Pour Alain et Maryline Guillout, le ciel est tombé
sur leur tête le jeudi 5 février 98 à 13 h 20. Au sens propre comme au sens figuré,
puisque suite à l'imprudence d'un ouvrier, la toiture et le dôme de la gare des
Bénédictins sous lesquels s'abritait leur restaurant, se sont embrasés. A trente
mètres au-dessus de leur établissement, qui venait tout juste d'inaugurer ses nouvelles
installations, et qui annonçait un pic de fréquentation jusque-là jamais atteint. De
quoi devenir enragé, lorsque l'on a dépensé 4 MF en travaux et décoration, que l'on
emploie 30 salariés et que l'on espère 11 MF de chiffre d'affaires.
«C'était l'horreur absolue, se souvient Alain Guillout. Les débris pleuvaient
de la voûte, verre, fer, bois, gravats et l'eau des pompiers ruisselait de partout...»
Des pompiers heureusement efficaces qui arrivaient à circonscrire le sinistre en quelques
heures, mais qui se retiraient en laissant derrière eux un champ de ruines. Côté
buffet, si l'intérieur était épargné, la façade et les unités avancées
(cafétéria, sandwicherie) ne l'étaient pas. Deux comptoirs de vente directe rajoutés
par le propriétaire lors de ses aménagements terminés fin 97.
«Le bilan se chiffre surtout en perte d'exploitation et en manque à gagner, précise
t-il. Mais il n'empêche que le restaurant et la brasserie sont restés fermés trois
jours pleins, et les deux nouvelles annexes 21 jours».
Au total, 65% de chiffre d'affaires perdus, sans compter du personnel en chômage
technique et environ 100 KF de dégâts, plus 11 groupes frigos détériorés.
Un buffet défiguré
De quoi baisser les bras, lorsque l'on a repris en 1996 une énorme machine dans
laquelle on était employé depuis dix ans, en faisant les emprunts et les sacrifices que
l'on devine. Avec le risque de la formule concession, puisque le contrat liant la SNCF,
propriétaire des lieux, à l'exploitant est limité dans le temps. Autres inconvénients,
l'inévitable chute de fréquentation des deux stations du hall de gare, le «café» (48
places assises en terrasse intérieure désormais perdues) et une
sanwicherie-croissanterie dissimulée derrière des échaffaudages inesthétiques qui
cachent de plus l'entrée du buffet.
«La restauration est un métier à risques, reconnaît son propriétaire. Mais
nous avons des atouts qui nous permettent de survivre et des idées qui nous sortiront de
l'ornière».
Car dans la gare des Bénédictins, l'une des plus belles de France, superbe bâtiment à
l'architecture néo-classique, on remet à neuf, avec 30 MF de budget prévisionnel, et
deux ans de travaux. Deux ans durant lesquels la gêne persistera pour Alain Guillout qui
a décidé de faire contre mauvaise fortune bon coeur en luttant à sa façon.
«Nous remontons grâce à la restauration. Le buffet n'a rien perdu de sa notoriété
et
les Limousins continuent d'y venir en nombre. 7 jours sur 7, nous servons en brasserie 24
h/24 un ticket moyen de 63 F et en restaurant midi et soir à 135 F. Et, malgré ces
filets métalliques qui nous dissimulent, ça ne désemplit pas.» Grâce à la
cuisine du chef, Michel Marchadier, au piano depuis vingt ans, et grâce à la nouvelle
terrasse extérieure côté ville. Mais l'avenir n'est pas bouché, malgré les 500.000 F
comptabilisés perdus définitivement, les dépenses à venir (200 KF) pour remettre tout
à niveau et la conjoncture. Car Limoges sera dotée en 99 d'un CIEL, traduisez Centre
International d'Echanges du Limousin, qui rassemblera aux Bénédictins SNCF, taxis,
transports en commun, gare routière. Un immense complexe dont le restaurateur ne sera pas
absent et sur lequel il compte pour se donner un deuxième souffle.
«S'il faut investir encore, on investira, soupire t-il, mais on ne laissera pas
passer l'opportunité. Et on fera des prières pour que quelqu'un évite de jouer avec des
allumettes». Vous avez dit espoir ? Ou renaissance... Tel le Phénix...
«Nous avons des atouts qui nous permettent de survivre et des idées qui nous
sortiront de l'ornière», reconnaît Alain Guillot.
L'HÔTELLERIE n° 2578 Magazine 10 Septembre 1998