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A la loupe

Saulieu

Bernard Loiseau coté en Bourse

Bernard Loiseau SA devrait faire son entrée, cette semaine, au second marché de la Bourse de Paris. Visa de la COB en poche, le chef de la Côte d'Or espère réaliser une augmentation de capital comprise entre 22 et 31 MF pour financer ses projets estimés à 32,50 MF. Tour d'horizon des activités du chef (d'entreprise) de Saulieu et de ses choix pour l'avenir.

Le chef de la Côte d'Or, à Saulieu, et p.-d.g. de Bernard Loiseau SA veut franchir un nouveau cap. Son entrée en Bourse, avec ses 30 MF escomptés, devrait lui permettre d'investir pour améliorer encore les résultats de ses affaires mais aussi lancer d'autres projets. Son idée ? Diversifier ses activités afin d'assurer la pérennité de son entreprise. Mais Bernard Loiseau le sait : son capital, c'est sa notoriété. Une notoriété qu'il doit tout autant à son talent de grand communicateur qu'à celui de chef aux trois étoiles Michelin. Qui dit diversification dit risque de perdre cette fameuse 3e étoile. Mais Bernard Loiseau se défend de prendre un tel risque et prévient : "Je reste en permanence à Saulieu. Si on me cherche, on vient ici. Tout se pense et se teste à Saulieu !"

"Booster" la Côte d'Or
A Saulieu, Bernard Loiseau concentre le gros de ses activités : le restaurant La Côte d'Or, l'hôtel et la boutique, qui sont ouverts toute l'année. Le restaurant représente à lui seul 60 % du chiffre d'affaires du groupe (22, 1 MF en 1998). 25 300 repas servis en 1998 avec un ticket moyen de 875 F. Le restaurant, qui fait le plein le week-end et très souvent le soir, est encore faible sur le déjeuner en semaine. Aujourd'hui, l'établissement a une capacité maximale de 100 couverts. Bernard Loiseau a donc programmé l'agrandissement du restaurant et compte gagner ainsi 30 couverts supplémentaires. La salle agrandie permettra d'accueillir des banquets de 60 personnes. L'agrandissement de la cuisine est aussi à l'ordre du jour. Elle concerne la partie "pâtisserie glaces" qui sera également climatisée. De plus, dans le but d'améliorer l'accueil de la clientèle de groupes, la mise en place d'une ligne de préparation en cuisine est prévue. Il faudra aussi créer une nouvelle salle pour le personnel - la salle actuelle sera utilisée pour agrandir la boutique. Selon Bernard Loiseau, les travaux, prévus pour l'hiver 1999-2000, devraient coûter 5 MF et engendrer, dès la première année, 2 000 couverts de plus.

Bientôt 33 chambres "Relais et Châteaux"
Aujourd'hui, La Côte d'Or comprend 25 chambres classées "Relais et Châteaux" et 12 chambres encore non rénovées d'un niveau 3 étoiles. La fourchette de prix oscille entre 400 F (chambre 3*) et 2 500 F (la suite R & C), avec un prix moyen de 1 230 F. Côté taux d'occupation, on s'aperçoit que la clientèle, qui est aussi celle du restaurant, préfère en toute logique les chambres haut de gamme : 60 % de taux d'occupation contre 47 % pour les chambres anciennes. Bernard et Dominique Loiseau, directrice de l'hôtel, ont donc prévu de transformer les 12 dernières chambres afin de gagner 8 chambres "Relais et Châteaux" supplémentaires et augmenter le nombre des nuitées. En juin 1999, l'établissement comptera 33 chambres Relais & Châteaux. Coût de l'investissement : 9 MF HT. En projet également, un centre de remise en forme pour inciter la clientèle à prolonger son séjour.

Produits griffés Loiseau
Toujours à Saulieu, la boutique (arts de la table, vins...) induit des profits non négligeables. En janvier et février 2000, elle sera en travaux pour doubler sa surface. Ce réaménagement a pour but de mettre en valeur la cave (création d'une "cave boutique avec dégustations" au rez-de-chaussée). Coût des travaux : 2 MF. A terme, les vins et alcools devraient représenter le tiers du chiffre d'affaires de la boutique. Il est aussi question de diversifier les produits à la vente avec un rayon conséquent de produits régionaux. Les produits griffés "Bernard Loiseau" ont le vent en poupe et les points de vente, sous forme de corner, devraient se multiplier. Le chef a d'ailleurs déjà un pied dans la vente par correspondance grâce à un contrat avec "L'Exemplaire" du groupe 3 Suisses qui commercialise plusieurs produits portant sa marque.

Décliner Tante Louise
"C'est comme dans la mode, il y a la haute couture et le prêt à porter, avec Tante Louise, je décline la gamme", déclare Bernard Loiseau. Inauguré il y a quatre mois, le restaurant parisien de Bernard Loiseau atteint les 170 couverts/jour pour une capacité de 95 places assises. TM : 300 F. Le restaurant, ouvert 5 jours par semaine, devrait ouvrir le samedi soir, puis 7/7 jours. Si Bernard Loiseau envisage de "décliner le concept en France et à l'étranger", il ne parle pas de chaîne ni de projets précis. Pour Paris, il admet au plus l'acquisition d'un second établissement. Seule certitude, les futurs établissements, à l'image de Tante Louise, ne fonctionneront qu'avec du personnel formé à Saulieu. Mais le chef veut éviter toute confusion entre la "haute couture et le prêt à porter" : "On ne veut pas cannibaliser La Côte d'Or, précise Bernard Loiseau. Donc on n'est pas dans la course aux étoiles."

Développer le "consulting"
Bernard Loiseau a actuellement 5 contrats en cours : Perrier-Jouët, Savour Club, Seagram, Astra-Calvé et Agis (plats cuisinés). Pour l'instant, ces activités ne le mobilisent que 40 jours par an. Appelé partenariat industriel ou droit à l'image, c'est un secteur très rentable qui a en plus l'indéniable avantage de contribuer à renforcer la notoriété du chef. Bernard Loiseau compte continuer à développer ces contrats culinaires mais en restant très vigilant quant au choix de ses partenaires.
Quant à l'international, des projets sont en discussion au Etats-Unis et au Japon.
Bernard Loiseau a besoin de 30 MF pour financer ses projets. Entre les banques (de nouveaux emprunts) et la Bourse, il a choisi. C'est le premier grand chef à tenter ce pari. Audacieux pour certains, fou pour d'autres. A-t-il fait le bon choix ? Les investisseurs, traders et autres spéculateurs ne tarderont pas à donner leur verdict.
N. Lemoine

Bernard Loiseau SA : répartition du CA consolidé 1998 (proforma)

Groupe Bernard Loiseau SA
  1997 1998 1999
    (estimations) (estimations)
CA consolidé 31,3   36 50
(en millions de francs)
Résultat net 2,7   4,3 5
(en millions de francs)

 

Bernard Loiseau laisse les analystes boursiers perplexes

Analystes financiers perplexes

Entrer en bourse ; l'approche apparaissait au départ originale et intéressante. Voilà une bonne idée que d'ouvrir son capital au public à hauteur de 40 et 45 %, pour lever les précieux fonds nécessaires à tout restaurateur pour couvrir ses besoins en investissements et son développement. Mais, l'entreprise ne part pas de zéro. Bernard Loiseau doit aujourd'hui supporter un lourd endettement et doit trouver plus de 30 millions de francs pour financer ses projets. La bourse peut même le laisser espérer gagner plus encore par un revenu financier additionnel. Rien de choquant de nos jours. Mais, cette démarche reste probablement trop simple, voire simpliste. Du moins de l'avis des analystes financiers. L'apparition contre toute attente de Bernard Loiseau dans le cercle boursier, qui plus est sur le second marché, après un premier effet de curiosité, les laisse profondément perplexes. Pour eux, effaçant l'image sympathique du chef, il s'agit d'une PME qui va cohabiter avec des entreprises qui n'ont rien de comparables en termes de volume et d'assise financière et structurelle. Avec près de 36 millions de chiffre d'affaires, Bernard Loiseau SA apparaît comme un géant en tant que restaurateur indépendant, mais comme un grain de sable dans l'univers boursier. De plus, quoi qu'on en dise, pour les financiers l'affaire n'est pas sécurisée. L'entreprise Bernard Loiseau SA tourne autour d'un homme unique, au travers de qui tout se fait, même s'il est bien sûr aidé et secondé. C'est du sur mesure difficilement reproductible et transmissible. C'est tout le contraire de Léon de Bruxelles introduit en bourse depuis peu ou encore de Buffalo Grill qui s'y annonce. L'un comme l'autre sont des réseaux soutenus par un produit tangible, standardisé et duplicable. Buffalo Grill dépasse largement le milliard de francs de chiffre d'affaires.

Une entreprise fragile
C'est un mastodonte qui peut intéresser les investisseurs par son poids. Mais le plus important est que ces deux opérateurs de la restauration ne sont pas liés et dépendants directement d'un dirigeant, qui, disparaissant ou quittant la société, ne mettrait pas en cause le devenir de l'entreprise. Un repreneur pourrait y poursuivre la gestion sans que cela ne se remarque, dans l'absolu.
Pour Bernard Loiseau SA, c'est la fragilité même, avec de plus des marges bénéficiaires provenant majoritairement des partenariats industriels et des droits d'image, et non de l'activité principale. Les bénéfices sont de toute façon en dessous de ce que peuvent espérer des investisseurs boursiers. Quant au développement de l'activité de l'entreprise, les analystes semblent douter de la possibilité de passer de 36 à 50 millions de chiffre d'affaires d'ici la fin 1999. C'est un peu comme l'œuf et la poule. La levée de fonds nouveaux permettrait peut-être d'assurer un nouveau développement et d'atteindre ces objectifs. Mais, ils pourraient être réalisables seulement si le public d'investisseurs suit. Enfin, on sait que le cuisinier devra savoir jongler entre ses activités extérieures et celles sur site pour ne pas risquer de perdre une étoile Michelin, qui ferait s'écrouler immédiatement la confiance des investisseurs, capables de vider les lieux sur l'heure. Tous ces éléments inquiètent les financiers et laissent la COB dubitative du même coup. En fait, ils auraient vraiment aimé se laisser convaincre si Bernard Loiseau avait annoncé, par exemple, la création d'une chaîne. Ou encore s'il avait revendiqué d'entrer ailleurs que sur le second marché. Mais, ce n'est pas le cas. Malgré le charme qu'ils trouvent dans les ambitions boursières de Bernard Loiseau et l'admiration qu'ils peuvent avoir pour le chef de Saulieu et pour son art, les opérateurs boursiers resteront sans doute en retrait du dossier. Les prochaines semaines nous apprendront si l'opération était vraiment une bonne idée ou un coup d'épée dans l'eau.
C. Gary


L'HÔTELLERIE n° 2592 Hebdo 17 Décembre 1998

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