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Auvergne

Des femmes aux fourneaux

Des femmes, passionnées de cuisine traditionnelle
et de terroir, se sont regroupées dans l'Association
des Restauratrices d'Auvergne, pour préserver

et transmettre un patrimoine culinaire. Chacune
ajoutant sa touche personnelle.

Par Pierre Boyer

Elles sont neuf. Neuf femmes, neuf «chefs» qui officient en cuisine. Elles sont réunies par une passion commune : la cuisine auvergnate traditionnelle bâtie par des femmes avec les produits du terroir. «Mais chacune d'entre nous conserve ses spécificités, sa créativité», souligne Eva Dufaux, présidente de l'Association des Restauratrices d'Auvergne. Car il n'est pas question de reproduire la cuisine du siècle dernier, mais de l'adapter en tenant compte de l'évolution des goûts et des habitudes des clients. «Les gens de Besse, quand ils tuaient le cochon, se régalaient avec le lard rance de l'année précédente. Aujourd'hui, cette tradition, même si les anciens continuent à la savourer, est inadéquate pour des touristes», raconte Eva Dufaux.

Il n'est pas question non plus de proposer la même carte dans les établissements de l'Association. Chacune s'exprime librement et conserve sa personnalité...

Ainsi Béatrice et Sophie Domarle, les deux soeurs jumelles de l'Auberge du Civadoux à Sauxillanges, se partagent le salé (la cuisine) et le sucré (les desserts) autour d'une cuisine inventive. Chantal Fontbonne, du restaurant de la Mairie, toujours à Sauxillanges, joue avec les parfums comme le genièvre, la vanille, la lavande. Hélène Chazal, à Brioude et Martine Cros, au Chambon-sur-Lignon, représentent la troisième génération de cuisinières dans leur établissement. Noëlle Poulhès, à Vezac dans le Cantal, a lancé il y trois ans, le concours régional de chou farci, concours devenu national depuis...

Une cuisine d'instinct

Anabelle Pillière, à Lezoux, n'a pas oublié ses racines solognotes. Son penchant pour les gibiers le prouve. Simone Gascuel, à Chaudes-Aigues, est la dernière recrue.

Quant à Eva Dufaux, originaire du Nord de la France, elle parle avec chaleur et ferveur de la cuisine auvergnate, de différentes recettes de pounti, de truffade, de la façon dont elle adapte telle ou telle tradition au goût du jour. «J'ai tous les livres sur la cuisine d'Auvergne. Je recueille aussi des témoignages, des savoir-faire», raconte cette jeune chef de 30 ans. «Au siècle dernier, c'était les femmes qui officiaient derrière les fourneaux. Pour concocter une cuisine d'instinct, selon les légumes disponibles dans le jardin, selon les saisons. Le bourriol, par exemple, sorte de crêpe, réalisée à partir de purée de pommes de terre, de farine noire et de lait avec du levain, se préparait quand il y avait des invités et... peu de pain. Le bourriol, appelé pompe dans d'autres cantons, pouvait s'accompagner de Saint-Nectaire, de lard gras ou se manger nature.»

Eva Dufaux réfléchit à sa cuisine, comment la faire évoluer, comment adapter telle ou telle recette tout en se promenant dans les montagnes, dans les environs du lac Pavin. A sa truffade (pommes de terre et tomme fraîche), elle rajoute deux sortes de jambon (un sec de pays et un entre le sec et le blanc) et une salade. Et tant pis si certains, originaires du Cantal, lèvent les bras au ciel en soutenant que ce n'est pas la vraie truffade.

Son envie de parler de et sur son travail ; la difficulté de créer des liens avec ses collègues, des hommes et aussi des... concurrents ; une rencontre, avec Béatrice Domarle, et l'Association des Restauratrices d'Auvergne voit le jour. C'était en 1993. L'Association vise à revaloriser le travail des femmes en cuisine en passant par la communication, l'entraide, la formation (Eva Dufaux a suivi un stage chez Régis Marcon), la recherche sur la cuisine auvergnate et la transmission du «patrimoine culinaire». Si elles souhaitent devenir le trait d'union entre le passé et l'époque actuelle pour la cuisine, les Restauratrices d'Auvergne ne cherchent pas à «jouer dans la cour de la cuisine gastronomique». «D'ail-leurs, nos prix sont très raisonnables, de 75 à 130 F pour les menus selon les établissements, précise Eva Dufaux. Nous voulons simplement vivre avec et par notre cuisine et la retranscrire.»

Pour faire partie de l'Association, il faut respecter une charte «assez stricte», réaliser sa cuisine (donc pas de sous vide) et, bien sûr, travailler avec des produits du terroir. «Mais nous n'avons pas l'intention de voir notre Association grossir trop vite. Nous voulons prendre le temps», souligne Eva Dufaux.

Elle ajoute que les projets en cours concernent la poursuite des recherches sur la cuisine ancienne et la communication en dehors des frontières de l'Auvergne : «Savoir si d'autres femmes ont créé des associations similaires dans d'autres régions.» *

Eva Dufaux, présidente de l'Association des

Restauratrices

d'Auvergne, aimerait «Savoir si d'autres femmes ont créé des associations similaires dans d'autres régions.»

L'Association des Restauratrices d'Auvergne regroupe neuf adhérentes, toutes des femmes aux fourneaux.



L'HÔTELLERIE n° 2477 Magazine 3 Octobre 1996

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