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Discrimination à l'embauche

Une hôtelière devant les tribunaux parisiens

Hasard des calendriers, mais 1 semaine après le Moulin Rouge, c'est cette fois un établissement hôtelier parisien qui se trouvait poursuivi pour discrimination raciale à l'embauche.

Qu'est-il reproché à Christine Horbette, propriétaire de l'hôtel La Villa dans le VIe arrondissement de Paris ? D'avoir, en 1999, refusé d'embaucher différents candidats en raison de leur origine, et d'avoir également fait pression sur un de ses salariés pour qu'il retire sa plainte. Deux infractions à la loi : discrimination raciale et subordination de témoin. Outre le salarié qui a dénoncé ces faits, le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) s'est constitué partie civile, rejoint plus tard par SOS Racisme, la Ligue des droits de l'homme, et la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme). Tous demandent le versement de dommages et intérêts. Dans cette affaire, le tribunal dispose de plusieurs copies de CV sur lesquelles figure la mention 'black' ou 'black non !!!'. Faits qui sont en outre corroborés par le témoignage de plusieurs salariés de cette entreprise.

Rappel des faits
En 1999, Christine Horbette rachète l'hôtel qui appartenait à un financier, mais qui était géré principalement par le directeur de l'époque, Robert Leclercq, et la gouvernante, Josette Vauquelin. La nouvelle patronne, avant de reprendre les rênes de l'établissement, entend observer l'organisation de celui-ci. Premiers constats : les étages fonctionnent presque exclusivement avec des extras, l'activité hôtelière est en perte de vitesse, et d'importants travaux de rénovation s'imposent. Son arrivée et sa volonté de faire évoluer les choses ne sont pas sans avoir de conséquences sur l'ambiance au sein des équipes. Naissent alors des rumeurs... à propos du nouvel employeur et de son père qui "souhaitent blanchir le personnel de l'établissement".
Un soir, un salarié d'origine africaine, Sébastien Essindi, ancien réceptionniste devenu barman dans l'hôtel, trouve, comme par hasard, des CV déposés négligemment à la réception. CV sur lesquels figure la mention 'black non'. Celui-ci adresse un courrier à la directrice, courrier qui restera sans réponse. De là, il en déduira que sa mutation de la réception au bar a été motivée par la volonté de la direction de limiter le contact d'une personne de couleur avec la clientèle. Il compose alors le 114, numéro vert mis en place en mai 2000 par la Coda (Commission départementale d'accès à la citoyenneté) pour les victimes de discrimination raciale ou les témoins de tels actes. La plainte de Sébastien Essindi sera transmise au MRAP, mais aussi au parquet, où le procureur va demander l'ouverture d'une enquête qui durera 2 ans.
Mais les relations avec son employeur et ses collègues vont se détériorer, ce qui entraînera une procédure de licenciement pour faute à son encontre. A cette occasion, il adressera un courrier au procureur de la République pour déclarer que son employeur lui a proposé de retirer sa plainte en contrepartie du paiement d'une somme de 25 000 F.

Témoignages de salariés
Plusieurs salariés seront entendus. L'ancien directeur, qui a démissionné depuis, déclare au policier que c'est bien lui qui avait "fait figurer ces mentions sur les CV", car il aurait reçu comme "consigne de la nouvelle direction de l'hôtel de ne plus embaucher de personnes de couleur". Que c'est dans ces conditions qu'il a été amené lors de la sélection des candidats à "préciser sur les CV si les candidats étaient noirs ou pas".
Quant à l'ancienne gouvernante, elle déclare qu'elle a "eu vent de cette position quant à l'embauche de personnes noires". Et que la raison de son licenciement réside dans le fait qu'elle a "persisté à recruter des extras noirs".
Christine Horbette expliquera que le motif de licenciement est un motif économique pour reprise du poste de sa gouvernante, et qu'elle était contre l'utilisation d'extras régulièrement, préférant établir des CDI aux femmes de chambre. Rien n'y fera, et la présidente de rappeler qu'une salariée africaine, Madame Donkée, qui faisait régulièrement des extras dans l'hôtel, avait vu à l'arrivée de Christine Horbette le nombre de ses interventions réduites, et qu'elle n'avait bénéficié d'un contrat à durée indéterminée qu'à la suite de l'intervention de l'inspection du travail. Cette salariée, qui est venue à l'audience pour témoigner en faveur de Christine Horbette, n'aura vu son témoignage retenu qu'avec circonspection, en raison de son lien de subordination avec l'accusée.
Le procureur retiendra l'infraction de discrimination raciale, considérant que les photocopies de CV et les témoignages des salariés suffisent à l'établir, et demande à ce titre une forte amende sans en fixer le montant. Quant à la subordination de témoin, elle considère que cette infraction repose sur le seul témoignage du salarié, et par conséquent, elle ne la retient pas.
Affaire mise en délibéré le 14 novembre prochain.
P. Carbillet zzz36v

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L'Hôtellerie n° 2791 Hebdo 17 Octobre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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