14
Le chef péruvien
Gastón Acurio
exporte son
savoir-faire dans 12 pays, avec ses 32 restaurants.
© DR
UIZ[
6
Cuisine d’ailleurs
Plus de 30 000 restaurants
Le pays ne se résume plus à son folklore et à son archéologie. Place à une cuisine fusion, variée et saine, de plus en plus à la mode.
Le Pérou, nouvel Eldorado culinaire ?
L
e ‘nouvel Eldorado culinaire’ ou ‘la
terre des mille saveurs’. C’est ainsi
que le célèbre magazine
Restaurant
décrit le Pérou, qui a d’ailleurs raflé
le prix de la Meilleure destination
gastronomique au monde lors des
World Travel Awards 2012. Alors que
le Pérou a postulé à l’Unesco pour que
sa cuisine soit reconnue au patrimoine
immatériel de l’humanité, Lima
s’affiche aujourd’hui comme la capitale
gastronomique de l’Amérique latine.
Des jeunes, sortis des centaines d’écoles
qui ont essaimé dans tout le pays (dont
le Cordon Bleu), y dirigent plus de
30 000
restaurants (contre 18 000 en
2001).
Véritable phénomène de société,
la cuisine a attiré plus de 500 000
visiteurs en 2012 lors de son festival
phare, Mistura, et des pointures telles
que
Michel Bras
,
Ferran Adrià
ou
encore
René Redzipi
ont déjà participé
à l’événement.
DES RICHESSES NATURELLES ET
HISTORIQUES
Les raisons de cette effervescence ? Tout
d’abord, l’extrême diversité des produits.
Considéré comme le plus grand centre
génétique du monde, le Pérou compte
plusieurs milliers de variétés de quinoas,
pommes de terre et patates douces,
2 000
espèces de poissons, 650 espèces
de fruits indigènes méconnus… Sans
oublier l’aji, un piment considéré
comme l’ADN de la cuisine péruvienne.
Cette luxuriance alimente une cuisine
très métissée qui compterait plusieurs
milliers de plats régionaux.
Avant les Incas, les Mochicas cultivaient
déjà l’art de la table. Puis, chaque
vague d’immigrés a apporté sa touche :
conquistadors, esclaves africains,
travailleurs chinois, colonie italienne
et enfin, surtout, les Japonais dès la
fin du XIX
e
siècle. Ces derniers ont
fusionné leurs techniques culinaires
avec les produits locaux. Résultat : la
cuisine nikkei (ou péruvo-japonaise)
met l’accent sur la fraîcheur, les
produits crus, les cuissons courtes ou
à la vapeur qui préservent saveurs et
nutriments, les ingrédients puisés aux
répertoires chinois, créole, japonais et
local (gingembre, oignons et légumes
chinois, riz, sauce et pâtes de soja, miso,
poissons, algues…).
DES CHEFS CRÉATIFS ET
MÉDIATIQUES
Le chef
Nobuyuki Matsuhisa
,
multi-
étoilé
Michelin
à la tête d’un véritable
empire (plus de 25 restaurants sur
les cinq continents), figure parmi les
pionniers de cette tendance. Dès les
années 1970, ce Japonais séjourne à
Lima où il ouvre son premier restaurant.
Il sera l’un des premiers à exploiter la
richesse des terroirs péruviens, dont
l’empreinte colorera sa future cuisine,
au confluent de l’Asie et de l’Amérique
du Sud. Celui que l’on surnomme ‘Nobu’
signe ainsi un Bar chilien à la sauce
piment Jalapeño, des Sushis rolls au
thon épicé, du Cabillaud black cod au
miso et yuzu…Un univers culinaire que
l’on peut découvrir, jusqu’à fin mars,
dans un restaurant pop-up au Royal
Monceau Raffles Paris (VIII
e
).
Autre ambassadeur,
Gastón Acurio
exporte son savoir-faire dans douze
pays, au travers de ses 32 restaurants
(
dont Astrid &Gastón, retenu parmi
les 50meilleurs établissements du
classement San Pellegrino). À la fois
businessman et superstar dans son
pays, il compte à son actif une vingtaine
d’ouvrages, une école destinée aux jeunes
défavorisés, plusieurs émissions télévisées
et documentaires…Parmi ses créations,
des ceviches aux influences japonaises,
des currys des Andes, des versions
gastronomiques des anticuchos (les
brochettes vendues dans la rue au Pérou),
associant par exemple morceaux de cœur
de bœuf, pommes de terre frites et maïs
péruvien au piment rocoto, ou encore des
tempuras au chocolat.
VIOLAINE BRISSART
LA TENDANCE DE 2013 ?
La vague péruvienne, portée par la stabilité politique du pays, bénéficie également
de son aspect bénéfique pour la santé. Au-delà des classiques ceviches et tiraditos
(
plat de poisson cru servi dans une sauce épicée), certains chefs servent du quinoa,
le macca (tubercule aux propriétés énergisantes) et même du lama, une viande
sans cholestérol. Selon les spécialistes et autres chasseurs de tendances (dont
les consultants new-yorkais Baum+Whiteman), le Pérou devrait prochainement
s’imposer sur le devant de la scène gastronomique internationale, comme l’atteste
l’éclosion de nombreux restaurants enAmérique, en Europe et enAsie. Une tendance
qui n’a d’ailleurs pas échappé au chef
Ferran Adrià
et à son frère
Alberto
:
leur
restaurant de cuisine nikkei, Pakta, devrait ouvrir ce mois-ci à Barcelone.
À Milan
Erba brusca ou la passion de la cuisine italienne
“
J
’
ai appris à cuisiner en Italie et
j’adore la cuisine italienne. Mais,
dans l’approche de mon métier,
il y a aussi mes souvenirs de vacances
en France et ceux de ma grand-mère
anglaise”,
explique
Alice Delcourt
,
35
ans. Installée à Milan, elle a ouvert
le restaurant Erba brusca avec trois
associés, dont
Cesare Battisti
et
Danilo
Ingannamorte
,
respectivement chef
et sommelier au Ratana, restaurant
tendance de la ville.
“
Nous travaillons avec des produits
locaux, bio si possible”,
précise
Alice Delcourt, qui a puisé dans ses
origines françaises pour créer des
plats comme la terrine de tête de veau
et la Tatin aux oignons, tandis que
les desserts (cheesecake, plumcake)
portent l’empreinte anglo-saxonne.
“
Je me considère comme une cuisinière
italienne sans faire pour autant une
cuisine 100 % italienne. Dans ce pays,
l’utilisation d’un même produit change
d’une région à l’autre. Les Italiens
tiennent à cette disparité, ils en sont
fiers.”
“
L’ENVIE D’APPRENDRE”
Née à Angoulême (16), Alice Delcourt
a quitté la France à l’âge d’un an pour
les États-Unis. Durant son enfance
et son adolescence, elle y retourne
régulièrement pendant les vacances
scolaires avant de découvrir l’Italie à
22
ans, lors d’un séjour linguistique.
“
J’ai
immédiatement aimé ce pays, sa cuisine
et la langue italienne”,
dit-elle. Cinq ans
plus tard, elle abandonne son emploi
dans un cabinet d’avocats new-yorkais
pour s’y installer.
“
Je me suis dirigée vers la cuisine. J’avais
27
ans et l’envie d’apprendre.”
Elle
multiplie les expériences durant sept
ans, d’abord en Italie, puis à Londres au
River Cafe, un restaurant italien tenu
par deux femmes, l’une américaine,
l’autre britannique.
“
Les plats étaient
d’un haut niveau avec des produits de
qualité, beaucoup de saveurs. Je m’en
suis inspirée”,
conclut-elle.
BERNARD DEGIOANNI
Erba brusca
ìeì 0>%-%ì %:-+0-3ì %:)7)Aì ìeì
ì -0%2ìeì 0@ìBì´ì
ì
ì ì ì ì
ìe
© DR
Nobuyuki Matsuhisa
a ouvert son premier
restaurant à Lima.
Alice Delcourt
:
“
J’ai immédiatement aimé ce
pays, sa cuisine et la langue italienne.”
Française par son père, britannique par sa mère, Alice Delcourt est devenue cuisinière en Italie
par amour pour ce pays.