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A la loupe
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Dominique Vlasto, adjointe au Tourisme à Marseille

La femme qui avance

Rien ne la prédisposait à prendre en mains les destinées du tourisme marseillais. Et pourtant, quatre ans après sa nomination comme adjoint au tourisme, Dominique Vlasto a fait ses preuves. La clef de son succès ? "Elle a su rendre les gens fiers de leur ville et fédérer autour d'elle des gens d'opinions divergentes", résume un professionnel...

"Avant", elle s'occupait des femmes et de la famille. "Avant", c'était quand Jean-Claude Gaudin était le président du conseil régional. Il lui avait confié la présidence du groupement régional d'action et d'information des femmes. Pendant 12 ans, Dominique Vlasto y a "planché", avec diverses associations, sur les problèmes professionnels et familiaux...
Rien à voir avec le tourisme. Mais peut-être est-ce là qu'elle a commencé à développer ce goût du concret et cette capacité à travailler avec les autres et à fédérer les énergies que ses interlocuteurs lui reconnaissent aujourd'hui. "Elle a deux grandes qualités, estime Paul Schianchi, président du CHR 13. Elle est à l'écoute et on peut discuter de tout avec elle ; et elle n'a pas peur d'aller sur le terrain. Pendant la Coupe du Monde par exemple, lorsque à la suite de l'incident survenu avec les Anglais, le préfet a voulu faire fermer tous les bars et restaurants de la ville à 23 heures, elle est venue avec moi pour le faire revenir sur sa décision. Et on a réussi !"

Une intime de Jean-Claude Gaudin...
Cette Marseillaise de souche, mariée à 20 ans à un Grec (comme la légendaire fondatrice de Massalia), rapidement mère de deux enfants et femme au foyer, prenait pourtant une succession qui, a priori, pouvait paraître difficile : celle de Jeanne Lafite, figure du milieu culturel et gastronomique marseillais.
"Jeanne est un personnage, certes, rétorque-t-elle, mais elle n'avait pas la confiance de son maire, comme moi j'ai celle du mien. J'ai les mains beaucoup plus libres. Et Jean-Claude Gaudin croit au tourisme comme facteur de développement économique !"
Dominique Vlasto a un atout de poids : elle fait partie de ce qu'il est convenu d'appeler la "garde rapprochée" du maire. "C'est vrai, dit-elle, je fais partie des trois ou quatre proches de Jean-Claude Gaudin, et j'ai tissé avec sa famille des liens de grande affection, depuis que j'ai commencé à travailler avec lui, en 1977."
Elle avait 31 ans, et s'occupait alors de la gestion du petit atelier de confection monté par sa grand-mère. Des amis l'avaient entraînée à une réunion...
Vingt ans après, lorsque Jean-Claude Gaudin lui confie le poste d'adjoint au tourisme, il lui met les atouts en main.
Elle parle en son nom au sein de l'office de tourisme, dont elle est vice-présidente et dont, avec un budget passé de 11 à 14 MF, elle fait son fer de lance. Dès 1996, elle peut par ailleurs s'appuyer, au sein des services de la Ville, sur une direction du tourisme et des congrès (intégrée à la Direction générale du développement économique) où travaillent six personnes, au lieu d'une dans la précédente municipalité. "Travailler ne me fait pas peur, pourvu que je puisse décompresser avec mes amis et ma famille et garder de temps en temps mes deux petites filles, Marine et Victoria, âgées de cinq et deux ans", confie cette brune quinquagénaire, à la simplicité chaleureuse et au langage direct, qui vit dans un appartement de l'immeuble familial du quartier Saint-Giniez et pratique le golf et la natation.
Elle se met donc à la tâche sans hésitation, en sériant ses objectifs avec pragmatisme.

Une travailleuse opiniâtre
Première cible : optimiser le tourisme de congrès, puisque la municipalité précédente lui laisse deux équipements de qualité, le centre des congrès du parc Chanot "relooké", et le flambant neuf palais du Pharo, ouvrant sur la rade marseillaise.
Rapidement, elle intègre cette activité à l'office de tourisme. Pour la commercialiser, elle crée un poste de directeur adjoint. Résultat : de 65 000 journées congressistes en 1995, on atteint 130 000 en 98.
Seconde cible : le tourisme de croisières. Dominique Vlasto s'allie à la chambre de commerce et d'industrie et au port autonome de Marseille pour créer le Club de la Croisière dont elle est vice-présidente. Là, de 18 000 croisiéristes accueillis en 1995, on passe à plus de 150 000 en 1998.
"Cette année, mon objectif, affirme-t-elle, c'est le développement du tourisme nautique et de plongée. Je veux installer une capitainerie pour les plaisanciers et un accueil plongée sur le Vieux Port. Je pense que l'on peut faire quelque chose aussi sur l'île du Frioul... En l'an 2000, je m'attaquerai au tourisme industriel..."
Dominique Vlasto avance ainsi ses pions un par un, avec opiniâtreté, en développant une vision transversale du tourisme, qui la met en contact avec divers services de la mairie : la mer, l'urbanisme, l'environnement, la propreté des rues, le sport (avec l'OM et l'organisation de visites guidées du stade vélodrome), la culture, le commerce...

Esprit pratique et sens du détail
"Elle est omniprésente, elle a des idées sur tout, ne se satisfait jamais de ce qu'elle a obtenu et pense immédiatement à la manière dont elle va le capitaliser pour aller plus loin", décrit Marc Thépôt, directeur régional du groupe Accor, et président de l'hôtellerie de chaîne, en contact fréquent avec elle. Et il ajoute : "Elle n'a ni langue de bois ni discours intellectuel, mais un esprit pratique, le sens du détail."
On dit aussi d'elle que "quand elle veut quelque chose, elle ne lâche pas le morceau". Ainsi en est-il par exemple de son projet de transformer l'Hôtel Dieu (ancien hôpital classé, dominant le Vieux Port) en hôtel quatre étoiles. La Ville planche officiellement sur le sujet et devrait lancer une consultation à la fin de l'année.
Mais si, aujourd'hui, Dominique Vlasto est ainsi reconnue dans les milieux du tourisme, c'est aussi parce qu'elle a réussi ce qu'elle appelle elle-même son "baptême du feu" : la Coupe du Monde.
C'est en tout cas à cette occasion qu'elle a noué des contacts étroits avec les professionnels, allant visiter elle-même les hôtels, petits et grands, ou lançant notamment avec le CHR 13 une opération de labellisation des cafés et restaurants.

A l'écoute des autres...
"Le Mondial pouvait être une opération de promotion inespérée. Je voulais absolument faire travailler tout le monde ensemble pour que Marseille se montre à la terre entière sous son meilleur jour." Elle noue également des relations de coopération inédites avec le comité départemental de tourisme, montant avec lui et le syndicat hôtelier une centrale de réservations de dernière minute.
Et aujourd'hui Dominique Vlasto, qui a amorcé également une collaboration tout aussi inédite avec le comité régional de tourisme, n'hésite pas à faire une conférence de presse commune avec Daniel Comte, président du CDT... Elle a en effet compris que vendre Marseille comme "porte de la Provence", en misant sur son arrière-pays, pouvait être un argument de poids, le département des Bouches-du-Rhône étant visité par neuf millions de touristes...
"Je suis une Méridionale, j'apprécie la convivialité, explique-t-elle. Et même si j'aime défendre mes idées, je suis prête à travailler avec des gens d'opinions différentes dans l'intérêt de la ville."
Dominique Vlasto n'hésite pas non plus à soutenir les initiatives des autres, même si elle n'en a pas forcément le leadership.

Se donner tous les moyens pour réussir
Ainsi dit-elle d'emblée "oui" lorsque Georges Antoun, président de la commission du tourisme de la CCI, lance l'idée d'aller promouvoir à New York la gastronomie et le tourisme de Marseille en Provence. "C'est la première fois que, dans une opération comme celle-là, les politiques s'effacent devant les professionnels", apprécie alors Georges Antoun. Je ne peux que souhaiter à tous les interlocuteurs du tourisme d'avoir en face d'eux quelqu'un comme elle. Dès qu'un projet est évoqué, elle le concrétise et se donne tous les moyens pour arriver à ses fins. C'est un plaisir de travailler avec elle ; les dossiers avancent d'une façon remarquable", commente-t-il.
Et à ceux qui, malgré tout, ont le sentiment qu'elle n'a pas en tête de grands projets d'équipement touristique pour sa ville, elle répond : "Il y aura un grand complexe culturel et touristique sur les quais dans le cadre du projet Euroméditerranée. Mais d'ici là, nous avons encore beaucoup de petites choses à faire : développer le tourisme urbain, peaufiner l'accueil, inciter les petits hôteliers à investir pour se moderniser..."
Et elle conclut : "Si j'ai réussi jusqu'à présent, c'est parce que tout le monde a joué le jeu. Nous avons entamé un travail d'équipe formidable avec les professionnels et les institutionnels. J'ai envie de continuer dans cette voie..." La voie de l'efficacité au-delà du combat politique. Incontestablement la seule voie où se reconnaissent les femmes.
L. Casagrande


"Elle n'a ni langue de bois ni discours intellectuel, mais un esprit pratique, le sens du détail."


L'HÔTELLERIE n° 2634 Hebdo 7 Octobre 1999

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