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Vie professionnelle
Un investissement de 400 000 €
Equip’Hôtel a initié en 2012 un programme d’accompagnement de futurs talents, chefs ou hôteliers, présidé par Alain Ducasse.
Le propriétaire du Relais des moines, étoilé
Michelin
2013
et bientôt Maître cuisinier, fait partie des professionnels retenus pour
son projet de rénovation. Il vient d’inaugurer la salle du restaurant.
Talents Equip’Hôtel : Sébastien Sanjou, au cœur de l’aventure
E
n pénétrant dans le Relais desmoines,
on traverse d’abord le temps. Cette
ancienne bergerie des Arcs-sur-
Argens (83), devenue auXVI
e
siècle une
cantine tenue par desmoines, a subi les
aléas de l’histoire. Tombée en ruine, elle fut
reconstruite pierre par pierre à l’identique
par des propriétaires passionnés. À la fin
du siècle dernier, un couple de Suisses la
transforme en restaurant. L’homme a été
chef à l’InterContinental de Genève. Une
trentaine de couverts, une cuisine soignée,
un lieu tranquille, niché dans les hauteurs
d’un parc de trois hectares, protégé du va-
et-vient de la circulation et pourtant à cinq
minutes en voiture de la gare des Arcs-
Draguignan. En février 2002,
Sébastien
Sanjou
y déjeune par hasard, avant un
rendez-vous avec une agence immobilière.
Le garçon a seulement 19 ans. Il a obtenu
son BTHà Biarritz (64) et fait des stages à
la Palme d’or à Cannes (06), à l’Ambroisie
à Tarbes (65) ou encore chez
Jacques
Maximin
,
qui l’encourage dans sa
curiosité des saveurs.
Malgré son jeune âge, Sébastien Sanjou
voudrait s’installer. Faire comme ses
parents, restaurateurs en montagne
puis à Saint-Aygulf (83). Lorsqu’il
parcourt les fiches que lui tend l’agent
immobilier, il découvre que le Relais des
moines est à vendre. Les propriétaires
veulent prendre leur retraite. En juin
2002,
soutenu par son père,
Henri
,
qui
a vendu son affaire pour trouver des
fonds, Sébastien Sanjou se lance corps
et âme dans son rêve. Une maison de
caractère qu’il va devoir dompter, avec
la gastronomie pour objectif. Le voici
maître des lieux.
“
Je ne suis jamais
retourné en cuisine depuis ce jour”,
confie
aujourd’hui son père, non sans fierté.
Et pourtant, l’homme était un cuisinier
reconnu, fin saucier dit-on.
Entrer en 2014 dans le Relais des
moines, c’est partager l’aventure d’un
étoilé
Michelin
en se laissant porter
par les nombreux projets qu’il met
en œuvre chez lui avec bonheur. En
2012,
Sébastien Sanjou ne s’attend
pas à recevoir sa première étoile
l’année suivante ; il est toutefois choisi
par Equip’Hôtel pour faire partie
des Talents Equip’Hôtel, un travail
d’accompagnement dédié aux chefs
hôteliers. Le principe,
“
repérer les
futurs talents de demain et les aider
tout au long de la préparation de leur
projet, grâce à la plateforme d’un salon
professionnel et d’un réseau d’experts
et de mentors”,
explique
Corinne
Menegaux
,
directrice générale du
salon, à l’origine du programme.
Sébastien Sanjou, épaulé dans ses
ambitions par son épouse,
Géraldine
,
qu’il a rencontrée sur les bancs du
lycée hôtelier, veut entreprendre une
rénovation structurelle de la bastide. De
la toiture au parking, en passant par la
décoration de la salle, tout en voûtes,
roche, restanque…Une salle pourtant
refaite six ans plus tôt, mais qui ne
correspond plus à la cuisine.
“
CASSER LA PIERRE
OMNIPRÉSENTE”
Depuis dix ans, Sébastien Sanjou se
bat aussi pour obtenir la possibilité de
construire un hôtel d’une douzaine de
chambres dans le parc. La commune
est en pleinemodification du plan local
d’urbanisme. Peut-être une fenêtre va-
t-elle s’ouvrir ? Auprès d’Equip’Hôtel, le
jeune homme souhaite principalement
trouver l’expertise enmatière
d’architecture et de décoration.
“
L’idée était
demoderniser lamaison intelligemment,
d’apporter davantage de confort au client.
La salle est compliquée à aménager
et à décorer. La pierre est partout, les
fondations dans la roche impliquent des
connaissances particulières, il faut jouer
avec les poutres du plafond…”
Thierry
Guérin
,
administrateur des Designer’s
Days et directeur de Dedar France, s’est
prêté au jeu desmentors. Lamoquette
a été retirée au
profit de larges
lattes en chêne
massif teintées
dans un grisé
naturel. Les
chevrons du
plafond ont été
recouverts par
un faux plafond
blanc incrusté de
spots à intensité
variable. La salle
s’étend sur trois
niveaux et peut
recevoir 45 à
60
couverts selon
la disposition : au
niveau central,
des placages
de cuir de couleur taupe clair cachent
jusqu’àmi-hauteur lesmurs de pierre
qui encadrent l’immense cheminée. Des
LEDont été placés entre le cuir et lemur,
éclairant les parties de pierre restant
apparentes.
“
Il fallait trouver lemoyen
de casser la pierre omniprésente dans
l’espace.”
Un résultat tout en douceur. Les
travaux ont débuté en juillet 2013. Les
toilettes ont été agrandies et déplacées
vers l’arrière de la bâtisse, permettant
ainsi la création d’un office pour les
boissons. Isolation, nouvelle chaudière,
climatisation, aménagement d’une
petite table d’hôte à l’entrée de la cuisine,
nouvelle pièce d’accueil avec unmeuble
vestiaire…
En janvier 2014, la première phase de
rénovation est achevée. Mais il faut
encore améliorer le parking, refaire
l’escalier ancien qui grimpe jusqu’au
restaurant. À droite de l’accueil,
deux terrasses s’offrent au regard. La
première va devenir un salon d’hiver
au mobilier modulable afin d’accueillir
des séminaires. La seconde restera une
terrasse découverte où il fait bon écouter
les cigales. Adapter le lieu à plusieurs
clientèles faisait partie du cahier des
charges. En salle, un nappage blanc de
grande qualité, made in France, habille
les tables. Une élégance tout à l’honneur
de la pierre. Quant aux fauteuils, il
aura fallu essayer plusieurs dizaines de
modèles avant de trouver le bon. Un
fauteuil très confortable, style Louis XVI,
en bois teinté relevé d’un liseré doré,
au tissu contemporain. La fin des
travaux est prévue pour juillet 2014.
L’investissement aura alors représenté
400 000
€ hors taxes.
“
IL NE FAUT PAS AVOIR PEUR D’UN
BANQUIER”
Sur le financement, Sébastien Sanjou
tient à faire passer ce message.
“
En 2013,
j’ai changé de banque, de comptable.
Quand je suis arrivé, il y a douze
ans, j’ai eu la chance de trouver une
banquière qui m’a suivi. Quand il a fallu
acheter les murs, trois ans après, elle
m’a prêté la totalité de la somme alors
que les bilans étaient négatifs. Et même
en 2008, quand il y a eu la crise et une
longue traversée du désert durant l’hiver
et que j’ai voulu faire des travaux pour
attirer l’attention, la curiosité, elle m’a de
nouveau fait confiance quand. En 2013,
elle n’était plus dans l’agence. Comme
je n’arrivais pas à avoir en face de moi
une personne qui écoute et comprenne
mon projet, j’ai changé et signé avec une
autre banque parce que j’ai trouvé une
personne qui pensait d’abord terrain. Il
ne faut pas avoir peur d’un banquier.
Il faut savoir parfois se lever et partir.”
Seul bémol, la possible construction
de l’hôtel, toujours dans les tuyaux
municipaux et administratifs.
SYLVIE SOUBES
MICRO À THIERRY GUÉRIN
“
J’ai d’abord travaillé sur des photos du lieu pour
établir une première ébauche, ensuite je me suis
déplacé. C’est une pierre rose qu’il fallait moderniser,
avec un revêtement mural plus innovant, pour casser
le côté trop pierreux qui devient vite étouffant. En
revanche, il fallait rester sur des notes naturelles.
En résumé, comment avoir moins de pierre tout
en la valorisant ? L’autre problématique portait sur
la lumière. Comment la faire entrer ? Quel type de
technique utiliser pour rendre l’espace plus lumineux
et jouer sur des reflets ? Dans un restaurant, la
nécessité de cohérence avec la cuisine s’impose
également. Je suis parti sur une décoration plus douce, dans le respect des matières
naturelles qui permettent que l’assiette soit au centre des regards lorsqu’elle arrive
sur la table. Quant au tissu, nous sommes sur de l’imitation lin, avec des reflets or
et argent très fluides, très légers. En aucun cas le décor ne devait agresser le regard.
Nous voulions que même l’accueil soit fluide.”
Thierry Guérin
,
mentor des
Talents Equip’Hôtel.
Géraldine
et
Sébastien
Sanjou
,
une
complicité qui
date de l’école
hôtelière et
se poursuit
de projet en
projet.
La salle entièrement
refaite du Relais des
moines.