Actualités

HOTELS
Entreprise

L'Hôtel du Lac à Huelgoat dans le Finistère

Comment survivre dans le désert breton

Si la côte bretonne conquiert chaque saison de nouveaux clients venus des quatre coins de l'Europe, le coeur de la Bretagne, et particulièrement le centre du Finistère, se désertifie d'année en année. Pourtant, à force de travail, de sérieux, de professionnalisme, l'Hôtel du Lac ne survit pas si mal sur les bords du lac d'Huelgoat. Il est vrai que ses propriétaires, Bernard et Renée Vitré, ont investi 4,3 MF en 1995.

Par Alain de Sigoyer

Bernard Vitré, la cinquantaine chaleureuse, a démarré tout gamin comme cuisinier chez ses parents, restaurateurs pour noces et banquets à Poullaouen, au coeur de cette Bretagne intérieure -l'Argoat, le pays des bois, le pays de la mer étant l'Armor- qui fait plus penser au Jura qu'à la côte de granit rose. Après l'Ecole hôtelière de Strasbourg, en 1963, le jeune cuistot tente l'aventure et part se faire les dents à Montréal en compagnie de celle qui allait devenir sa femme, Renée Férellec, une fille du canton voisin dont les parents tenaient "Le Bretagne" au Huelgoat. Renée sera employée à l'hôtel Hilton et lui aux cuisines du Pavillon de la Russie. C'est ensuite le service militaire qu'il effectue évidemment au ministère des Armées à Paris. La Grande Muette sait utiliser les compétences, c'est connu. Revenu au pays breton, Bernard Vitré prend la gérance d'un hôtel-restaurant à Carhaix, dans ce centre Finistère cher à son coeur de Breton, et commence la grande aventure. "L'établissement marchait bien, très fort même, grâce à une belle clientèle de pensionnaires".

 

Six hôtels en 1920

Le cuisinier et son épouse hôtelière l'exploitent pendant cinq ans puis déménagent au Huelgoat pour prendre la direction de "L'Hôtel de Bretagne" qui appartient aux parents Férellec. On est en 1976. Pendant quatre ans, le couple met les bouchées doubles. Huelgoat est un petit village à un quart d'heure de Carhaix, au coeur du "désert breton", un pays de bois et de fermes qui connut la prospérité le temps de l'exploitation des mines de plomb argentifère et des carrières de granit. dans les années 20, six grands hôtels prospéraient ici. Le plus prestigieux, "L'Angleterre", recevait les touristes britanniques. Les clients devaient retenir leurs chambres deux ans à l'avance. "A l'époque, confie l'hôtelier finistérien, nos clients anglais venaient en train. La calèche de l'hôtel allait les chercher à la gare de Locmarien-Berrien, à 4 km. Il est vrai que ces clients séjournaient un mois quand ce n'était pas un mois et demi".

Un prix abordable

Aujourd'hui, Huelgoat est tombée en dessous des 2.000 âmes. Les grands hôtels ont fermé les uns après les autres. L'un d'eux est une maison de retraite. Le dernier a été mis en liquidation judiciaire en 1980. C'était L'Hôtel du Lac. Bernard Vitré et sa femme ont alors saisi ce qu'ils ont considéré comme une opportunité, hypothéqué leur maison bourgeoise, démarché les banques, raclé les fonds de tiroir. "Le prix restait abordable car tout était à refaire dans cet établissement d'un autre âge. C'est simple, la remise aux normes a doublé le prix d'achat. Bien sûr, ce fut davantage du rafistolage que de la véritable réhabilitation mais de toute façon on ne pouvait pas faire plus", explique l'hôtelier aujourd'hui. Qu'importe ! La maison est reprise en mains, le cuisinier, fils et petit-fils de boucher, se fait une spécialité de grillades au feu de bois et de pizzas maison. C'est le succès. La réputation de "L'Hôtel du Lac" et de sa bonne cuisine attirent la clientèle de passage et les estivants. Une dizaine de salariés sont employés pendant la saison d'été.

Incendie en 1995

L'incendie d'une aile de l'hôtel en 1995 donne au propriétaire désendetté l'occasion de réaliser ces travaux qu'il n'avait pu entreprendre sept ans plus tôt. Il était temps d'ailleurs car un étage de l'hôtel n'était déjà plus exploitable au regard des nouvelles normes européennes draconiennes. Bernard Vitré retourne voir les banquiers et investit 4,2 MF. Avec des aides financières conséquentes de la Communauté économique européenne (programme PRAT) et des collectivités locales, à commencer par le Conseil général dont l'élu du canton, Daniel Créoff, un communiste couleur du pays, président des chasseurs du Finistère, est un ami personnel, pas politique ! Cette fois, les travaux sont sérieux : cabines de douches intégrées, chauffage électrique informatisé, géré chambre par chambre, à partir de l'accueil, doubles vitrages aux fenêtres, portes des chambres coupe-feu et insonorisées.

Dans les guides

"De toute façon, l'Hôtel du Lac était condamné à disparaître à son tour, si nous n'avions rien fait." Le jeu en valait-il la chandelle ? "Oui, sans doute, mais c'était tout de même un peu limite surtout qu'ici la saison touristique est un peu courte. Bien sûr, nous avons fidélisé une clientèle régionale, notamment celle des entrepreneurs et des voyageurs de commerce conquise par notre politique de soirée-étape. Nous avons également attiré les nombreux résidents britanniques qui, au cours des dernières décennies, sont venus acheter au coeur de cette Bretagne celtique, proche d'un terrain de golf, des petites maisons de caractère, à retaper, vendues par les notaires entre 100.000 F et 200.000 F". Depuis sa réhabilitation, l'hôtel a pris de la valeur, son chiffre d'affaires a grimpé, il est classé Logis de France et répertorié dans cinq autres guides dont le Michelin. Sa grande salle de restaurant, aux larges baies vitrées ouvertes sur le lac d'Huelgoat, tourne avec les repas d'affaires et les banquets. Une recette miracle ? Non, juste la qualité de l'accueil et de la cuisine.

 


L'Hôtel du Lac, construit en 1897, deux étoiles NN, classé Logis de France, comprend 15 chambres avec TV-Téléphone, entre 220 F et 290 F.


L'HÔTELLERIE n° 2565 Magazine 11 Juin 1998

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration