Publicité mensongère
On se souviendra que lors de la Coupe du Monde de Football en France, les restaurateurs français avaient très mal perçu le choix de McDo comme sponsor officiel et représentant de la gastronomie française.
Certains restaurateurs avaient tenu à rendre public leur mécontentement. La
Fédération régionale de l'industrie hôtelière (FRIH) représentée par son président
Guy Obozil a fait éditer une affiche dans laquelle il était déclaré notamment : "Avec
20,6 % de TVA contre 5,5 % au fast-food, la restauration française n'a pas les moyens
d'être sponsor." Ceci afin de dénoncer les distorsions de concurrence en
matière de TVA dans le secteur de la restauration. Cette affiche a été mise à la
disposition des membres du syndicat afin qu'ils l'apposent sur la vitrine de leur
établissement. Si cette affiche a été diffusée dans d'autres départements de France,
seule la région Bourgogne s'est vue attaquée par les 6 établissements McDo de la
région.
L'application d'un régime unique de TVA à la profession de la restauration dans son
ensemble, et quel que soit son mode de vente, constitue l'une des principales
revendications de la profession. McDo s'est senti personnellement visé par cette campagne
de publicité et en a eu assez de servir de bouc émissaire.
Lors de la réunion de conciliation, Jean-Robert Burniaux qui exploite en franchise 5
établissements McDo en Côte-d'Or a donc demandé dans un premier temps à M. Guy Obozil
de faire amende honorable publiquement sur le contenu de cette affiche. Refus du
président de la FRIH qui voyait dans cette action un bon moyen de dénoncer publiquement
ce qu'il considère comme une évasion fiscale. Même si, dans un geste de bonne volonté
suite à un courrier de protestation de McDo, il avait demandé à l'ensemble de ses
adhérents de retirer l'affiche à la fin de la Coupe du Monde.
Face à cette attitude et jugeant le contenu de l'affiche erronée et trompeuse, McDo a
donc décidé de porter plainte devant le tribunal correctionnel de Dijon pour publicité
mensongère et publicité comparative ne respectant pas les dispositions légales de
loyauté et de vérité. Publicité qui aurait causé un préjudice à leurs
établissements.
Dire que McDo bénéficie uniquement d'une TVA à 5,5 % est une erreur
McDo qualifie l'affiche de publicité mensongère car on présente de manière fausse que
le taux de TVA applicable à McDo est de 5,5 % et que la restauration traditionnelle est
pour sa part soumise à un taux de 20,6 %. Thierry Chiron, avocat de McDo, démontre qu'il
est fait état dans ce document d'un régime fiscal qui n'est pas exact. Il rappelle qu'en
réalité c'est la vente à emporter qui bénéficie du taux de 5,5 % et la vente à
consommer sur place bénéficie, elle, du taux à 20,6 %. La distinction entre les taux de
TVA ne s'effectue donc pas entre la restauration traditionnelle et le fast-food, mais
entre la vente à emporter et la vente à consommer sur place.
Cette affiche constitue aussi une publicité comparative illicite. Le défenseur de McDo
rappelle que cette forme de publicité est autorisée à la condition d'être loyale,
véridique et qu'elle ne soit pas de nature à induire en erreur le consommateur. Cette
publicité n'est pas loyale parce qu'elle comporte une information fausse de nature à
induire en erreur les consommateurs : on présente en effet les fast-foods comme ne
bénéficiant que d'un taux de TVA à 5,5 %, alors que dans la réalité ils sont soumis
aux deux taux de TVA.
Maître Chiron conclura sa plaidoirie en déclarant qu'il s'agit d'une campagne de
publicité fallacieuse qui porte atteinte à l'image de McDo. En conséquence, il demande
1 F de dommages-intérêts ainsi que la publication d'une annonce rectificative dans
différents journaux de la presse locale.
Les restaurateurs n'attaquaient pas McDo mais le régime de TVA
Quant à Michel Vieillard, avocat de Guy Obozil, il rappelle que depuis des années les
syndicats professionnels de restaurateurs interviennent en vain auprès des pouvoirs
publics pour obtenir une diminution du taux de TVA qui leur est applicable et mettre en
place un taux unique.
L'amertume des restaurateurs a atteint son paroxysme quand McDonald's s'est présenté
comme restaurateur officiel de la Coupe du Monde en France en 1998. C'est la combinaison
de ces éléments qui a conduit à la réalisation de cette affiche.
Michel Vieillard démontre il n'y a pas tromperie, car cette affiche a permis de faire
comprendre aux consommateurs qu'il existait deux taux de TVA applicables. Et constate que
dans les établissements McDo il n'est affiché qu'un prix par consommation alors qu'il
existe deux taux de TVA ce qui impliquerait de faire deux sortes de tarifs avec deux taux
de TVA distincts. Or ceci n'est pas le cas. Et de conclure : "Vous faites la TVA
qui vous plaît en appliquant un taux moyen entre 5,5 % et 20,6 %. Par ce système ce
n'est pas l'emploi qu'on favorise. La restauration traditionnelle est obligée d'avoir des
employés avec une TVA à 20,6 %, alors que McDo bénéficie du taux réduit et qu'en plus
il n'a pas de personnel pour servir et desservir."
Maître Vieillard montre par cette affiche que les restaurateurs ont voulu dénoncer le
régime de TVA applicable à la restauration pour obtenir un taux de TVA unique pour tout
type de produit alimentaire transformé vendu et peu importe qu'il soit consommé sur
place ou à l'extérieur.
Pour Maître Vieillard, il n'y a pas lieu de retenir la responsabilité de la FRIH, ni de
son président qui n'a fait que relater la réalité d'une fiscalité aberrante.
Affaire à suivre. Le jugement sera rendu le 12 mars prochain.
P. Carbillet
L'HÔTELLERIE n° 2603 Hebdo 4 Mars 1999