Milan pour développer une formule originale mariant la cuisine d'avant-garde et la cuisine régionale traditionnelle. Il quitte ensuite l'Italie pour connaître les plus fameux des restaurants français où il apprend les techniques de la grande cuisine française.
En 1977, il ouvre son restaurant de Milan et gagne sa première étoile Michelin dès la première année et la seconde en 1978. En 1985, il devient le premier chef italien récompensé par 3 étoiles Michelin. Il se positionne en 15e position au classement des chefs mondiaux.
Sa carrière professionnelle lui apporte de grands succès dans sa vie. Il est nommé « Personnalité de l'année », chevalier des Arts et Lettres... Il est également l'un des membres fondateurs de la Communauté européenne des chefs, Euro-Toques, créée sous l'égide de la CEE.
En 1993, il quitte Milan pour ouvrir, à Erbusco dans la campagne lombarde de Franciacorta, un superbe Relais & Châteaux dans une villa du XIXe siècle avec vue sur le lac d'Iseo.
Il est aussi président de la société Gualtiero Marchesi Trademark, holding du groupe Marchesi, dont les objectifs principaux sont la promotion de l'image Marchesi et le développement des activités internationales liées à la marque.
G. Garcin


L'HÔTELLERIE n° 2599 Magazine 4 Février 1999

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