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Je m'y refuse

Les fêtes étaient passées, tous les Parisiens, partis dans leur famille en cette fin d'année étaient de retour, ils avaient repris leurs voitures, avaient envahi les transports en commun et la capitale était de nouveau encombrée, il allait falloir réserver au restaurant pour être sûr d'avoir une place, faire la queue à la cantine pour avaler une saucisse-purée en 10 minutes, pousser ses voisins de zinc pour attraper son café ou attendre sous la pluie, chez le boulanger, pour acheter un jambon-crudités emballé dans une serviette en papier.

Le quotidien avait repris... Heureusement, le foie gras avait été aussi bon cette année que l'année dernière -le mi-cuit comme on a appris à l'aimer, vous savez bien-, la recette du chapon farci était un délice et la bûche glacée poire-marron avait fait l'enchantement de toute la famille. On s'était déjà organisés pour tirer les rois et savoir chez qui on achèterait les galettes... les adresses gourmandes s'échangeaient. Bercés par la douceur des plaisirs du palais, nous aurions sûrement somnolé de béatitude si un titre des pages saumon du Figaro ne nous avait pas interpellés ! Sans vergogne, dans la rubrique fort justement intitulée «Chances et risques du monde» (à vous de choisir !), le journaliste titrait «McDo au secours des classes moyennes d'Amérique Latine» et d'expliquer que, réservés aux hommes par habitude, les cafés, comme les restaurants, n'accueillaient plus d'autres clientèles et les femmes organisaient maintenant toutes les fêtes familiales dans les fast-foods de plus en plus aux petits soins pour elles. Au-delà du simple pot pris entre amies l'après-midi et des goûters d'anniversaire des enfants, les McDo, Pizza Hut, KFC, organisaient les autres cérémonies pour les classes moyennes qui n'avaient pas les moyens de fréquenter les grands hôtels. Par fanfaronnade, j'ai ricané, histoire de me persuader que, bien sûr, chez nous, sur la terre de Rabelais, de Brillat-Savarin et de Bocuse, rien de pareil ne pourrait jamais nous arriver... Mais n'est-ce pas pure vanité de ma part que de me parer de telles certitudes ? Dans les cafés déjà, les femmes ont déserté les lieux, peu accueillants souvent, le sol jonché de mégots, de papiers, elles leur préfèrent les fast-foods ou les boulangeries pourtant peu confortables, certains hommes leur emboîtent le pas. Doit-on y voir les prémisses de... non, je m'y refuse et espère bien qu'une nouvelle génération de cafetiers saura réagir et redynamisera l'image du café dont la disparition régulière lamente en premier chef les cafetiers, mais pas toujours les clients. Quel dommage, un café propre, sympathique, où l'on vous accueille avec le sourire pour vous servir un bon sandwich, un bon demi ou un bon expresso, c'est si extraordinaire ! Dommage que ce soit si rare...

P.A.F.



L'HÔTELLERIE n° 2543 Hebdo 8 janvier 1998

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