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Où sont les femmes ?
Après son apprentissage, la jeune femme n’a travaillé que chez des étoilés de la capitale. Une école de l’excellence
qui l’a propulsé à la tête des fourneaux du Saint James.
Virginie Basselot sur la piste aux étoiles
L
e sourire aux lèvres, les cheveux
tirés en chignon,
Virginie
Basselot
ne joue pas les divas.
Pourtant, à 33 ans, les maisons où
elle est passée ont de quoi attiser les
jalousies, mais
elle n’en fait pas des
tonnes. Elle en est fière, sans se vanter.
“
Être chef, ce n’est pas facile. Mais si on
est passionné, on y arrive,
”
dit-elle.
Tout a commencé lorsqu’elle était
petite fille.
“
J’avais 4 ou 5 ans, mon
père tenait une auberge à Pont-
L’Évêque et il cuisinait à la maison.”
Le déclic ?
“
Je l’ai eu vers l’âge de
15
ans”
.
Mais ses parents estiment
que le métier est trop dur. Son père
l’envoie en stage à l’auberge de
l’Abbaye, à Beaumont-en-Auge (14),
chez le chef
Christian Girault
,
réputé
sévère, pensant dégoûter sa fille.
Échec sur toute la ligne : elle s’y plaît.
Elle effectue ensuite ses quatre années
d’apprentissage à Deauville (14), au
Casino et au Ciro’s.
“
J’ÉTAIS QUASIMENT LA SEULE FILLE
EN CUISINE”
À 19 ans, elle entend parler d’une
place au Crillon, à Paris (VIII
e
).
Les
tables étoilées ne sont pas sa priorité,
“
mais une telle opportunité ne pouvait
pas se refuser”
.
Elle débarque donc au
restaurant Les Ambassadeurs, alors
2
étoiles
Michelin
.
“
J’étais quasiment
la seule fille en cuisine. C’était dur.
Subitement, je me retrouvais dans
une grosse brigade où tous les jeunes
étaient en compétition les uns avec
les autres. Certains prédisaient que je
ne dépasserais pas les quinze jours.”
Elle y reste dix-huit mois. Tenace, elle
sort du Crillon en tant que premier
commis tournant.
Guy Martin
,
le chef du Grand Véfour
(
Paris, I
er
),
l’accueille alors dans sa
brigade. Virginie Basselot y peaufine
son savoir-faire. “
L’endroit était
magique
.
J’y étais juste avant que le
chef ne décroche sa troisième étoile.”
Une dynamique qui la motive et la
propulse dans la garde rapprochée de
Guy Martin. Elle l’accompagne cinq
fois au Japon en l’espace de trois ans.
“
Les voyages ouvrent l’esprit et les
changements de maison permettent
d’apprendre beaucoup de techniques.”
À l’orée des années 2000, elle songe
à quitter le Grand Véfour, où elle est
chef de partie entremets. Elle sollicite
et rencontre le chef
Éric Fréchon
,
alors 2 étoiles au Bristol (Paris, VIII
e
).
Elle intègre les cuisines du palace en
tant que chef de partie garde-manger.
Assoiffée de savoir, perfectionniste,
elle acquiert les réflexes des grands.
Elle reste neuf ans au Bristol, où elle
devient premier sous-chef en 2010.
Malgré cela, bouger devient une
nécessité.
“
Dans un premier temps,
j’ai voulu m’installer à mon compte à
Paris.”
Mais son père et Éric Fréchon
l’en dissuadent. Elle se donne alors
un an pour trouver une place de
chef
“
dans un hôtel non standardisé,
d’une taille pas trop imposante”
.
Le Saint James la sollicite en mai
dernier :
“
Lors de ma première visite,
le Saint James m’a rappelé le manoir
de famille dans lequel mon père a
travaillé en Normandie”
.
Dans ce
Relais & Châteaux de 48 chambres,
Virginie Basselot s’occupe de la cuisine
du restaurant, du bar, des banquets et
du room service.
“
La brigade du Saint
James compte 20 personnes en cuisine
et 15 en salle. Ce qui permet plus de
proximité et moins de rigidité.”
“
J’AIME RESTER DANS LES CLASSIQUES”
Sa cuisine ? “
Elle est simple. Je mets
le produit en avant et j’essaie de créer
des assiettes que l’on comprend vite
.”
C’est le cas du Merlan de ligne façon
grenobloise, avec rattes écrasées au
combava, ou du Dos de cabillaud
cuit au plat avec légumes primeurs et
beurre citron-mélisse. “
J’aime rester
dans les classiques. Ils sont parfaits
à la base et on aime les retrouver
sur une carte.”
Une carte qui évolue
toute l’année, au fil de ses idées et des
produits de ses fournisseurs.
Au Saint James dès 9 heures dumatin,
Virginie Basselot repart rarement
avant 23 heures. Passionnée, son
moteur, c’est la satisfaction de la
clientèle,
le sourire sur les visages.
Surtout le soir, lorsqu’elle vient en
salle après le service. Un dernier tour
de piste avant d’enfourcher sa moto,
“
symbole de liberté”
,
pour se déplacer
dans un Paris qu’elle a désormais
conquis.
ANNE EVEILLARD
Saint James Paris
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Depuis mai 2012,
Virginie Basselot
supervise la cuisine du restaurant, du bar,
des banquets et du room service du Saint
James, à Paris (XVI
e
).
AP