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L’actualité
34 800
postes non pourvus en restauration
Le secteur touristique du pays, qui manque cruellement de main-d’œuvre, a recours à une immigration choisie. Avis aux amateurs.
Le Canada
fait les yeux doux
aux professionnels qualifiés
L
’
exemple de
Jérôme Ferrer
,
l’une des
toques les plus connues de Montréal,
laisse rêveur. Arrivé au Québec il y a
douze ans, sans un sou en poche et avec
deux associés, le chef est aujourd’hui à
la tête du restaurant Relais & Châteaux
Europea, de l’espace boutique Europea, du bistrot
Beaver Hall, du restaurant méditerranéen Andiamo,
de deux cafés, d’un service traiteur... Il faut dire que
la
“
bonne bouffe”
,
comme on dit ici, commence à
occuper le devant de la scène. Selon le ministère de
l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation de la
Belle Province, les Québécois iraient de plus en plus au
restaurant, soit un repas sur trois.
“
LA MAIN D’ŒUVRE QUALIFIÉE FAIT DÉFAUT”
Tandis que le guide
Frommer’s
a inclus Montréal
dans son palmarès 2011 des dix meilleures villes au
monde ‘où il fait bon manger à l’extérieur’, l’organisme
Tourisme Montréal cherche à positionner la cité
comme une destination gastronomique internationale,
à grand renfort de communication et d’événements
(
dont la Restaurant Week locale, baptisée MTL à
table). Toronto n’est pas en reste.
“
Ces dernières années,
la ville a explosé à tous les niveaux : sa population,
de plus en plus multiculturelle, ses infrastructures et
bien sûr sa cuisine”,
juge le restaurateur
Jean-Jacques
Texier
.
De nouveaux
établissements y
ouvrent par centaines
chaque année,
traduisant une
effervescence qui attire
des professionnels
réputés :
David Chang
a dupliqué son concept
new-yorkais,
Daniel
Boulud
a inauguré
une enseigne au cœur
du quartier huppé de
Yorkville... Idem dans
l’hôtellerie, où on
assiste à une floraison
récente d’hôtels de
luxe (Shangri-La,
Ritz Carlton, Four
Seasons…).
Face à un tel essor,
“
la main d’œuvre
qualifiée et le
professionnalisme
font défaut”,
déplore
Didier Leroy
,
Maître cuisinier
de France et chef du restaurant Didier à Toronto.
Le Conseil canadien des ressources humaines en
tourisme prévoit plus de 34 800 postes non pourvus en
restauration en 2015, et jusqu’à 137 000 en 2030. Les
pénuries les plus inquiétantes devraient concerner les
serveurs, les aides de cuisine, les cuisiniers, les barmans
et les directeurs de la restauration et des services.
Résultat :
“
Un cuisinier qui arrive avec de l’expérience
trouvera un poste dans la journée s’il a fait quelques
recherches avant”,
estime Jean-Jacques Texier.
UN CONTEXTE PLUS DÉLICAT
Le Canada, un Eldorado pour expatriés qualifiés ?
Même si ce pays offre toujours des opportunités -
de Vancouver à Québec -, la concurrence s’aiguise.
Sur place, les Français (50 000 à Montréal et
15 000
à Québec selon les registres consulaires)
continuent d’affluer. Le nombre de restaurants a
explosé avec près de 20 000 établissements dans
le seul Québec (dont le quart environ sur l’île de
Montréal). La restauration commerciale et les débits
de boissons possèdent d’ailleurs le plus bas taux de
survie parmi les entreprises québécoises. Le contexte
n’est donc pas rose, souligne
François Meunier,
vice-président de l’Association des restaurateurs du
Québec (ARQ) :
“
La performance touristique a été
modeste ces dernières années. Les restaurateurs voient
depuis quelques années leur rentabilité décliner : les
hausses des coûts de main-d’œuvre et de nourriture
en sont les principales responsables. L’industrie
croule aussi sous un fardeau fiscal, administratif et
réglementaire de plus en plus lourd.”
Côté salaires,
“
beaucoup de chefs français déchantent”
,
assure
Christophe Geffray
,
chef gérant de Christophe,
car les rémunérations sont souvent moindres qu’en
France. En revanche, les serveurs peuvent gagner
jusqu’à 200 dollars canadiens (près de 150 €) par
soir, grâce aux pourboires généralement fixés à 10 ou
15 %
du montant de l’addition. Enfin, tous les types de
restaurants n’ont pas forcément le vent en poupe.
“
C’est le règne du bon et du pas cher. Les bistrots ou les
tapas ont la cote, mais la restauration gastronomique
reste très marginale”,
conclut Didier Leroy.
VIOLAINE BRISSART
COMMENT TRAVAILLER
AU CANADA ?
Pour le permis de travail classique (trois ansmaximum),
l’employeur doit démontrer qu’il n’a pas trouvé
localement de personnel ayant les compétences
recherchées. Il existe d’autres possibilités plus simples
et accessibles pour les Français de 18 à 35 ans (plus
d’informations sur
).
Selon vos projets, pensez aussi à la résidence
permanente ou auxmodalités destinées aux créateurs
d’entreprise
).
En 2012, près de 13 000 Français ont ainsi obtenu
un visa de résidence permanente et près de
14 000
Français âgés de 18 à 35 ans ont bénéficié
de permis de travail dans le cadre de l’initiative
Expérience internationale Canada.
Pour en savoir plus sur l’immigration temporaire et
permanente : renseignements et inscriptions pour une
session d’information auprès de l’Ambassade
du Canada sur
Ils témoignent
e
JEAN-JACQUES TEXIER,
créateur du Batifole,
Toronto
“
Il faut être bilingue et
s’adapter à la mentalité.
Ici,‘business is business’ :
un emploi en restauration
compte au minimum
44
heures hebdomadaires et les congés payés
représentent 4% seulement des jours travaillés.
En contrepartie, vous trouverez de nombreuses
opportunités de travail et une population agréable,
franche et honnête.”
e
THIERRY BARON, chef propriétaire
du restaurant Vertige, Montréal
“
D’un point de vue administratif et financier, il est
plus simple de créer un restaurant ici qu’en France.
Les loyers, les charges salariales et les exigences
en matière d’hygiène sont moindres. En revanche,
oubliez les tables gastronomiques, ce n’est pas ce
qu’attend la clientèle.”
eìì
CHRISTOPHE GEFFRAY, chef gérant
du Christophe, Montréal
“
L’économie a chuté depuis 2008, beaucoup de
restaurants ont fermé et de nombreux autres
-
italiens, thaïs, péruviens, argentins, etc.- sont
apparus. Le contexte est très difficile, d’autant
que la cuisine française est moins appréciée qu’il
y a vingt ans.”
Son établissement qui propose une
cuisine française dumarché résiste néanmoins.
“
La licence ‘Apportez votre vin’ nous permet de
tenir. Le vin est très cher ici. Une bouteille vendue
dans un restaurant, marge et taxes comprises,
atteint facilement les 60 €. Ce concept permet
d’augmenter le chiffre d’affaires de 25% ainsi
que la fréquentation.”
Son conseil ?
“
Venez vivre six mois au Canada,
en plein hiver avant de prendre toute décision.”
Le chef français
Jérôme Ferrer
s’est installé au Québec il ya douze
ans. Il est aujourd’hui à la tête de plusieurs établissements dont un
Relais & Châteaux.
Thierry Baron
,
chef du restaurant
Vertige à Montréal :
“
D’un point de
vue administratif et financier, il est
plus simple de créer un restaurant
ici qu’en France.”
© DR
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