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Les restaurateurs à l'heure du zapping

Touristes et Dieppois se sont appropriés le quai Henri IV à Dieppe : nouvel axe de promenade naguère occupé par le site d'embarquement du ferry Dieppe-Newhaven. Entre la foule de l'été et les hivers plus calmes, les professionnels s'adaptent. Avec succès.

m Lydie Anastassion

StationBalneaire.JPG (6246 octets)Sur le quai Henri IV à Dieppe, en Seine-Maritime, la restauration tient le haut du pavé. 28 brasseries, cafés ou restaurants cohabitent avec une boulangerie, une boucherie et un glacier. Une dizaine d'autres commerces sont des magasins de vêtements, de brocanteurs ou de modélisme. Tous les week-ends, en saison ou non, mais surtout quand il ne pleut pas, le quai est recouvert de monde. Depuis l'achèvement de sa rénovation en 1999 (lire encadré p.48), "le quai est devenu la carte postale de la ville", selon les termes d'Isabelle Gattaz, du service de développement économique de la mairie de Dieppe.
Après les travaux, les professionnels ont ajouté des extensions, des vérandas dures ou moins dures, certains multipliant quasiment par deux la capacité de leur établissement. Ceux qui n'ont pas eu le droit de s'agrandir ont consolidé les terrasses qu'ils exploitaient en été. "Au début, les commerçants ont eu peur de perdre la clientèle du ferry, principalement des Anglais, mais peu à peu, ils ont récupéré d'autres clients", explique Isabelle Gattaz. Il y a 6 ans, Bruno Boudet a repris La Marine, un bar de nuit, situé vers le bout du quai. 1 million de francs d'investissements après, il l'a transformé en restaurant et s'est constitué une nouvelle clientèle. En saison, et lorsqu'il fait beau, la terrasse lui permet d'installer 120 places à l'extérieur, portant à 270 places la capacité totale de l'établissement. "Quand le soleil brille, c'est nous qui travaillons le plus", commente-t-il. Dans son restaurant, le ticket moyen est de 110 francs pour une moyenne, en saison, de 200 à 250 couverts par jour selon la météo. Lorsque le temps est moins clément, les extensions couvertes des autres restaurants font le plein les premières. Comme au Tout Va Bien, situé à l'opposé, au début du quai.

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Le Tout Va Bien réalise 340 à 350 couverts le midi en été avec une moyenne à l'année de 140 couverts par jour.

L'effet RTT
Yves Gonnet exploite le Tout Va Bien depuis 4 ans. "Je me suis installé ici à cause du projet de rénovation du quai", explique-t-il. Et il ne le regrette pas. Depuis son installation, le ticket moyen par client est passé de 88 francs à 135 francs et son chiffre d'affaires a été multiplié par 4. Pour lui, cette année est particulièrement bonne. "Depuis le 1er avril, nous travaillons bien. Le nombre de touristes augmente ainsi que la qualité de nos clients. En plus, nous bénéficions des RTT de Paris mais aussi de Rouen. Cela se voit dès le jeudi." Au Tout Va Bien, le menu le plus cher est à 155 francs. L'établissement réalise 340 à 350 couverts le midi en été avec une moyenne à l'année de 140 couverts par jour. Avec les 35 heures, une nouvelle forme de consommateurs vient arpenter le quai : les consommateurs zappeurs. Ils mangent des moules, mais ne dédaignent pas une sole ou un plateau de fruits de mer quand ils ont le temps. "La demande en plat unique s'est accrue. Certains clients préfèrent aller prendre le café sur une terrasse. En plus, ils sont de plus en plus nombreux à faire attention à leur ligne, délaissant les crèmes, commente Yves Gonnet, et ne prennent plus d'apéritif."
Indétronables, les moules-frites figurent au hit-parade des plats les plus vendus. "Les gens viennent à Dieppe pour 4 à 5 repas, et une fois sur deux, ils prennent des moules. Le dimanche, c'est flagrant, ils en prennent à 90 % car ils sont sur le départ", poursuit Yves Gonnet. Au fil des saisons, les restaurateurs ont élargi la palette. Moules farcies et autres cassolettes élaborées concurrencent désormais la traditionnelle moule marinière. Quant à la moule à la crème, elle fait presque figure de produit d'appel. A La Marine, les prix s'étalent de 38 francs (moule marinière avec, des frites) à 50 francs avec, entre les deux, une offre diversifiée d'accompagnement de sauces. "Lorsque nous n'avons pas de moules, nous perdons des couverts. Tous les types de clients, y compris les plus aisés, veulent en manger", explique Bruno Boudet. Quant à Yves Gonnet, il ne voulait pas au départ trop faire de moules. "Je fais les moules les plus chères, 55 francs le litre. J'avais fixé ce prix pour ne pas faire que cela, mais ça n'a eu aucune répercussion sur la demande", explique le restaurateur. Un samedi du mois d'août, il a vendu une quinzaine de sacs.

Rapide et pas cher
Une nouvelle offre grignote peu à peu du terrain : la restauration rapide, sur place ou à emporter. Deux établissements ont investi ce créneau : Twist and Crok depuis 1997 et l'Orient Express en 2001. "Chez nous, les familles peuvent manger un repas pour une addition de 300 francs", explique Monsieur Salar de Twist and Crok. Au menu : sandwiches, salades, plats chauds et... moules-frites. Les moins chères de la ville selon le restaurateur : 35 francs pour les marinières avec des frites et 40 francs pour les moules à la crème. "Les ventes à emporter constituent la part la plus importante de notre activité", ajoute le responsable. D'autant plus que dès que le mercure grimpe au-dessus de 25 °C, les touristes préfèrent, selon lui, manger sur la plage, juste derrière. "Un service à tout heure, rapide, pas cher et varié", Danila Alexandre résume la demande des clients. Pour y répondre, la patronne de l'Ankara, un restaurant de spécialités turques, situé rue de la Rade, a ouvert l'Orient Express au printemps dernier. "J'avais constaté que l'été, nous ne bénéficions pas du passage des visiteurs du quai car nous sommes situés un peu en retrait. Avec l'Orient Express, nous complétons notre offre", explique Danila Alexandre. Les pizzas sont à 60 francs, les kebabs à l'assiette à 50 francs, et les sandwiches à emporter, qui représentent l'essentiel des ventes, à 25 francs. "Les gens sont consommateurs. A l'Orient Express, nous travaillons avec une clientèle de passage, citadine et plutôt jeune." Si sa carte ne propose pas de moules, les frites accompagnent les kebabs. "Il faut vendre ce qui se vend", commente-t-elle encore.

Carafes d'eau
Et la gastronomie ? Michel Mouny, propriétaire du Restaurant du Port et installé depuis 25 ans sur le quai, semble plus réservé sur l'année en cours : "Le ticket moyen est très moyen, surtout en ce qui concerne la clientèle française. Les touristes étrangers dépensent environ 250 à 300 francs par personne, contre 180 à 200 francs pour les Français. Et il y a beaucoup de carafes d'eau. Quant aux touristes qui résident dans les campings et qui, avant, venaient au minimum une fois par mois, on les voit de moins en moins." Thierry Perlant, lui, apporte systématiquement une carafe d'eau à ses clients. Il exploite le glacier Le Quai des Glaces et préside le Comité du bout du quai, une association qui regroupe 27 commerçants. Contrairement à ses voisins restaurateurs, il travaille peu au moment des repas, "sauf avec les Belges et les Anglais qui mangent des glaces à n'importe quelle heure". Il réalise plus de ventes en terrasse que de ventes à emporter car il n'a pas installé de meuble à glaces à l'extérieur de sa boutique. Chez lui, le ticket moyen est de 40 francs, le prix d'une glace allant de 12 à 50 francs. L'hiver, il repositionne son offre autour des gaufres et ne travaille que le week-end.

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Michel Mouny, propriétaire du Restaurant du Port, et installé depuis 25 ans sur le quai.

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Thierry Perlant exploite le Quai des Glaces.


A la mi-septembre - plus tard si la météo est bonne -, les touristes laissent la place à une clientèle régionale. Pour certains professionnels, la réduction de l'activité est sensible. Hors saison, l'équipe estivale de 18 salariés de La Marine chute à 4 personnes. Le Quai des Glaces repositionne son offre autour des gaufres et ne travaille que le week-end. Quant à Danila Alexandre, elle compte suspendre l'activité de l'Orient Express durant la basse saison. Une baisse d'activité, sur le quai, qui peut expliquer en partie l'absence d'enseigne franchisée. "Je pense que les investisseurs doivent venir voir comment cela se passe. De toute façon, il n'est pas certain qu'une enseigne nationale fasse mieux que nous", conclut Yves Gonnet. n zzz22v

Un nouveau port de plaisance

PortPlaisance.JPG (5326 octets)Si, selon Yves Gonnet du Tout Va Bien, les plaisanciers fréquentent peu les restaurants du quai Henri IV, ils contribuent néanmoins à leur succès en attirant des promeneurs.
Le nouveau port de plaisance Jehan Ango a remplacé le terminal d'embarquement du ferry Dieppe-Newhaven. Il présente la particularité d'être accessible 24 heures sur 24 par tout type de mer.

"Ce changement méritait d'être accompagné en termes d'aménagement urbain. Le quai a été transformé en un axe de promenade avec un trottoir élargi, pour permettre l'extension des surfaces commerciales et une circulation à sens unique", explique Isabelle Gattaz du service de développement économique de la ville. Du coup, les enseignes ont gagné en visibilité. Un plan lumières a été mis en place ainsi qu'un plan de rénovation des façades.
Quant à la gare maritime, elle a été installée en 1994 sur le port extérieur. Suspendue pendant 2 ans, la liaison permanente (fret et passagers) avec l'Angleterre fonctionne de nouveau d'avril à octobre, assurée par Transmanche Ferries. Il y a quelques mois, le conseil général a racheté le port anglais de Newhaven jusque-là privé.

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Ailleurs, en France
w A Quiberville (Seine-Maritime)
Sylvie Goncalves exploite depuis de 2 ans L'Huîtrière, un hôtel-restaurant en bord de mer. Elle a mis en place trois formules : le restaurant, la brasserie et la terrasse.
"Mon restaurant est ouvert 10 mois par an. Je fais plusieurs cartes dans l'année tout en gardant les incontournables. Je suis en front de mer et je vends énormément de plateaux et d'assiettes de fruits de mer. Les salades de mer proposées en terrasse fonctionnent également très bien", explique la patronne. Elle poursuit : "L'hôtel est plein tous les samedis soirs. Sur les 12 chambres, j'ai au mieux 6 personnes qui mangent au restaurant."

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Sylvie Goncalves.

w A Argelès (Pyrénées-Orientales)
Alain Bastus est propriétaire du restaurant Le Jardin de la Mer à Argelès dans les Pyrénées-Orientales. Il s'est installé en 1984, et depuis, il a dû "changer trois fois son fusil d'épaule", comme il l'explique. "J'avais au début tablé sur un gril de poissons. Petit à petit, je suis passé à une restauration plus traditionnelle. Finalement, la partie brasserie de mon établissement s'est développée au détriment de celle du restaurant pour représenter en surface la moitié de l'exploitation."
Il poursuit : "Les Français ont le ticket moyen le plus bas à 90-95 francs pour la brasserie. En revanche, les étrangers dépensent en moyenne 150 francs. Pour le restaurant, il faut compter entre 200 et 240 francs. Les comportements ont évolué, les gens restent moins à table et le repas n'est plus une priorité", poursuit-il, avant d'ajouter : "J'ai l'impression que les clients ne voient pas la différence entre les divers systèmes de restauration."

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L'Hôtellerie n° 2738 Magazine 4 Octobre 2001

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