"Trouver des apprentis en restauration, c'est difficile mais le métier
n'est pas facile et mal rémunéré. En fait, les entreprises attirent les apprentis
qu'elles méritent. Elles se forgent une réputation sur la façon dont elles forment ces
jeunes. Les CFA et les familles connaissent bien les entreprises dynamiques qui sauront
motiver ces jeunes. Par ailleurs, le restaurateur ne doit pas exiger de n'avoir en
apprentissage que des jeunes hyper-compétents. Il doit accepter d'avoir à former, pour
leur donner un métier, des jeunes qui ne seront pas des étoilés mais qui sont cependant
motivés. Les tuteurs doivent faire preuve à la fois d'autorité pour faire refaire à
l'apprenti ce qu'il n'a pas réussi et de passion pour le stimuler.
Bien souvent, les apprentis jouent le rôle de salarié mais leur employeur ne joue pas
bien son rôle de tuteur. En cuisine, mon second a 5/6 ans d'ancienneté. J'ai un apprenti
en 1re année de cuisine et un en pâtisserie à mi-temps. Ce dernier qui veut obtenir une
mention complémentaire a deux tuteurs. Il travaille dans deux entreprises et c'est très
enrichissant pour lui. Motivé, il voudrait rester à temps plein chez moi mais je ne peux
pas le garder, je n'ai pas les moyens pour le payer. J'ai plus de mal pour trouver des
apprentis pour la salle. Ce métier est moins médiatisé. Il faudrait lui donner une
valeur supplémentaire."
Pour M. X. Paris XVe, pas facile de trouver du personnel et de le garder. Son turnover
est important, son personnel ne reste que quelques mois.
"Je suis jeune, explique-t-il, et je ne travaille qu'avec des
jeunes. Mais la mentalité des jeunes d'aujourd'hui est impossible. Ils sont conditionnés
par l'école. On leur apprend à être sur la défensive. On leur explique qu'ils doivent
se méfier de leur patron, qu'ils ne doivent pas trop travailler, qu'on doit bien les
payer et bien leur parler. Ils ont tous les droits. Ils se prennent au sérieux mais ils
ne font pas leur travail sérieusement. Ils arrivent avec beaucoup de prétentions. Un
commis qui sort de l'école m'a réclamé récemment 8 500 F nets. Je suis d'accord pour
ce salaire à condition qu'il soit en mesure de bien travailler tout de suite.
Ce n'est pas le cas. Les jeunes qui sortent de l'école ne savent même pas faire une
crème pâtissière. Et si je leur propose de recommencer pendant la coupure, ils me
prennent pour un esclavagiste et sont prêts à m'entraîner aux prud'hommes. Moi, quand
j'étais commis, je ne considérais pas cela comme une brimade mais comme l'occasion
d'apprendre mon métier. Les jeunes ne sont pas courageux. Il y a du travail mais ils ne
veulent pas travailler.
Et on se plaint du chômage. Sur 10 qui répondent à une offre d'emploi, 3 seulement se
déplacent pour me rencontrer. Les 7 autres estiment que les horaires et le salaire ne
leur conviennent pas et essaient de trouver mieux ailleurs ou bien ne viennent pas au
rendez-vous. J'avais cessé de prendre des apprentis mais je vais recommencer. Cependant,
je ne leur apprendrai rien, je leur ferai essentiellement faire du travail d'épluchage.
C'est aux écoles de leur apprendre à travailler. Je sais que cela les dégoûtera du
métier mais ils en sont déjà tous dégoûtés."
Richard Coutanceau à La Rochelle ne rencontre pas de difficultés pour recruter. D'ailleurs, il recrute peu car son personnel reste très longtemps. L'un de ses cuisiniers travaille chez lui depuis 21 ans, c'est-à-dire depuis l'ouverture du restaurant. Il l'a formé en apprentissage. Le dernier arrivé a déjà 4 ans d'ancienneté. "Je garde mes employés parce que je les respecte... même le plongeur. Chacun se donne du mal et contribue ainsi à la réussite de l'entreprise. J'ai toujours essayé d'humaniser ce métier et je n'ai pas attendu la loi pour donner deux jours de repos. Mes employés me sont aussi fidèles car ils savent qu'ils travaillent dans une maison qui avance. Je suis avec eux en permanence pour leur montrer l'exemple, pour les faire progresser. Je leur fais d'ailleurs suivre des stages pour qu'ils se perfectionnent. Je prends toujours 2 ou 3 apprentis chez moi. C'est vrai que les jeunes sont de moins en moins motivés car nous sommes dans une période de loisirs et que le métier de restaurateur, c'est tout le contraire. Cette année, je n'aurai qu'un seul apprenti car j'ai du mal à en trouver. Il y a de moins en moins de jeunes qui passent par l'apprentissage. Les parents pensent qu'être apprenti c'est dévalorisant et ils préfèrent les inscrire dans une école hôtelière."
L'HÔTELLERIE n° 2587 Supplément Emploi 12 Novembre 1998