Page 38 - L'Hôtellerie Restauration No 3364

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Pour fidéliser les équipes et améliorer la productivité
Alors que la législation s’est durcie en matière de prévention des risques professionnels, de plus en plus d’entreprises mettent
en place des plans d’action.
Santé au travail :
une exigence et un atout
de la politique des ressources humaines
P
our
AlainRenault
,
directeur
général délégué de la société Sighor,
la décision de lancer des actions
en faveur de la santé et de la qualité de
vie au travail représente un levier de la
politique des ressources humaines.
En
nous développant sur les aires d’autoroute,
nous avons repris dans notre activité de
nombreux salariés. Il était donc important
de fédérer ces équipes autour d’éléments
novateurs. La santé au travail répondait
à un besoin et une attente de leur part”,
affirme-t-il. Une politique volontariste de
prévention des risques professionnels a été
mise en place afin d’accompagner la forte
croissance de Sighor.
En effet, ce groupement de restaurateurs
et d’hôteliers indépendants a fait
beaucoup de chemin depuis sa création
en 1991. Depuis le coup d’envoi de ses
activités en Auvergne, sur l’aire des
volcans de l’autoroute A71, Sighor a
grandi. Aujourd’hui, la société regroupe
60
professionnels actionnaires, pèse
60
M€ de chiffre d’affaires et emploie
800
salariés. Sous l’enseigne Leo Resto,
l’offre de restauration sur les aires
d’autoroute s’est diversifiée. En 2002,
Sighor a également lancé une chaîne
hôtelière baptisée Ace Hôtel. Le succès,
là aussi, est au rendez-vous, avec un
portefeuille de 15 établissements situés
à la sortie des autoroutes et un taux
d’occupation de 75 %.
RISQUES PSYCHO-SOCIAUX
Les chantiers ne manquent pas avec
quatre autres Ace Hôtel en projet et le
développement des Leo Resto dans les
gares SNCF, comme dans celles de Dijon,
où ont ouvert trois points de vente en
2012.
Avec la croissance de Sighor et la
spécificité du travail de ses équipes, les
sujets de santé et de sécurité au travail
se sont rapidement imposés. La loi de
2010
et ses nouvelles obligations ont
encore accéléré la réflexion.
Il nous
fallait harmoniser les procédures au
sein de notre groupe et nous mettre
en conformité. En décidant d’investir
dans une politique volontariste de
prévention, nous transformions une
contrainte réglementaire en un acte fort de
management”,
affirme Alain Renault.
Une première étape d’audit des pratiques
a permis de réaliser une évaluation précise
des risques professionnels couvrant
l’ensemble des métiers de Sighor et
d’éditer un document unique. Des points
stratégiques ont ainsi vite été repérés : le
travail de nuit, le nettoyage et la gestion
des poubelles, les risques de coupure ou
de glissade. Rien n’a été négligé et les
risques psycho-sociaux ont eux aussi été
étudiés de près. Des actions concrètes
ont été décidées et d’autres font encore
l’objet de négociations avec les partenaires
sociaux, comme l’éventuelle mise en place
de jours de repos additionnels.
MATÉRIAUX ADAPTÉS
Parmi les nouvelles dispositions, on
peut noter la création d’un livret des
équipements de protection individuelle
commun à tout le personnel de Sighor
avec, par exemple, la mise à disposition
de gants choisis pour leur résistance.
Les équipes de nuit bénéficient
désormais d’une puce électronique
qui se déclenche automatiquement
en position horizontale et donne ainsi
l’alerte en cas de malaise ou d’incident.
Si les locaux du groupe étaient déjà
équipés de matériaux adaptés pour
éviter les glissades et de cuisines plus
ergonomiques, il a été demandé aux
fournisseurs de trancher préalablement
le jambon afin de supprimer les
trancheuses, dangereuses pour les
salariés. Enfin, pour les caisses, des sièges
assis-debout ont été installés.
Grâce à ces initiatives, qui permettent
de réduire significativement les risques
et améliorent la qualité de vie au travail,
les salariés se sentent reconnus et
pris en considération. Enmatière de
risques psycho-sociaux, le groupe met
à disposition des salariés un centre
d’écoute téléphonique. Un psychologue
les accompagne en cas, par exemple,
d’éventuelles difficultés ou de stress
face à la clientèle. Bien sûr, pour être
efficace, une politique de prévention
des risques professionnels implique un
investissement financier et le soutien de
la direction.
VALÉRIE MEURSAULT
Emploi
CHIFFRES CLÉS
-
700 000
accidents du travail par an dont 44 000 accidents graves.
- 45 000
maladies professionnelles en 2008 pour le seul régime général
- 1
salarié sur 4 estime que son travail menace sa santé et sa sécurité
-
L’homme est en cause dans plus de deux tiers des accidents du travail
Source :
Manager santé et sécurité au travail
,
Éditions Dunod, ministère du Travail, de
l’Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social.
UN ENJEU JURIDIQUE ET UN CHOIX D’ORGANISATION
La santé au travail représente
aujourd’hui un sujet stratégique
pour les employeurs.
La loi de
2010
a imposé de nouvelles
contraintes. Désormais,
les entreprises n’ont plus
seulement une obligation
demoyensmais aussi une
obligation de résultats”,
confirme
Daniel Martins
,
directeur du département
performance RH au sein
du cabinet Leyton. La
jurisprudence a encore
renforcé la responsabilité
des employeurs sur cette
problématique devenue
sensible. Les condamnations
financières peuvent ainsi être
lourdes sans parler de leurs
conséquences négatives sur la
réputation des entreprises.
Les salariés, quant à eux,
intègrent de plus en plus les
critères de qualité de vie au
travail dans leurs choix et
leur engagement. Les risques
psycho-sociaux, quoiquemoins
bien encadrés par la loi, n’en
constituent pas moins des
enjeux importants en termes
d’attractivité et d’image.
Une politique de prévention
des risques professionnels
a également un impact
direct sur la productivité,
en réduisant le taux
d’absentéisme.
Dans le secteur de l’hôtellerie-
restauration, la pénibilité au
travail repose essentiellement
sur les contraintes horaires,
les cycles et l’organisation
du travail propres aumétier
(
travail de nuit, coups de
feu, taylorisation des tâches,
station debout prolongée, port
des plateaux, chargement et
déchargement des matières
premières…). Pour être
efficace, une politique de
prévention doit se déployer sur
deux grands axes : technique
et organisationnel. Des
solutions pratiques peuvent
être trouvées pour soulager
la pénibilité. Le matériel
de levage ou les chariots
facilitent le chargement
et le déchargement des
matières premières et
permettent souvent de limiter
la casse de marchandise.
Le choix de carrelage au sol
antidérapant ou encore de
présentoirs à plateau adaptés
réduisent significativement
les risques d’accident ou
de maladie professionnelle
de type troubles musculo-
squelettiques.
Deuxième piste : la
réorganisation du travail.
En
favorisant la polyvalence des
tâches, on réduit le temps
d’exposition aux facteurs de
pénibilité et on diversifie le
travail des salariés”,
explique
encore Daniel Martins. Dans
une pizzeria, on peut ainsi
former ses salariés afin de les
faire tourner sur les différentes
tâches (travail de la pâte,
mise en place des ingrédients,
cuisson,mise en place dans
les cartons, caisse…). De
nombreuses solutions existent,
mais encore faut-il que le
management investisse le sujet
et s’y engage. Laméthodologie
implique un audit précis des
risques physiques et psycho-
sociaux, un plan d’action
décidé en coordination avec
les partenaires sociaux et un
suivi.
Daniel Martins
,
du cabinet Leyton,
insiste sur l’importance, pour
le management, de mener une
politique de santé au travail.
La société Sighor se développe sur les aires d’autoroute et dans les gares.