L’entomophagie - ou consommation humaine d’insectes - peine à s’implanter en France. Certains professionnels
précurseurs ont néanmoins sauté le pas et croient au potentiel de ces produits.
Les insectes se mettent à table
U
ne sauterelle ou un grillon, cela
vous met l’eau à la bouche ? Un
tiers de la population mondiale
-
principalement en Afrique, en Asie
et en Amérique latine - consomme
déjà un millier d’espèces différentes
d’insectes. L’Europe, quant à elle,
fait la fine bouche. Si cette tradition
a existé sur le Vieux Continent depuis
l’Antiquité, elle a fini par disparaître
au fil des siècles. Hannetons, vers à
soie et sauterelles ne font plus partie
de nos habitudes culinaires.
“
Dans les
pays occidentaux, il existe aujourd’hui
un frein psychologique, une aversion
face aux insectes. Pourtant, en Europe,
nous en consommons déjà à notre insu
500
grammes en moyenne par an, dis-
simulés dans divers produits alimen-
taires courants”
,
observe
Dominique
Croce
,
cofondateur du tout récent site
insectesaumenu.fr.
Malgré ces réticences, quelques pro-
fessionnels ont décidé de mettre des
insectes à la carte. Par tradition pour
certains, comme à La Sandia, un res-
taurant mexicain basé à Toulouse
(31),
ou chez Ban Thaï, un établisse-
ment thaïlandais de Montpellier (34).
“
Cela faisait longtemps que je rêvais
de faire découvrir les insectes aux
Français
,
explique
Monica Juarez
,
à la tête de La Sandia.
Au Mexique,
il est courant de manger des grillons
à l’apéritif ou dans les tortillas. C’est
vraiment délicieux !”
L’enseigne of-
frira très bientôt des tacos garnis de
vers de farine (grillés avec de l’ail et de
l’huile de maïs) que l’on trempe dans
une sauce pimentée ou du guacamole.
“
UNE EXPÉRIENCE GUSTATIVE”
De son côté, le Ban Thaï propose de
grignoter des sauterelles, des vers de
bambou, des vers à soie, des grillons
ou encore des punaises d’eau géantes,
frits avec une panure épicée.
“
Cela se
mange comme des chips, à l’apéritif.
On sent un intérêt réel de la part de
nos clients”,
constatent
Julien
et
Jin-
tana Oberlé
,
propriétaires des lieux.
D’autres professionnels s’aventurent
sur ce terrain par curiosité, comme le
restaurateur-traiteur
Vincent Jean-
nin
,
de la société Livreur de saveurs
à Pau (64), ou encore
Elie Daviron
.
Depuis peu, ce diplômé de l’école
Ferrandi concocte, dans son bar-res-
taurant festif du XVIII
e
arrondisse-
ment parisien, cinq ‘bouchées décou-
verte’ : punaises d’eau agrémentées
de feuilles d’endives et de poivrons
confits, sauterelles sur lit de feuilles
d’huître et œufs de caille mollets…
“
C’est une expérience gustative. La
clientèle a doublé depuis le lancement
de ce nouveau menu”,
confie-t-il. Un
seul regret néanmoins :
“
Les insectes
en provenance de Thaïlande sont
commercialisés sous forme de salai-
son. Cela limite les transformations
culinaires.”
Tout aussi audacieux,
Da-
vid Faure
,
du restaurant Aphrodite, à
Nice (06), est le
“
premier étoilé
Miche-
lin
en France à avoir osé franchir ce
cap”,
en avril dernier. Parmi ses huit
menus, l’un est entièrement consacré
aux insectes : Petit pois carré, écume
de carotte et vers de farine, Foie gras
poêlé et son croustillant de grillons au
sarrasin, Dos de cabillaud pané à la
poudre de vers…
“
Avec les grillons, on
est sur des notes de maïs et pop-corn.
Les vers de farine sous forme déshy-
dratée ont des notes de cacahuète et
d’arachide et, une fois grillés, de cre-
vettes grillées”,
note-t-il. En salle, l’ac-
cueil est positif, avec une
“
clientèle en
quête de nouveaux goûts”
.
David Faure s’approvisionne auprès
du producteur toulousain
Cédric
Auriol
,
de la société Micronutris. Ce
dernier, qui propose notamment une
gamme de chocolats sans sucre aux
insectes en partenariat avec le choco-
latier de Mazamet
Guy Roux
,
prévoit
le même boom que pour les sushis.
“
D’ici cinq à dix ans, les insectes se-
ront des produits grand public. Ils
offrent de multiples possibilités culi-
naires et répondent à une vraie pro-
blématique alimentaire et environne-
mentale”
,
explique-t-il. En effet, selon
la FAO (Organisation des Nations
Unies pour l’alimentation et l’agricul-
ture), les insectes représentent une
solution durable et moins polluante
que le bétail, face à la croissance de
la demande mondiale en protéines
animales (+ 70 % d’ici à 2050). Alors,
convaincu ?
Q
VIOLAINE BRISSART
LuKMUJZM
6
Restauration
70
Inclusion de grillons en bubble au whisky,
cubique de pain perdu aux poires, une
création signée
David Faure
.
Retrouvez une recette de David Faure : Crémeux de maïs, foie gras poêlé, croustillant de grillons au sarrazin,
neige de pop-corn et maïs déshydraté sur :