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Ecole des Arts Culinaires et de l'Hôtellerie d'Ecully

Quel sera le bon plan de reprise ?

Le 9 juin 1997, l'Ecole des Arts Culinaires et de l'Hôtellerie d'Ecully a été placée en redressement judiciaire par le Tribunal de Grande Instance de Lyon.

Alors que l'autorisation de poursuite d'activité expire le 25 novembre, deux repreneurs se sont fait connaître : un «pool» Accor/SHB/CIA avec Paul Bocuse en figure de proue et l'Institut Vatel d'Alain Sebban.

On devrait connaître prochainement le nom du repreneur d'une école où plus de 75 MF ont été investis depuis 1985...

En demandant une mise en redressement judiciaire le 9 juin dernier, le choix du Conseil d'Administration de l'E.A.C.H d'Ecully n'était pas neutre. Cette procédure, acceptée par le T.G.I. de Lyon, permettait d'oublier - fut-ce provisoirement -, un passif de 15 MF et de repartir de l'avant, sur des bases jugées viables par l'équipe dirigeante.

Pour Max Marcadet le directeur, une demande similaire en 1995 - lors de son arrivée -, aurait été suivie d'une «liquidation immédiate.» Là, fort d'un résultat brut d'exploitation positif sur les deux derniers exercices, la démonstration a été faite que «l'école était parfaitement viable

Le 9 septembre, trois mois après la mise en redressement judiciaire, le Tribunal a accepté de prolonger jusqu'au 25 novembre la période d'activité. Celle-ci se poursuit donc avec 106 élèves (1) attendus pour la rentrée du 2 octobre, sur les deux cycles d'études et les trois promotions.

Avant la date d'échéance, et probablement d'ici la fin du mois d'octobre, un triumvirat (2) devra se prononcer sur les plans de reprise qui seront analysés en fonction de trois critères : poursuite de l'activité de l'entreprise dans son objet, protection des salariés (l'EACH emploie actuellement 26 salariés permanents et 18 vacataires) et protection des créanciers (le passif se situe à 15 MF, dont 9,5 MF pour les banques).

A la date limite du 15 septembre, deux dossiers avaient été déposés sur le bureau de l'administrateur judiciaire : l'un par Alain Sebban au titre de l'Institut Vatel et l'autre par le trio Gérard Pelisson (Accor), Christian Lameloise (SHB) et Paul Bocuse, qui ont obtenu le soutien du C.I.A. (Culinary Institute of America) présidé par Fernand Metz.

Sur décision de la présidente du T.G.I. de Lyon, les dossiers de reprises restent secrets et ne peuvent être consultés par les différentes parties en présence.

Après entrevue avec les intéressés, L'Hôtellerie lève pourtant le voile et fait le point sur un sujet épineux... puisque depuis 1985, un peu plus de 75 MF ont été engloutis dans l'Ecole des Arts Culinaires (3) !

(1) Dont 50% d'étrangers représentant 26 nationalités.

(2) L'administrateur judiciaire (Maître Sapin), le représentant des créanciers (Maître Dubois) et le juge-commissaire, membre (et présidente au cas particulier) du TGI de Lyon.

(3) Sur le sujet, voir L'Hôtellerie du 3 octobre 1996 et du 26 juin 1997.


Alain Seban (Institut Vatel)

«Ce projet me tient à coeur»

Ecullois depuis huit ans, Alain Sebban avoue s'être toujours «senti concerné» par le devenir d'une école implantée sur le territoire de sa commune. Et c'est tout naturellement le maire d'Ecully qui a découvert, en primeur, le plan de reprise proposé par son administré (1).

Alain sebban, c'est bien sûr l'Institut Vatel qu'il a crée et qu'il dirige depuis 1981. Pour cette «Ecole Internationale d'Hôtellerie» implantée à Paris, Lyon (1984), Bordeaux (1985), Nîmes (1989), et depuis cet été à Kuala Lumpur en Malaisie, accueille cette année 1.200 étudiants de 45 nationalités.

«Cet été je me suis intéressé de plus près à cette école dont j'ai suivi l'évolution depuis 1985. J'ai également voyagé en Europe, en Asie, et aux USA pour conforter mon jugement sur l'attente des professionnels. Quand j'ai appris que les hommes en place aujourd'hui allaient refaire la même chose, j'ai choisi d'élaborer un projet pédagogique clair et défini. On ne peut conserver les mêmes hommes et changer simplement les statuts en passant d'une association à une société. Il faut d'avantage d'ambition pour une école à laquelle il faut donner une âme et un objectif précis.»

Convaincu de la justesse de ses propositions, Alain Sebban souligne que «Vatel restera Vatel» et qu'il s'agit de «bien autre chose à Ecully».

«Je veux créer les métiers de manager de la cuisine et manager de la pâtisserie. On fait déjà des formations de gestion hôtelière dans une dizaine d'écoles en Rhône-Alpes. Il me semble assez difficile de faire à la fois de la gestion hôtelière et de la formation à la cuisine. Ce sont deux mondes très différents avec deux types d'étudiants. A l'heure où nous entrons dans le troisième millénaire, il faut apporter un choc et se rendre compte qu'un chef de cuisine avec une technique de base, doit être aussi un manager parlant plusieurs langues, sachant gérer ses produits, ses coûts et ses ressources humaines, utiliser l'ordinateur et connaître le marketing et les ventes. En fait, il faut revenir à l'origine de l'Ecole qui était avant tout de cuisine», dit-il enfin.

(1) Si le bâtiment pédagogique a été racheté par la région Rhône-Alpes, le Château du Vivier est toujours propriété de la ville d'Ecully, par ailleurs engagée à hauteur de 50% au titre de caution, d'un emprunt de 9 MF.

Alain Sebban (Institut Vatel) a lui aussi un plan pour l'Ecole.

Les grandes lignes du plan Sebban/Vatel :

1) L'aspect hôtelier est totalement abandonné, et l'Ecole forme désormais à la profession de manager de la cuisine et manager de la pâtisserie (un conseil pédagogique serait constitué, co-présidé par Paul Bocuse et Gabriel Paillasson). Il s'agit d'un nouveau départ avec de nouveaux métiers. A lyon, l'Institut Vatel reste rue Duhamel avec ses fonctions hôtelières.

2) L'association (Vatel Paris et Lyon) s'engage à apporter 7 MF (3MF pour la reprise des actifs et 4 MF en fonds de roulement pour permettre de redémarrer) à Ecully.

3)Le personnel actuel est conservé à 80%, mais de nouveaux emplois correspondant aux besoins spécifiques de l'Ecole seront crées dans les 3 ans (pour Alain Sebban, les emplois qui seraient payés plus de 180KF par an, feraient les frais de l'opération.


Christian Lameloise (SHB)

«Une ambition pour cette école»

Tout est parti d'une lettre de Raymond Barre, Député-Maire de Lyon à l'adresse de Gérard Pélisson, co-fondateur du Groupe Accor. Comment l'éminent membre du «Club des Cent» qui rassemble les plus fin palais de France, ne se serait-il pas intéressé au devenir d'une Ecole des... Arts Culinaires ?

Sollicité par son «ami», Gérard Pélisson a accepté de se pencher sur un dossier que Christian Lameloise, Président de l'Office du Tourisme de Lyon et à ce titre, membre du CA de l'Ecole, se chargea de lui présenter en détail.

Cette «relation» était un peu fatale, si l'on veut se souvenir que Christian Lemeloise, actuel PDG de SHB, fut pendant dix ans collaborateur du Groupe Accor, en charge du développement.

Convaincu de la viabilité de l'Ecole, Gérard Pélisson a donc accepté de s'engager et s'est chargé de convaincre Christian Lameloise et Paul Bocuse de le faire aussi. Bocuse a su convaincre Ferdinand Metz, directeur du Culinary Institute of America - où son fils Jérôme fit ses études -, de l'intérêt d'un projet désormais soutenu par le Dr John Connoly, président du C.I.A., «enthousiasmé pour une association. C'est sans doute, et Christian Lameloise en est convaincu, ce qui fait la force du dossier...»

«Raymond Barre était préoccupé par cette mise en redressement judiciaire et souhaitait que l'on étudie la viabilité de l'Ecole. Celle-ci étant acquise, il était normal que nous nous engagions sur les bases d'une poursuite de l'activité. Il était tout aussi normal de chercher à convaincre Paul Bocuse qui a marqué de sa personnalité la vie de l'Ecole, de s'associer à cette démarche. Notre philosophie est d'investir dans l'avenir de l'Ecole, avec la volonté d'apporter quelques fonds propres pour développer son activité. Nous voulons concentrer nos moyens autour d'une grande ambition, pour en faire une grande école européenne voire mondiale, de management d'hôtellerie et de cuisine.»

Avec Gérard Pélisson (Accor), Christian Lameloise, président de l'Office du Tourisme de Lyon et PDG du Groupe SHB a planché sur un projet ambitieux, dans le prolongement de l'action actuelle.

Les grandes lignes du plan
Pelisson/Lameloise/Bocuse

(A) Les deux filières stratégiques «Cuisine-Gestion» «Management Hôtellerie» (1) sont maintenues et développées, étant bien entendu que l'EACH ne devient en aucun cas une école du Groupe ACCOR (2).

(B) Un partenariat est développé avec l'Université Lyon III, ce qui n'existe pas actuellement et permet de travailler à la mise en place d'un diplôme universitaire.

Le projet a reçu un avis favorable du conseil d'administration de l'Université le 23 septembre dernier.

(C) Un hôtel pédagogique (45 chambres, ouverture en octobre 1999) serait construit et ferait l'objet d'une convention de partenariat avec les grands établissements universitaires (Ecole Supérieure de Commerce et Ecole Centrale Lyon) et industriels du secteur.

(1) Dans l'hypothèse où ce plan serait retenu, les tâches seraient clairement réparties : Christian Lameloise, Gérard Pelisson, Accor et SHB pour la filière Management Hôtellerie-Restauration, Paul Bocuse et le C.I.A. pour la filière Cuisine et Gestion.

(2) A l'occasion de la convention mondiale des directeurs d'hôtels Accor qui réunira 1.200 personnes à Paris en mars 1998, Gérard Pélisson a déjà envisagé la visite d'une soixantaine d'entre-elles à l'EACH avec un objectif précis de recrutement.


Max Marcadet prend position

Actuel directeur de l'Ecole, Max Marcadet annonce clairement son choix en faveur du plan Bocuse/Lameloise/Pélisson. S'il n'était pas retenu, il cesserait ses fonctions à la tête de l'E.A.C.H. d'Ecully.

Max Marcadet l'affirme : «60 à 70% des étudiants s'inscrivent aujourd'hui à l'Ecole sur le seul nom de Paul Bocuse

Dès lors on comprend que le directeur de l'E.A.C.H. ait clairement choisi son camp : «que de telles personnalités acceptent de s'engager est une chance unique pour cette école de vivre selon les grandes lignes tracées à l'origine et de se positionner parmi les écoles de très haut-niveau en France et en Europe. En ce qui me concerne, il est clair que si leur projet n'était pas retenu, je m'en irais... mais aussi 80% des étudiants qui suivent l'évolution des choses avec intérêt.

Nous avons besoin d'une école formant des cuisiniers, mais d'un établissement supérieur qui forme des professionnels de la restauration et de l'hôtellerie capables d'être en cuisine, au service et de gérer. Quand j'interroge les gens de la profession, ils me disent ne pas avoir besoin de titulaires de BTS mais de vrais professionels rompus à tous les aspects de la profession. J'ai beaucoup de respect pour le travail réalisé par l'Institut Vatel à son niveau, mais ici il s'agit d'autre chose. Nous ne sommes pas une simple école de cuisine. C'est un peu comme si le cours Pigier reprenait l'Ecole Supérieure de Commerce de Lyon ! Sur deux ans, avec un budget de fonctionnement de 15,5 MF (1), nous avons maintenu l'équilibre et démontré que l'école était viable. Cela me semble un argument important. Enfin, comment pourrais-je accepter, en tant que contribuable, qu'une Ecole voulue par l'Etat et supportée par les collectivités territoriales avec ce que cela suppose d'investissements, puisse se retrouver au service des intérêts financiers d'une seule personne ?».

(1) Les recettes proviennent à 60% de l'inscription des élèves et à 40% de la taxe d'apprentissage, du restaurant d'application et de la formation continue.

Sur les deux derniers exercices, l'équilibre était réalisé hors de toute subvention.

Dossier réalisé par Jean-François Mesplède

jfmesplede@lhotellerie-restauration.fr.



L'HÔTELLERIE n° 2529 Hebdo 2 octobre 1997

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