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wpe289.jpg (754 octets)Ecoscopie

L'euro dans les CHR

Le changement de repères

Les professionnels du tourisme et de la restauration ont passé, comme ailleurs, avec succès le passage à l'euro. Pour autant, si l'aspect technique est bien maîtrisé, on ne mesure encore que très faiblement les effets induits et les conséquences psychologiques de la monnaie unique sur les consommateurs européens et sur leurs actes d'achat, y compris en hôtellerie.

Christelle Corsin et Philippe Garon

BilletsEuros.JPG (3954 octets)Si l'euro a connu dès ses débuts de nombreux euro-sceptiques ou europhobes, les professionnels du tourisme n'ont pas été de ceux-là. Ils ont trop bien compris ce que la monnaie européenne pouvait leur apporter : suppression des commissions de change dans les 12 pays de la zone euro, simplification, facilité dans la comparaison des prix.
Avant, avec 1 000 francs en poche, un touriste traversant 6 pays voyait s'évaporer sans rien acheter, environ 500 francs en commissions de change. La monnaie unique a été vite acquise dans le pôle touristique. Mais contrairement à d'autres secteurs, comme les banques, l'automobile ou la grande distribution, qui préparaient cet événement depuis 2 à 3 ans, le secteur des CHR s'en est préoccupé plutôt tardivement. Ils n'étaient que 10 % à avoir adopté le double affichage de leurs prix fin 2000, dont majoritairement en hôtellerie. Les autres ont attendu le dernier moment pour le faire en 2001.  

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Préoccupation sur le tard
Même les grands réseaux, chaînes hôtelières ou chaînes de restaurants, ne se sont appliqués à déterminer une stratégie et une tactique face à l'euro que sur le tard, vers la fin du premier semestre de l'année passée. Force est de constater que de nombreuses aides aux entreprises avaient été mises en place pour faciliter la tâche des professionnels. Ainsi, furent-ils nombreux parmi les indépendants à bénéficier des conseils et du soutien des CCI. "Depuis 1998, nous organisons des réunions thématiques à l'attention de nos ressortissants, en partenariat avec de nombreux corps de métier tels que les experts-comptables, la Banque de France...", explique Pascal Ferreira, chargé de l'Observatoire euro à la CCI de Châlon-sur-Saône. L'Hôtellerie a consacré chaque semaine du dernier trimestre 2001, une page pratique au sujet. Pour un professionnel, il est difficile de prétendre qu'il n'a pas eu les moyens de s'informer. Les sites Internet, l'édition de brochures par les banques, la distribution de convertisseurs et le relais des médias, ont été autant de moyens qui ont contribué à installer l'euro dans les meilleures conditions. Avec même parfois une saturation d'informations. "Nous avons assisté à une inflation des réunions d'informations sur l'euro : les assurances, la poste, etc. Chaque organisme et partenaire communiquait. Les commerçants ont assisté en moyenne à deux réunions, mais ils ne pouvaient passer leur temps à cela", commente un directeur d'agence bancaire. Pour les plus grands groupes, des formations spécialisées sur l'euro ont parfois été organisées en interne et démultipliées de façon pyramidale et méthodique, comme ce fut le cas chez Envergure. On a nommé un peu partout dans les groupes des 'Monsieur ou Madame euro'. Mais les plus grands n'ont pas eu le monopole de la préparation à la monnaie unique. D'autres sociétés, comme le groupe d'hôtels parisiens Astotel ont, quant à elles, choisi de faire appel à des consultants-formateurs en externe, qui ont œuvré durant plusieurs mois.

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En hôtellerie, les effets du changement de monnaie ont été moins sensibles.

Quelques zones d'ombre
Même si le bilan reste globalement positif, quelques tourments sont encore à l'ordre du jour chez les professionnels. "Depuis début janvier, quelques commerçants s'inquiètent quant à la conformité de l'affichage de leurs prix par rapport aux arrondis", explique un fonctionnaire. Comme beaucoup de ses confrères, Samia Ghamni, du restaurant Le Mazagran à Paris, "a respecté la règle des arrondis du deuxième chiffre après la virgule". On accuse aussi les commerçants d'avoir profité de l'écran de fumée du passage à l'euro pour donner un coup de pouce à leurs prix. Si les faits sont constatés, on ne sait pas s'il s'agit de rattrapages, d'augmentations habituelles de début d'année ou encore 'd'abus de fragilité du consommateur'. Quant à l'exercice périlleux du rendu de monnaie entre francs et euros, si les restaurateurs ont pu, comme tous les commerçants, favoriser les paiements par carte bancaire, les cafetiers ont souvent servi de bureau de change. En hôtellerie, les effets du changement de monnaie ont été moins sensibles dans la mesure où "les règlements en espèces représentent entre 11 à 18 % de la totalité des encaissements", observe Alain Bouchart, responsable de l'euro pour le groupe Envergure. Ainsi, les difficultés s'avèrent minimes selon les professionnels.
De l'autre côté de la barrière, "les clients ne semblent pas perturbés par ce changement de monnaie", ajoute-t-il. Si techniquement l'euro a été parfaitement adopté par les professionnels, on mesure encore mal l'impact psychologique de la nouvelle monnaie qui gomme toutes les références précédemment connues. "Les gens n'ont pas encore les repères, nous sommes dans une période de calage", explique Pascal Peyrat, directeur général de la chaîne Best Western en France.

De nouveaux repères à créer
Situation inattendue, on observe que l'euro a tendance à rétracter les écarts de prix entre les moins chers et les plus chers des produits ou prestations. Ainsi, dans l'hôtellerie économique, où le prix est un facteur déterminant pour la clientèle, on trouvait en moyenne en 2001, 30 francs d'écart pour une chambre entre Formule 1 et ses concurrents les plus proches. Avec la nouvelle monnaie, cet écart n'est plus que de 4,5 E. C'est toujours la même somme, mais psychologiquement, ce n'est plus pareil. Et cette faible différence tarifaire va aller au bénéfice du prestataire le plus cher pour un pan de la clientèle, dès lors que son offre est plus riche. Ainsi, les transferts risquent de se faire tant entre les chaînes ayant des différences tarifaires jusque-là significatives, qu'entre les catégories. Ce phénomène profitera aussi dans un premier temps aux établissements de chaînes qui sont plus chers que les indépendants d'environ 20 %, toutes catégories confondues, selon une étude de Coach Omnium. Les marques connues vont recueillir plus de clients que les marques inconnues, par cette différenciation restreinte de prix psychologiques. Il en va de même au sein d'un hôtel qui a des chambres haut de gamme qui seront plus faciles à vendre que les chambres standard.

Des pourboires
au petit bonheur la chance

PiecesEuros.JPG (4867 octets)Comme pour le denier du culte où le revenu moyen des quêtes dans les églises s'effondre chaque dimanche, les personnels des cafés et des restaurants semblent inquiets en voyant le montant des pourboires se réduire depuis janvier. Comme en témoigne Frédéric Duchesne, un des responsables de la Brasserie Flore à Lille :
"Le personnel fait grise mine en fin de journée, car les pourboires sont moins généreux. Les clients laissent un euro alors qu'ils donnaient 10 francs auparavant." Une étude de Coach Omnium confirmait que le montant moyen d'un pourboire au restaurant est de 10 francs, laissé régulièrement par un client sur deux, et occasionnellement par un client sur quatre. Toutefois, le problème semble doucement s'enrayer. "Les gens ne savaient plus combien attribuer les premiers jours. L'équilibre s'est fait rapidement, aujourd'hui, nous ne voyons aucune différence. D'autant que l'incidence s'est faite tant à la hausse qu'à la baisse", commente Camille Fouquet du Café de l'Opéra à Toulouse.
Il est vrai que la pièce bicolore de 1 euro se confond dans les esprits avec celle de 10 francs. Ce phénomène de redressement, commun à tous les membres de l'Euroland, semble faire aussi des heureux. Ainsi, le journal néerlandais De Volkskrant faisait écho de la satisfaction d'un livreur de pizza : "Avant je recevais 3 florins de pourboire, maintenant les gens donnent 3 euros. C'est plus du double !"

Une hausse espérée de volume d'affaires
Tout ceci s'opérera dans un premier temps jusqu'à ce que les consommateurs se remettent en tête de nouvelles références, ce qui prendra au plus 6 mois en restauration, mais quasiment 18 mois en hôtellerie pour la clientèle occasionnelle. Enfin, la disparition totale du franc fera revenir les prix sur les arrondis. D'autant plus que les centimes d'euros, au-delà du premier chiffre après la virgule, ne sont pas populaires en France, ce qui pose un vrai problème chez les cafetiers. Le tourisme français pourrait trouver dans l'arrivée de l'euro une véritable opportunité pour se développer, grâce à l'accélération des échanges touristiques en Europe. "Les taux de change disparaissant, les clients auront une meilleure lisibilité des prix et pourront les comparer", commente un professionnel. Et ceci au profit des hôteliers de l'Hexagone. "La monnaie unique va démontrer aux étrangers que la France propose les prix affichés hôteliers les plus compétitifs d'Europe, par rapport à la prestation fournie", explique Alain Bouchart. Et un confrère d'ajouter : "Certains touristes privilégieront peut-être davantage l'hôtel, type d'hébergement qu'ils n'utilisaient pas auparavant."  

Bénéfice pour les touristes internationaux
Le passage d'un pays à l'autre avec la même devise en poche, ne devrait pas manquer de séduire de nombreux touristes internationaux tels que les Japonais ou les Américains. Ils effectuent souvent dans un même voyage la visite de plusieurs pays européens, et sauront apprécier cette simplification. D'autant plus qu'avec un euro plus proche du dollar que les anciennes monnaies nationales, ils auront des références plus précises. Reste que pour l'heure, au dire de nombreux professionnels, il est trop tôt pour mesurer les vraies incidences de l'euro. On navigue encore sans carte, ni compas, ni boussole. La monnaie unique touchant 300 millions d'Européens étant une première mondiale. Pourtant, on en est sûr, les professionnels du tourisme disent en avoir assez que l'on parle de l'euro. "Ça suffit, on a fait le pas, on a compris ce qu'il fallait faire. A présent, nous avons envie de passer à autre chose", soupire Jean-Etienne Pierrefitte, qui dirige un grand hôtel. D'autant que la profession est actuellement préoccupée par un autre événement autrement plus bouleversant : la réduction du temps de travail qui n'a pas fini de lui faire faire un sang d'encre. n zzz20a

Combien a coûté le passage à l'euro ?

Le coût engendré par le changement de monnaie est difficile à évaluer, tant il est variable en fonction de la nature de l'activité des commerces, des modes de paiement par la clientèle et de leur taille. Aux charges directes, s'ajoutent de nombreux faux frais. Ce sont tout d'abord les dépenses liées aux mises à jour des logiciels informatiques de comptabilité, d'exploitation et de monétique qui ont entraîné les frais les plus élevés. Avec un terminal de paiement électronique, c'est entre 760 et 910 E qu'il fallait compter. Certains exploitants ont d'ailleurs revu leur contrat avec leur banque, préférant des formules locatives aux acquisitions. Le coût lié à la modification des logiciels hôteliers atteint entre 1 000 et 4 900 E pour les réseaux hôteliers. Les autres fonctions de l'entreprise telles que les services du personnel, comptable ou commercial, ont, quant à eux, puisé dans leur budget. Basculer une comptabilité en euros coûtait facilement 6 000 E pour une petite PME. Par ailleurs, la plupart des entreprises dans les CHR se sont organisées pour faire passer les budgets liés aux formations des équipes à l'euro en frais de formation auprès du Fafih. Il en a été de même pour celles qui ont fait appel à un consultant extérieur, qui demande entre 760 et 900 E par jour.

Coûts indirects raisonnables
De nombreux frais annexes ont été à rajouter à la note : affichages des prix sur les portes dans les hôtels, nouvelles cartes pour les restaurants, sans compter le temps passé à la préparation de cet événement. Force est de constater que la majorité des entreprises dans les CHR, quelle que soit leur taille, n'a pas jugé les coûts liés à cet événement excessif. "Nous pratiquons une modulation tarifaire avec deux changements de prix dans l'année. Nous avons donc profité de la dernière modulation pour afficher nos tarifs en euros, et modifier nos affichages ainsi que nos supports commerciaux, pour ne pas générer de coûts supplémentaires", illustre-t-on chez Envergure.


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L'Hôtellerie n° 2759 Magazine 7 Mars 2002 Copyright ©

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