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Où sont les femmes ?
L’irrésistible ascension de Chloé Charles
Paris
Second du chef Bertrand Grébaut chez Septime depuis août dernier, la jeune femme prend ses marques
et gagne en assurance, tout en réfléchissant à sa propre cuisine.
À
26
ans,
ChloéCharles
affiche déjà un solide parcours.
“
J’ai un champ de vision très large, j’ai vu des chefs
très différents dans leur façon de cuisiner.”
Après un
bac littéraire, la jeune femme passe un CAP de cuisine en
apprentissage. Quand elle repense à sa première maison
il y a neuf ans, L’Épi Dupin (Paris VI
e
)
de
François Pas-
teau
,
elle se souvient amusée du placard à oignons où elle
se changeait.
“
J’étais la première et la
seule fille. Le restaurant s’est agrandi
par la suite et le chef a fait installer
un vestiaire pour les filles.”
Inscrite à
Ferrandi en création d’entreprise, elle
effectue un stage chez Lasserre (Paris,
VIII
e
)
avec
Jean-Louis Nomicos
.
Elle
y est encore la seule femme et res-
tera au poisson durant les six mois
de stage, ce qu’elle voit comme une
chance :
“
Il n’y a qu’avec la pratique
que l’on apprend à faire les choses”.
À
L’Astrance (Paris, XVI
e
)
avec
Pascal
Barbot
,
“
un chef qui donne beau-
coup d’opportunités et laisse libre
cours à la créativité de ses employés”
,
Chloé Charles se retrouve pour la
première fois avec des femmes en
cuisine. Chaque soir après le service,
elle ‘refait le match’ avec l’une de
ses collaboratrices, comme elle dit.
“
Nous avions besoin d’analyser ce qui
s’était passé, sans que cela interfère
sur le travail”
,
avant d’ajouter :
“
Si
on exerce la cuisine à ce niveau-là, on
n’est pas des minettes. On a toutes un
côté masculin”.
“
JE SUIS ENFIN SÛRE DE MOI”
Elle travaille ensuite deux ans avec le chef
Samuel Cava-
gnis
au Versance (Paris II
e
),
d’abord au garde-manger,
puis à la pâtisserie.
“
La pâtisserie, c’est indispensable,
même si je préfère largement la cuisine.”
Après un voyage
de deux mois en Australie, la jeune femme trouve une
place à L’Agapé (Paris, XVII
e
),
grâce à Ferrandi. C’est à
cette époque qu’elle rencontre
Bertrand Grébaut
,
chef
du Septime (Paris, XI
e
).
Elle poursuit ensuite à L’Agapé
Substances (Paris, VI
e
)
avec
David Toutain
.
Elle y reste de
septembre 2011 à juillet 2012,
“
ce qui était déjà bien. Avec
la fatigue, le stress et la promiscuité, à la fin je ressemblais
à une loque. Mais je sais pourquoi je l’ai fait : l’ambiance
était extraordinaire, nous formions une fratrie, nous nous
sentions forts tous ensemble. David pouvait être dur et en
même temps très reconnaissant du travail que nous four-
nissions. C’est aussi grâce à cette expérience que je suis
second aujourd’hui.”
Depuis fin août 2012, Chloé Charles
occupe en effet le poste de second de cuisine chez Septime.
“
Il y a une majorité de femmes,
nous sommes quatre pour trois
hommes.”
C’est la première fois
qu’elle est à ce poste et pense l’être
véritablement depuis janvier.
“
Je
suis enfin sûre de moi, je ne prends
pas les erreurs de tout le monde
comme si c’était les miennes. C’est
une gestion, une vision d’ensemble
et une transmission du savoir.”
La
jeune femme se rend compte qu’elle
aime transmettre, expliquer aux ap-
prentis, mais qu’elle apprend d’eux
aussi.
“
En fait, on apprend tout
le temps. C’est un métier manuel,
mais on n’est pas des machines.
J’aime réfléchir à ce que je fais. Mes
plats peuvent être assez intellectua-
lisés. Comme les champignons cuits
dans du café à basse température et
accompagnés d’une crème de jaune
d’œuf que j’ai préparés pour le dîner
de Fulgurance : beaucoup de gens
m’ont dit qu’ils avaient moins aimé
ou qu’ils avaient réfléchi. Il y a des
plats gourmands qui n’amènent
pas à réflexion et il y a des plats
intellectualisés que nous, chefs, fai-
sons de façon égoïste de temps en
temps. J’aurais peur de m’ennuyer sinon.”
Pour l’instant,
Chloé Charles apprend donc tout ce qu’elle peut et se dit
qu’à 30 ans, elle aura sûrement son restaurant.
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CAROLINE MIGNOT
Septime
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“
J’aime réfléchir à ce que je fais. Mes plats
peuvent être assez intellectualisés.”
Il n’y a qu’avec
la pratique que l’on
apprend les choses.
“
”
© FULGURANCES