22
R]QTTM\
6
Lutter contre les germes pathogènes
La réglementation laisse les professionnels libres de leur manière de faire, mais insiste sur la nécessité absolue de ne pas
négliger les dangers et risques liés au refroidissement des denrées et à leur conservation.
JEAN-MICHEL TRUCHELUT, PROFESSEUR DE CUISINE
Comment refroidir et maintenir la
chaîne du
froid
Hygiène
L
a réfrigération consiste à
abaisser la température
d’un aliment à des valeurs
légèrement supérieures à son
point de congélation. L’intérêt
de cette technique réside dans
l’inhibition du développement
des germes thermophiles et
mésophiles dont la plupart
sont des micro-organismes
pathogènes. Le refroidissement
n’a d’efficacité qu’à l’obtention
d’une température comprise
entre 0 °C et 4 °C. À partir
de 10 °C, l’évolution de la
flore n’est que ralentie. Il est
donc nécessaire de refroidir
rapidement jusqu’à cette
température lorsque l’on traite
des préparations culinaires. La
réfrigération n’empêche pas le
développement de certaines
espèces psychrotrophes ou
cryophiles. Certaines sont
responsables d’altération,
comme les Pseudomonas.
D’autres sont pathogènes :
Listeria monocytogenes,
Yersinia enterolotica,
Clostridium botulinum
type E (dit ‘pisciaire’). Cela
explique que, empiriquement
et traditionnellement, nous
conservions le poisson
sur glace fondante. Le
nombre de toxi-infections
alimentaires pour lesquelles
ces bactéries sont mises en
cause est croissant depuis la
généralisation de la pratique
de la réfrigération. Un bon
refroidissement doit être suivi
d’un maintien en température
continu, protégé et limité dans
le temps. Il est donc impératif
d’avoir d’excellentes pratiques
d’hygiène.
CE QUE DIT LA
RÉGLEMENTATION
L’ancienne approche
réglementaire préconisait un
refroidissement selon le couple
temps/température suivant :
passage de + 65 °C à + 10 °C
à cœur en moins de 2 heures.
Des textes plus récents notifient
désormais : passage de + 63 °C
à + 10 °C en moins de 2 heures.
La réglementation actuelle
recommande toujours le
respect de ces températures et
délais sauf si une analyse des
risques permet de valider un
autre barème. Cette possibilité
tient compte à la fois de la mise
en responsabilité du cuisinier
mais permet aussi de faire face
à des situations qui ne sont pas
faciles à gérer.
CAS PARTICULIERS
Les cas évoqués ci-dessous
ne vous dispensent pas d’être
attentif aux recommandations
des hygiénistes via la
réglementation, bien au
contraire.
E^ ohenf^ ^m(hn eZfZll^ ]n
ikh]nbm g^ l^ ikm^gm iZl Znq
k^\hffZg]Zmbhgl bgbmbZe^l'
Par exemple, un gigot est une
masse conséquente à
refroidir. Cela oblige
à l’exposition d’un
froid intense, parfois
préjudiciable d’un point
de vue organoleptique
et peu réaliste du point
de vue de la chute de
température interne.
En effet, refroidir
intensément en surface
provoque un effet ‘igloo’
qui limite la progression
du froid au cœur du
produit. Par ailleurs, une
cuisson traditionnelle
réussie, qui conserve
sa jutosité, est arrêtée
avant que l’on obtienne 63 °C
à cœur. Il est difficile de savoir
à partir de quel moment il faut
décompter les deux heures.
<^kmZbg^l \nbllhgl
!
ghmZff^gm ËlZb`gZgm^lÌ"
gÌZmm^b`g^gm iZl /, <
\
Ænk
Un magret de canard
ou un filet de bœuf ne
peuvent atteindre les 63 °C
à cœur sans présenter
d’inconvénients du point
de vue organoleptique. Afin
de maîtriser les risques
sanitaires, il est recommandé
de chercher, dans l’hypothèse
d’un refroidissement et
maintien en température
positive, une cuisson rosée
plutôt que saignante. Dans ce
cas de figure, il faut atteindre au
minimum 56, voire 58 °C à
cœur. Il faut toujours considérer
qu’une température de 54 °C
(
et moins) ne permet pas
d’affirmer que le produit a été
cuit. En effet, cuire a pour but
de changer le goût et la texture,
mais aussi de faire baisser la
charge microbienne potentielle.
La température (théorique)
à laquelle il y a un début
d’atteinte à la forme végétative
des bactéries est de 52 °C.
E^l ghno^ee^l \nbllhgl
bgm`k^gm ]^l m^fil ]^
\
nbllhg ehg`l
On entend par nouvelle
cuisson le recours à la basse
température et à la cuisson
sous vide, qui permettent de
conserver l’eau de constitution
des viandes notamment. Pour
cela, il ne faut pas dépasser
68
°C. La conséquence est
l’augmentation de la durée
d’exposition à la chaleur
pour obtenir le même effet
que la cuisson traditionnelle.
Le produit subit donc une
température supérieure à 56 °C
pendant un laps de temps
important. Cet état de fait
permet de poser les bases d’une
approche de calcul de valeur
pasteurisatrice et de poser les
bases de la durée de vie du
produit. Les travaux de ;kngh
@
hnllZnem# (CREA à Paris) ont
fait avancer les pratiques en les
sécurisant.
LE JUSTE
REFROIDISSEMENT
Face à une juste température,
il faut un juste refroidissement.
Sauf cas particuliers évoqués
plus haut, il faut respecter le
couple temps-température
initial et faire attention aux
manipulations en amont et en
aval du refroidissement.
À défaut et en complément
de l’outil HACCP (Système
d’analyse des dangers, points
critiques pour leur maîtrise),
on peut se référer au Guide de
bonnes pratiques d’hygiène
restaurateur. Il est regrettable
que ce type de guide ne soit
pas encore d’actualité pour la
restauration commerciale. Les
guides insistent notamment
sur le fait qu’
“
un bon
refroidissement tient surtout
à la bonne circulation du
froid. Ne pas surcharger les
enceintes. Ne pas bloquer
les couloirs de ventilation.
Laisser des espaces entre les
produits. S’assurer
régulièrement du bon
fonctionnement des
enceintes. Entretenir
scrupuleusement les
appareils. Utiliser
du matériel et des
ustensiles propres.
Veiller à l’hygiène
des manipulations”
(
point clé n° 11 :
Refroidissement).
Il est possible de mener
une analyse type
HACCP. Le législateur
a intégré la difficulté
pour un restaurateur de
réaliser cette démarche.
Il a inclus cependant la notion
de ‘flexibilité’ destinée aux
inspecteurs de la direction
départementale de la protection
des populations
.
On ne peut
pas avoir le même niveau
d’exigence pour un industriel
de l’agroalimentaire que pour
un acteur de la restauration
commerciale.
EN PRATIQUE
Le juste refroidissement
consiste à laisser reposer le
produit cuit à température
ambiante et en portant
attention aux contaminations
potentielles.
Refroidir en un deuxième
temps en cellule de
refroidissement mais sans
couvrir ni filmer. En effet l’air
(
chaud !) va être emprisonné et
en interface entre le produit et
la source de froid. Un produit
sous vide aura intérêt à subir
ce pré-refroidissement dans
l’eau courante d’abord, glacée
ensuite (l’eau est un excellent
conducteur de température).
Le refroidissement ayant
été effectué, le produit sera
conditionné pour pouvoir être
conservé.
LA CHAÎNE DU FROID
Le maintien au froid continu
est nécessaire. Les variations de
température sont extrêmement
préjudiciables. N’oublions
pas que le froid inhibe mais
ne tue pas. La durée de vie du
produit en l’état (conservation
au froid positif) est sous la
responsabilité du professionnel.
Les températures de stockage
et maintien au froid sont à
consulter dans l’arrêté du
21
décembre 2009 relatif aux
règles sanitaires applicables
aux activités de commerce
de détail, d’entreposage et de
transport de produits d’origine
animale et denrées alimentaires
en contenant (
Journal
officiel
du 31/12/2009). Ces
différents points sont abordés
et précisés dans le Guide de
bonnes pratiques d’hygiène
restauration : Point clé n° 7 :
Maîtrise du froid. On y relève la
nécessité de :
-
maintenir les installations
de froid en bon état de
fonctionnement ;
-
contrôler la température des
installations de froid.
Refroidissement et maintien au
froid nécessitent de faire preuve
de professionnalisme tant du
point de vue organoleptique
que du point de vue sanitaire.
C’est cet état d’esprit qui a
animé le législateur lorsqu’il
a obligé le professionnel à un
minimum de connaissances en
matière d’hygiène des aliments.
Blog des Experts
‘
Recettes, techniques culinaires
et hygiène en vidéo
‘
*
Blog des Experts ‘La cuisson
sous vide à juste température
expliquée’ sur
-
restauration.fr
Retrouvez les textes en vigueur sur