Page 72 - L'Hôtellerie Restauration No 3371

L’entomophagie - ou consommation humaine d’insectes - peine à s’implanter en France. Certains professionnels
précurseurs ont néanmoins sauté le pas et croient au potentiel de ces produits.
Les insectes se mettent à table
U
ne sauterelle ou un grillon, cela
vous met l’eau à la bouche ? Un
tiers de la population mondiale
-
principalement en Afrique, en Asie
et en Amérique latine - consomme
déjà un millier d’espèces différentes
d’insectes. L’Europe, quant à elle,
fait la fine bouche. Si cette tradition
a existé sur le Vieux Continent depuis
l’Antiquité, elle a fini par disparaître
au fil des siècles. Hannetons, vers à
soie et sauterelles ne font plus partie
de nos habitudes culinaires.
Dans les
pays occidentaux, il existe aujourd’hui
un frein psychologique, une aversion
face aux insectes. Pourtant, en Europe,
nous en consommons déjà à notre insu
500
grammes en moyenne par an, dis-
simulés dans divers produits alimen-
taires courants”
,
observe
Dominique
Croce
,
cofondateur du tout récent site
insectesaumenu.fr.
Malgré ces réticences, quelques pro-
fessionnels ont décidé de mettre des
insectes à la carte. Par tradition pour
certains, comme à La Sandia, un res-
taurant mexicain basé à Toulouse
(31),
ou chez Ban Thaï, un établisse-
ment thaïlandais de Montpellier (34).
Cela faisait longtemps que je rêvais
de faire découvrir les insectes aux
Français
,
explique
Monica Juarez
,
à la tête de La Sandia.
Au Mexique,
il est courant de manger des grillons
à l’apéritif ou dans les tortillas. C’est
vraiment délicieux !”
L’enseigne of-
frira très bientôt des tacos garnis de
vers de farine (grillés avec de l’ail et de
l’huile de maïs) que l’on trempe dans
une sauce pimentée ou du guacamole.
UNE EXPÉRIENCE GUSTATIVE”
De son côté, le Ban Thaï propose de
grignoter des sauterelles, des vers de
bambou, des vers à soie, des grillons
ou encore des punaises d’eau géantes,
frits avec une panure épicée.
Cela se
mange comme des chips, à l’apéritif.
On sent un intérêt réel de la part de
nos clients”,
constatent
Julien
et
Jin-
tana Oberlé
,
propriétaires des lieux.
D’autres professionnels s’aventurent
sur ce terrain par curiosité, comme le
restaurateur-traiteur
Vincent Jean-
nin
,
de la société Livreur de saveurs
à Pau (64), ou encore
Elie Daviron
.
Depuis peu, ce diplômé de l’école
Ferrandi concocte, dans son bar-res-
taurant festif du XVIII
e
arrondisse-
ment parisien, cinq ‘bouchées décou-
verte’ : punaises d’eau agrémentées
de feuilles d’endives et de poivrons
confits, sauterelles sur lit de feuilles
d’huître et œufs de caille mollets…
C’est une expérience gustative. La
clientèle a doublé depuis le lancement
de ce nouveau menu”,
confie-t-il. Un
seul regret néanmoins :
Les insectes
en provenance de Thaïlande sont
commercialisés sous forme de salai-
son. Cela limite les transformations
culinaires.”
Tout aussi audacieux,
Da-
vid Faure
,
du restaurant Aphrodite, à
Nice (06), est le
premier étoilé
Miche-
lin
en France à avoir osé franchir ce
cap”,
en avril dernier. Parmi ses huit
menus, l’un est entièrement consacré
aux insectes : Petit pois carré, écume
de carotte et vers de farine, Foie gras
poêlé et son croustillant de grillons au
sarrasin, Dos de cabillaud pané à la
poudre de vers…
Avec les grillons, on
est sur des notes de maïs et pop-corn.
Les vers de farine sous forme déshy-
dratée ont des notes de cacahuète et
d’arachide et, une fois grillés, de cre-
vettes grillées”,
note-t-il. En salle, l’ac-
cueil est positif, avec une
clientèle en
quête de nouveaux goûts”
.
David Faure s’approvisionne auprès
du producteur toulousain
Cédric
Auriol
,
de la société Micronutris. Ce
dernier, qui propose notamment une
gamme de chocolats sans sucre aux
insectes en partenariat avec le choco-
latier de Mazamet
Guy Roux
,
prévoit
le même boom que pour les sushis.
D’ici cinq à dix ans, les insectes se-
ront des produits grand public. Ils
offrent de multiples possibilités culi-
naires et répondent à une vraie pro-
blématique alimentaire et environne-
mentale”
,
explique-t-il. En effet, selon
la FAO (Organisation des Nations
Unies pour l’alimentation et l’agricul-
ture), les insectes représentent une
solution durable et moins polluante
que le bétail, face à la croissance de
la demande mondiale en protéines
animales (+ 70 % d’ici à 2050). Alors,
convaincu ?
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VIOLAINE BRISSART
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Restauration
70
Inclusion de grillons en bubble au whisky,
cubique de pain perdu aux poires, une
création signée
David Faure
.
Retrouvez une recette de David Faure : Crémeux de maïs, foie gras poêlé, croustillant de grillons au sarrazin,
neige de pop-corn et maïs déshydraté sur :