Hôtellerie
Shangri-La, Peninsula…
Ils sont les acteurs du tourisme de demain. Comment et pourquoi les groupes de l’empire du Milieu décident-ils d’investir dans
l’hôtellerie en France ?
Des investissements chinois
rares et chers
S
elon l’organisation mondiale du
tourisme, en 2012, les Chinois
ont dépensé 76 milliards d’euros
lors de leurs séjours à l’étranger.
Cela représente 40 % de plus
qu’en 2011 et les place au 1
er
rang du tourisme international.
En France, ils sont les acteurs
des projets hôteliers de grande envergure, comme
le Shangri-La ou le prochain Peninsula, sans
parler de l’OPA amicale du groupe Fosun dans le
Club Med. Les grandes sociétés d’audit, les brokers
et autres intermédiaires de l’immobilier et de la
finance affirment tous être en contact régulier
avec des groupes asiatiques, hôteliers ou non, à
la recherche d’hôtels ou de bâtiments bien placés
pour les transformer en hôtels de luxe.
Car les Chinois aiment la France. D’après le
Tableau de
bord de l’attractivité de la France
publié par l’Agence
française pour les investissements internationaux
(
AFII), la Chine était en 2011 le 10
e
pays investisseur
en France et 59 % des projets en France étaient chinois
entre 2001 et 2011. Toutefois, selon cette étude, les
entreprises chinoises privilégient les créations (à 71 %)
et investissent surtout dans les activités de type centre
de décision (41 %) ou de production (24 %). Quid de
l’hôtellerie ? Avec l’ouverture du Shangri-La en 2012,
propriété de la famille
Kuok
d’origine malaisienne, et
du très attendu Peninsula du groupe Hong Kong and
Shanghai Hotels (HSH), il semblait évident que Paris
allait être le centre des investissements chinois dans le
secteur en France.
STRATÉGIE D’EXPANSION VERTICALE
Or, à part ces deux icônes, les investissements chinois
“
sont encore rares, parce que leurs exigences ne collent
pas toujours avec l’offre proposée”
,
affirme
Catherine
Rawanduzi
,
directrice du cabinet de conseil en
immobilier CBRE Hotels. Il s’agit le plus souvent de
consortiums qui choisissent de se diversifier dans
l’hôtellerie parce qu’ils sont aussi présents dans
l’immobilier, le transport ou l’alimentation. D’autres,
en revanche, qui représentent de puissantes familles,
sont prêts à investir mais uniquement dans des ‘trophy
assets’, des prestigieuses propriétés, pour valoriser
leur patrimoine. Et pour ceux-là, l’emplacement
est primordial.
“
Ils ciblent les Champs-Élysées et
leurs abords immédiats. De manière générale, ils ne
regardent que les lieux d’exception”
,
précise Catherine
Rawanduzi. Il existe quelques exceptions, notamment
la reprise du Chinagora Hotel à Charenton-le-Pont
(94)
par le groupe Huatian.
PARTENARIATS STRATÉGIQUES ET
OPPORTUNITÉS
C’est parfois dans le plus grand secret que certains
investisseurs chinois prennent pied dans l’hôtellerie
française. Soluxe, par exemple, une société appartenant
au groupe China Huayou Group Corporation spécialisée
dans le voyage en ligne, a racheté discrètement, le
Renaissance Trocadéro, après sa rénovation en 2012.
Le groupe Fosun, spécialisé dans la métallurgie et
l’immobilier, a lui choisi d’entrer dans le capital du
ClubMed. Un projet d’ailleurs retardé en raison de
deux recours déposés. La décision de prendre des
parts dans un groupe hôtelier européen existant a
également été prise par le groupe chinois HNA qui
est entré dans le capital de NHHoteles à
hauteur de 20 % en mars 2013. Pour les autres
enseignes qui forment les poids lourds de
l’hôtellerie chinoise (comme Home Inns, à
la 9
e
place du top 15 du classement mondial
des groupes hôteliers établi par MKG, 7 Days
Group à la 13
e
place, ou Jin Jiang Hotels, à la
14
e
place), l’urgence est plutôt d’attendre de
bonnes opportunités ou de créer des alliances
stratégiques avec des groupes hôteliers
français. C’est le cas de Jin Jiang Hotels et
de son partenariat stratégique avec Louvre
Hotels Group, qui repose uniquement sur des
éléments de commercialisation et non sur un
investissement stratégique.
LONDRES, UNE PORTE D’ENTRÉE EN EUROPE
Si Paris est difficile d’accès en raison des opportunités
peu nombreuses, Londres fait figure de capitale favorite
en Europe. Ainsi, le groupe DalianWanda lance la
construction d’un hôtel 5 étoiles sur la rive gauche de
la City d’une valeur d’un milliard de dollars (815M€
environ) et serait à la recherche de 8 à 10 nouveaux
emplacements. La société Greenland a choisi Francfort
(
Allemagne) pour ouvrir son premier hôtel Qube en
partenariat avec Melia Hotels International, avec
qui elle s’est associée pour développer ses marques
hôtelières en Europe. Greenland ouvrira deux ex-Tryp
(
enseigne de Melia Hotels) sous enseigne Qube, alors
que de son côté, Melia ouvrira deux hôtels Greenland
en Chine. À Paris, l’enseigne Rosewood va être apposée
sur le toit du Crillon après sa rénovation - une enseigne
à l’origine texane et devenue chinoise depuis son rachat
par NewWorld Hospitality – et d’autres investisseurs
se font plus pressants. C’est le cas des Marco Polo
Hotels ou singapourien Patina Hotels, par exemple.
Il semblerait enfin que le groupe coréen Samsung
souhaiterait diversifier ses activités dans l’hôtellerie,
quitte à prendre des participations dans un grand
groupe français.
X. S.
N° 3356•22 août 2013•
La suite Jardin du Shangri-La Paris.
L’Hôtel de l’Europe fait partie du Cercle hôtelier de
Poitiers.
Dynamiser l’activité
L’ouverture de quatre nouveaux établissements inquiète les professionnels qui craignent
l’affaiblissement d’un marché déjà saturé.
Le Cercle hôtelier de Poitiers protège ses intérêts
À
Poitiers, les 247 nouvelles
chambres placées sous les
enseignes Mercure, Ace Hôtel
et Ibis s’inscrivent dans un secteur
commercial qui, s’il reste stable, est loin
de s’étendre, tel un fromage difficile à
partager. Le Cercle hôtelier de Poitiers,
qui regroupe des hôteliers locaux
(18
adhérents sur 30 installés), soulève
le problème, via son président
Dany Vinouze
,
de l’Hôtel de l’Europe.
“
Pas question pour autant d’être
en guerre,
temporise ce dernier.
Nous
cherchons des solutions dynamiques,
comme la création d’une centrale de
réservation en direct, comme cela
s’est fait à Nantes métropole. D’autre
part, nous invitons nos nouveaux
confrères à nous rejoindre. L’un d’eux
l’a d’ailleurs déjà fait.”
L’association est très engagée dans
d’importantes manifestations locales
et multiplie les actions vers les
institutions comme la municipalité
ou l’office de tourisme.
L’objectif est de peser un peu plus face
au poids énorme représenté par les
hôtels du Futuroscope qui raflent une
part importante des nuitées de
la région. Enfin, le site internet du
Cercle va connaître de nouveaux
développements, notamment être
traduit en anglais.
JEAN-PIERRE GOURVEST
CERCLE HÔTELIER DE POITIERS
Tél. : 05 49 88 12 00
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