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L’actualité
“
Former, considérer et rémunérer autrement”
Du 20 au 24 janvier, les professionnels, enseignants et institutionnels de Bretagne se mobilisent pour promouvoir la filière.
Une action que l’on doit à l’Éducation nationale et l’Umih Bretagne.
L’académie de Rennes
défend les métiers de la salle
J
amais une région ne s’était mobilisée seule pour
promouvoir les métiers de la salle. Du 20 au
24
janvier, se déroule la première semaine des
métiers de l’hôtellerie et de la restauration en Bretagne,
avec un focus sur la filière des métiers de salle, encore
mal perçue par les jeunes.
“
Nous avons un problème
de recrutement en baccalauréat professionnel pour
les métiers de la salle, face à l’opulence et au nombre
incalculable de demandes en cuisine. Les inscriptions
manquent dès la sortie de troisième. La région compte
2 100
jeunes en formation chaque année, tous diplômes
confondus, dont 800 en salle. Ce dernier chiffre est en
déclin tous les ans”
,
pose d’emblée
SergeMathoux
.
Fraîchement arrivé dans l’académie de Rennes,
l’inspecteur de l’Éducation nationale s’est rapproché
de l’Umih Bretagne et de son président
Rachel Le
Moigne
pour mettre sur pied ce projet insufflé par son
prédécesseur
Olivier Poussard
,
parti dans l’académie
de Nantes. Ensemble, ils ont rassemblé les 17 lycées
et centres de formation publics et privés bretons.
Les chefs d’établissement et les chefs de travaux ont
immédiatement joué le jeu.
DES TEMPS FORTS
Plusieurs temps forts jalonnent cette manifestation.
Tout d’abord, les collégiens en classe de 3
e
ont toute la
semaine pour demander aux 17 établissements un stage
d’observation - ‘Ma semaine en restauration’ - sur les
métiers de la salle.
“
Des séquences au cours desquelles
ils pourront découvrir le métier, échanger avec des
élèves, aborder les objectifs des formations et mieux
connaître les parcours de formation et professionnels.
Des plaquettes ont été envoyées dans tous les collèges. Les
familles doivent être concernées. Cela doit aussi susciter
l’intérêt chez les conseillers d’orientation”
,
explique
Rachel Le Moigne. Lundi 20 janvier, le séminaire ‘Les
arts de la table : des compétences et des savoir-faire à
découvrir. Photographie d’une profession’ était organisé
au lycée hôtelier Yvon Bourges de Dinard (35). Près
de 120 personnes ont répondu à l’invitation. L’idée :
engager une réflexion entre les professionnels du secteur,
ceux de l’enseignement (formateurs, enseignants, chefs
d’établissement) et les institutionnels de la région.
Tous ont la même problématique :
“
unmanque de
candidats”.
Paradoxalement, le Fafih a indiqué lors de
son intervention que
“2 200
postes sont à pourvoir
chaque année en Bretagne”
.
Les 2 100 jeunes formés
ont donc la possibilité de trouver un emploi après leurs
études.
“7 130
offres d’emploi pour les métiers de service
ont été confiées à Pôle emploi dont 64% à temps plein en
2013,
poursuit le Groupement emploi relation formation
(
GREF) de Bretagne
.
Avec 50 000 emplois salariés - et
75 000
en saison -, la Bretagne se place au 6
e
rang des
régions françaises - soit 4,8%de l’emploi salarié de la
région.”
Le secteur est un employeur d’avenir.
VALORISER LES COMPÉTENCES
Quelques pistes sur l’attente des clients face aux métiers
de service ont été données par
BernardBoutboul
(
directeur de Gira Conseil).
“
Vous êtes dans une phase de
transition où il faut tout retranscrire. La demande est en
train de changer, le consommateur aussi. 73%des repas
pris hors domicile coûtent moins de 10 €. Les critères
de choix du client sont le prix, le rythme - rapidité du
service - et le produit. Le critère du rythme revient pour
des repas de 10 à 15 €. Suivent le contact - de 15 à 20 €
-,
le service - de 20 à 30 € -, et l’atmosphère - plus de
50
€. Nous n’avons pas affaire à un consommateur
exigeant, sachant que la restauration de masse est à
moins de 15 €, mais il nous livre unmessage important :
‘
ce n’est pas parce que je suis pressé que je ne veux pas
avoir de la qualité et de l’attention’. Rappelez-vous des
‘4
AS’, qui ne sont pas un objectif mais une condition
pour être un restaurant : accueil souriant, ambiance
sympathique, assiette savoureuse, addition sage.”
Pour
y parvenir, Bernard Boutboul a mis en place un outil,
baptisé Le parcours émotionnel du client, autour de huit
séquences : l’accueil (premier contact), le placement,
la carte (conseils et accompagnement), la prise de
commande, le déroulement du service, la prestation
alimentaire, l’addition (si elle arrive seule ou non), le
départ du client. Chaque séquence doit être travaillée,
selon lui, pour le faire revenir.
“
Au-delà du sourire,
remerciez-le d’être venu et faites tout pour le satisfaire.
Revoyez aussi votre prime-cost [frais de personnel + coût
matière, NDLR] pour former, considérer et rémunérer
autrement vos employés de salle.”
L’après-midi, place à des ateliers collectifs de 45 minutes
autour de trois thématiques, avant de se retrouver
en salle plénière pour une synthèse générale. Le
premier thème, Les compétences à acquérir en centre
de formation et en entreprise, a permis de souligner
“
l’importance de l’intégration du jeune dans une
entreprise. Donnons-lui un questionnaire à remplir sur
l’établissement avant le stage pour attiser sa curiosité.
Cette période de formation est essentielle : valorisons ses
compétences. Nous pouvons préparer les élèves et leurs
parents à l’insertion professionnelle, car ils sont de plus
en plus jeunes. Mais penser aussi à la théâtralisation
pour démythifier le côté solennel.”
Le second sujet,
Les perspectives d’emploi, de carrière et les difficultés
de recrutement, met en avant le fait que les
“
jeunes
veulent organiser leur vie professionnelle à travers
leur vie privée. Comment les garder ? Ils ont besoin de
reconnaissance, d’être dans un environnement qui leur
convient. Les horaires de coupures sont un handicap.
L’intéressement, la rémunération, la formation continue
sont des éléments qui peuvent les fidéliser. Certains
professionnels demandent des outils d’évaluation. Nous
avons le soutien de l’Umih et du Fafih. Apportons aussi
des témoignages des professionnels de la région aux
jeunes formés.”
DÉMONSTRATION À PRORESTEL 2014
Enfin, la dernière thématique, La communication
autour des métiers de la salle - comment agir ensemble,
soumet l’idée
“
de trouver un objet emblématique du
métier. Il faut valoriser le plaisir et les avantages du
métier. Penser à une autre tenue de salle en formation.
Il faudrait revoir le nom limonadier : c’est l’outil qui
Serge Mathoux
,
inspecteur de l’Éducation nationale pour
l’académie de Rennes, et
Rachel Le Moigne
,
président de l’Umih
Bretagne, ont lancé la première semaine des métiers de l’hôtellerie-
restauration en Bretagne.
ILS TÉMOIGNENT
Q
Jean-Baptiste Gailly
,
professeur de
commercialisation et services en restauration au
lycée Yvon Bourges de Dinard (35) :
“
Il était important
que tous les acteurs se rencontrent pour parler d’un
sujet d’avenir. Cela n’était jamais arrivé en dix ans
d’enseignement. Améliorer la communication entre
les professionnels et les formateurs me paraît évident.
Cette journée est déjà un premier pas. Pour ma part,
je transmets ma passion du métier à mes élèves par
le savoir être - la communication - avant d’inculquer
les savoirs ou le savoir-faire. En classe, j’organise des
jeux de rôle, de mime…Je crois qu’il faudrait aussi
développer la poly-compétence : que les jeunes des
métiers de la salle soient plus impliqués en cuisine
pour mieux parler du produit au client.”
Q
Karim Khan-Renault
,
dirigeant du Château
d’Apigné au Rheu (35) :
“
Il faut arrêter de parler
des points négatifs des métiers de la salle. Soyons
positifs auprès des jeunes. Le métier offre un vivier
énorme d’opportunités, permet de voyager, procure
du plaisir. Les conditions de travail se sont améliorées.
C’est aussi un métier de contact et de relation. Il
faut communiquer là-dessus. Au Château d’Apigné,
mes employés de salle ont la possibilité de faire des
formations, en sommellerie par exemple, un lundi par
mois à la faculté des métiers de Rennes. Il faut leur
donner la possibilité de développer leurs compétences
au-delà de ce que nous pouvons offrir.”
Q
Dominique Catoir
,
inspecteur pédagogique
régional de l’académie de Rennes :
“
Ce n’est pas
pour rien que le diplôme commercialisation et
services en restauration, l’un des deux baccalauréats
professionnels en trois ans, a été renommé ainsi après
sa réforme. Je crois que l’on doit insister davantage sur
la notion de commercialisation. Le métier, ce n’est pas
d’être un porteur d’assiette. Il faut des connaissances,
des techniques. M’occupant du BTS hôtellerie-
restauration, je dois aussi souligner que la poursuite
des études dans ce secteur est possible. Tout jeune
entrant en BTS accède plus facilement à des postes
d’encadrement, avec plus d’autonomie.”
s’appelle ainsi. Ce n’est pas vendeur. Pourquoi ne pas
avoir également un ambassadeur de [sa] région, de
[
son] établissement…”
Cette grande mobilisation se termine vendredi par la
finale du concours Master in Services, qui aura lieu à la
faculté des métiers de Ker Lann, à Bruz (35). 44 jeunes
de 11 établissements (sur 17) concourront sous la
présidence de
Yohan Jossier
,
directeur de salle du
Restaurant Régis et Jacques Marcon (3 étoiles
Michelin
à Saint-Bonnet-le-Froid, 43) et trésorier adjoint de Ô
Service des talents de demain, association nationale qui
milite pour valoriser les métiers de service.
“
Le ou la
lauréat(e) fera une démonstration au salon professionnel
Prorestel enmars prochain à Saint-Malo”,
se réjouissent
déjà Serge Mathoux et Rachel Le Moigne. La Bretagne
compte avancer pour promouvoir les métiers.
Professionnels, enseignants du public et du privé, et
institutionnels y sont tous décidés.
HÉLÈNE BINET