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Salut, l'aubergiste

Cela vous a peut-être échappé, mais le Tout-Paris médiatico-politique (ou l'inverse) est au régime sec. La cantine des stars du petit écran, la table préférée des ténors de l'Assemblée et des plumitifs en vogue, le bar incontournable des reporters de RTL ou d'Europe, tout cela est terminé. Depuis que «Monsieur Paul», le très célèbre patron d'Edgar, rue Marbeuf, au coeur de ce que les promoteurs immobiliers appelaient naguère le «triangle d'or», a décidé de plier boutique.

out simplement, il nous a dit ça, un jour de printemps maussade où l'on commençait à parler dans la presse de Zidane et de Ronaldo. Et il a fait ce qu'il a dit. Là, en pleine Coupe du Monde, Paul nous tire sa révérence. Alors que la France entière a pour Laurent Blanc les yeux de Chimène, alors que nos excellences se bousculent pour faire la «Ola» dans les tribunes, Edgar baisse son rideau. Il aurait pu attendre la rentrée, une inversion de popularité dans les sondages, la nomination d'Aimé Jacquet comme ministre des Sports, une rencontre fortuite entre Jacques Delors et Edouard Balladur, une prise de bec entre PPDA et Anne Sinclair. Inflexible, Paul avait décidé, et d'ailleurs, le local est loué à partir du 1er juillet, à un marchand de vêtements «de haut de gamme», ce qui n'est vraiment pas original dans le quartier?
Alors, bien sûr, comme dans une chanson d'Aznavour, ils étaient tous là pour le dernier service. Ils ? Tous ceux qui depuis 20 ans, entre passage au 20 h et grand reportage sur un «point chaud» du globe, se sont nourris dans la belle brasserie de Monsieur Paul. Tous les habitués du saumon «gravlak» et du bar aux petits légumes, les inconditionnels de la tête de veau et du rognon-frites, les impénitents du sancerre rouge et du saint-amour bien frais, pour une dernière séance. Tiens, il aurait pu venir, Eddy Mitchell, lui qu'on voyait naguère installé dans un box de la grande salle d'en bas. Car Edgar, c'était ce subtil mélange des genres, parfois audacieux, jamais excessif malgré la forte personnalité des convives. Au milieu de ce monde pas toujours facile, Paul Benmussa et son équipe, car il serait injuste d'oublier Jean-Jacques, le directeur de la salle, Jean-Pierre, le chef, et tous les autres qui nous pardonneront de ne pas les citer, ont toujours maîtrisé avec doigté l'art d'une cohabitation aux multiples facettes.
Les gazettes ont largement relaté les événements politiques qui eurent souvent pour cadre le restaurant de la rue Marbeuf et il n'est pas utile d'y revenir. En revanche, il faut saluer le professionnalisme, le talent de gestionnaire, le sens de l'hospitalité du maître de céans, qui s'enorgueillissait du beau titre d'«aubergiste».
Et c'est vrai qu'il va manquer à beaucoup, l'aubergiste. A tous les clients bien sûr, à ses salariés aussi, qui lui en veulent un peu, car ils savent bien qu'ils ne retrouveront certainement pas des conditions de travail comparables ailleurs. N'est-ce point pour cela que tous affichent au minimum 20 ans de maison ? Ça devait être un sacré bon patron, Paul, dans un métier où la rotation du personnel atteint des proportions impressionnantes.
Donc, c'était un peu la dernière séance, la semaine dernière, avec Paul toujours présent quand il aperçoit un magnétophone ou une caméra. Faisant la bise à Catherine Nay, donnant l'accolade à Roger Chinaud, accueillant même ses amis de L'Hôtellerie. Interviewé par un reporter de France Inter, il n'hésite pas : «Je vous présente Patricia, la rédac'chef de L'Hôtellerie. C'est la seule qui m'a vraiment aidé dans mon combat pour la baisse de la TVA en restauration». Car ce fut l'une des dernières activités professionnelles de Paul Benmussa, cette lutte pour faire baisser la TVA en restauration. Mais, écoeuré par la passivité et l'incapacité des organisations professionnelles à conduire une action efficace, il a préféré jeter l'éponge.

Salut, l'aubergiste...


Au milieu de ce monde pas toujours facile, Paul Benmussa et son équipe, car il serait injuste d'oublier Jean-Jacques, le directeur de la salle, Jean-Pierre, le chef, et tous les autres qui nous pardonneront de ne pas les citer, ont toujours maîtrisé avec doigté l'art d'une cohabitation aux multiples facettes.


L'HÔTELLERIE n° 2569 Hebdo 9 Juillet 1998

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