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L'hôtel du futur

Plus de service, plus de technologie,plus de personnalisation

Les hôtels 'W' seront-ils toujours aussi 'intemporels' dans 10 ou 20 ans ? Qui remplacera la clientèle des hôtels Four Seasons, toujours fidèle, mais un peu vieillissante ? Tout le monde aura-t-il vraiment envie de réserver sa chambre d'hôtel depuis son 'Palm Pilot' ? Les dirigeants des chaînes internationales, les hommes de marketing, se posent la question. Tous cherchent à comprendre ce qu'attendront les clients de l'hôtellerie pour mieux répondre à leurs besoins et mettre au point l'hôtel du XXIe siècle. Tour de table.

m Alix Le Naour, d'après The International Herald Tribune du vendredi 6 avril 2001
Titre original : Future face of the hotels : industry looks for right formula by Aline Sullivan

De toute évidence, les avis sont très partagés, et l'on peine à trouver la formule magique qui définirait l'hôtel du XXIe siècle ! Ian Schrager, créateur de lieux 'très branchés' aux Etats-Unis, voit l'avenir de l'hôtellerie dans les Boutiques Hôtel, tandis que Barry Sternlicht, à la tête du groupe Starwood (Sheraton, Westin, St Regis Hotel, W, Ciga), trouve ce concept déjà dépassé. Chris Cahill, président des hôtels Fairmont et Resorts (Le Château Frontenac au Québec, le Plaza à New York...), met en avant le regain d'intérêt qu'il croit percevoir chez les clients pour les grands hôtels traditionnels, implantés de longue date, et qui, plus qu'un label, constituent un nouveau repère pour leur clientèle. Quoi qu'il en soit, Isadore Sharp, de la chaîne Four Seasons, reste convaincu qu'un service de grande qualité - seul moyen de satisfaire les clients - sera encore et toujours la clé de la réussite. Bien sûr, les avis émanent de professionnels très impliqués dans des projets d'entreprise différents, installés sur des créneaux distincts, et leur analyse est le plus souvent en phase avec la stratégie de l'entreprise qu'ils gèrent. Points de vue différents, certes, mais peut-être pas si contradictoires que ça... Tous, de par leur implication et leur position dans le secteur de l'hôtellerie internationale, ont aujourd'hui beaucoup à perdre si une évolution rapide de la demande venait à se produire sans qu'ils l'aient anticipée.
Aussi, conscients des enjeux, ils réfléchissent aux concepts de demain. En tant que leaders sur un marché de plus en plus exigeant, ils se doivent de rester à la pointe, même si leur position est qualifiée d'avant-gardiste. Comment certains des plus importants acteurs de l'hôtellerie internationale imaginent-ils l'hôtel de demain ? Réponses.


Pour Isadore Sharp, directeur général des hôtels Four Seasons, "le service restera la première préoccupation".

Un bouleversement dans le secteur
C'est ce que Ian Schrager prévoit à court terme. Fondateur de la célèbre boîte de nuit new-yorkaise Studio 54 dans les années 70, il est aujourd'hui propriétaire d'une douzaine d'hôtels dans le monde, tous très novateurs lors de leur création (le Mondrian à Los Angeles, le Sanderson à Londres, le Delano à Miami, ou encore l'Hudson à New York). "Il existe aujourd'hui une nouvelle tendance qui n'a plus rien à voir avec le marché de masse ni avec les hôtels qui étaient de véritables institutions, et qui ont dominé ces 70 dernières années. Les hôtels deviennent de plus en plus originaux, de plus en plus sophistiqués. L'uniformisation n'est plus au goût du jour, et les gens ne vont pas continuer à descendre dans des hôtels de chaînes encore longtemps." Ian Schrager est convaincu que la clientèle, de tourisme comme d'affaires, va au contraire se tourner vers des hôtels uniques, qui reflètent son mode de vie. Et c'est bien là l'esprit du slogan de sa société : "Vous êtes où vous dormez."

L'ère des nouvelles technologies
Pour arriver à cela, il faut repenser les espaces, refaire des halls d'hôtels de véritables lieux de vie et de rencontres, concevoir des chambres interactives, équipées de toutes les nouvelles technologies pour permettre aux hôtes de communiquer facilement avec le monde entier depuis leur chambre. Refléter un mode de vie... "J'imagine également l'hôtel comme une nouvelle manière de vivre. On va être amené à se déplacer de plus en plus souvent, et il est probable que des familles entières viendront habiter à l'hôtel, ou des célibataires très occupés par leur travail. Après tout, l'hôtel c'est aussi une manière simple et tranquille de mener sa vie. Tout est organisé pour vous, et le temps libre y est vraiment libre."
Paul Mc Manus, président de la chaîne Leading Hotels of the World qui compte aujourd'hui 380 membres - hôteliers indépendants pour la plupart - un peu partout dans le monde, pense lui aussi, et ça tombe bien, que les hôtels indépendants ont devant eux un bel avenir.
Comme Ian Schrager, qui pense que ceux-ci ont à miser sur le développement des nouvelles technologies pour concurrencer les chaînes (gestion plus rapide et efficace des comptes-clients, entièrement automatisés, installation dans toutes les chambres d'hôtel de télévisions interactives permettant aux clients d'accéder à Internet depuis leur lit grâce à une simple télécommande !).
Barry Sternlicht a un point de vue bien différent. Il est convaincu que les labels de chaîne prendront de plus en plus de valeur. "Les clients qui voyagent à travers le monde n'auront pas envie de passer d'hôtel en hôtel, de se réadapter à chaque fois à un tout nouvel espace, dit-il. Ils voudront pouvoir être sûrs de retrouver partout où ils descendront un certain type d'équipements ou d'aménagements comme, par exemple, des halls d'hôtels configurés comme de véritables lieux de rendez-vous, comme c'est le cas dans tous les hôtels W. Ils voudront être certains de retrouver à chaque fois un service qui approche la perfection comme au St Regis Hotel ! D'une manière plus générale, ils souhaiteront bénéficier des avantages que présente une 'marque' d'hôtel qui, seule, a les moyens de mettre en place des programmes efficaces pour fidéliser une clientèle, de constituer des bases de données élaborées, pour permettre de bien la connaître." Barry Sternlicht estime également que les hôtels devront être de plus en plus informatisés. Il faudra imaginer de nouveaux systèmes de réservations qui permettront de traiter plus directement et presque totalement avec les entreprises des clients, afin de leur éviter toute la paperasse à laquelle on n'est pas encore aujourd'hui dispensé quand on arrive dans un hôtel où l'on a pourtant déjà effectué réservation et paiement. Il voit aussi plus simplement des espaces plus étendus, des salles de bains et des chambres plus grandes. Mais le service gardera sa place de premier rang : "Toutefois, malgré tous les systèmes les plus perfectionnés que l'on pourra imaginer, certaines choses ne changeront pas : j'imagine mal un ordinateur faire un lit à la place d'une femme de chambre..."

Plus de service
Il rejoint sur ce point Isadore Sharp, directeur général des hôtels Four Seasons, qui pense que les hôtels de sa chaîne devront doubler dans les dix ans à venir (on en compte déjà 51 dans 23 pays différents). "Le service restera, j'en suis sûr, la priorité numéro un des hôtels de chaînes. Il est vrai qu'une évolution aura lieu, qui suivra l'évolution démographique de notre clientèle, mais notre image conservera ses avantages pratiques d'un produit quelque peu uniformisé, mais rassurant, qui s'adressera à une clientèle haut de gamme. Le service restera la première préoccupation." Il conçoit l'hôtel de demain comme un hôtel plus facile à vivre, plus simple pour le client, à tout point de vue : on pourra réserver, faire le check-in ou bien réserver en drive-in, sans descendre de sa voiture. Comme c'est déjà le cas dans plusieurs hôtels Four Seasons. On ne s'entassera plus dans les spas et les salles de fitness qui, en outre, resteront toujours ouverts quand les clients voudront y aller... On trouvera dans toutes les chambres des postes de télévision à écran plat, des grands bureaux dignes de ce nom, avec micro-ordinateur et connexion Internet, on pourra recevoir deux ou trois autres personnes facilement, pour organiser des réunions d'affaires dans sa chambre, confortablement !

Dégadgétiser
Chris Cahill est quant à lui persuadé que les clients en auront vite assez de descendre dans des hôtels de chaînes ersatz, tendance et minimalistes. En désaccord avec Ian Schrager, il préfère être bien situé dans une ville, plutôt qu'"être où il dort" ! Son slogan : "Places in the Heart." "On pourra toujours trouver des gens comme Ian Schrager pour réinventer les Boutiques Hôtel, pour imaginer de nouveaux concepts tendance... Quoi qu'il en soit, nos hôtels occupent sur le marché une place forte, grâce à l'histoire, à la renommée qui s'attache à eux et grâce à leur situation géographique dans les grandes villes du monde entier. Les gens y restent, parce que chez nous, ils sont près de tout !" Pour Chris Cahill, cependant, certaines innovations devront avoir lieu, les spas resteront ouverts 24 heures sur 24, et les cham-
bres seront toutes équipées d'écrans géants ! Mais en ce qui concerne les 'Palm Pilots' et toutes les options dernier cri, il s'oppose à Paul Mc Manus et Ian Schrager : ces trouvailles ne sont que des gadgets et ne révolutionneront pas l'industrie hôtelière. "Ce que veulent les gens, c'est du service et des aménagements de grande qualité, et rien d'autre", dit-il.

La personnalisation
Se ralliant quelque peu à la vision de Chris Cahill, Bjorn Hanson, du PrincehouseCoopers à New York, pourtant fan des visionnaires tels que Ian Schrager, pense lui aussi que les hôtels de chaînes et les hôtels traditionnels comme ceux de Chris Cahill ont l'avantage de proposer un service très personnel et chaleureux. "Pensez-vous vraiment qu'on aura envie de remettre sa carte de crédit depuis sa voiture en arrivant à l'hôtel ? Ou d'utiliser celle-ci pour ouvrir la porte de sa chambre ? Bien sûr que non, les gens voudront continuer à entrer dans un hôtel, et passer à la réception. C'est aussi ça, aller à l'hôtel. On aura toujours envie, au minimum, de trouver quelqu'un pour nous montrer notre chambre et nous présenter les lieux en arrivant. Bien sûr, le service sera certainement plus rapide, grâce à de nouveaux procédés techniques, mais ça n'a pas de sens de vouloir transformer l'hôtel au point d'aller à l'encontre des réflexes d'une clientèle." Selon lui, il est probable que les grands bouleversements que certains préconisent n'aient pas vraiment lieu. En effet, on parle de plus d'espace, de plus de volume, des chambres et des salles de bains plus grandes, d'accès aux nouvelles technologies généralisés, de produits d'accueil de meilleure qualité. Il est presque certain que tout cela aura lieu, parce que ces évolutions concernent les lieux clos de l'hôtel. Mais il ne faut pas trop compter à ce que les parties communes, et plus précisément les halls d'hôtels, connaissent une 'révolution', et ce, parce que ceux-ci sont là pour les clients de l'hôtel, et pas pour divertir la foule qui se promène dans la rue ! Il est vrai toutefois que le travail des chaînes, notamment dans la recherche toujours plus approfondie des nouveaux besoins de la clientèle, dans l'élaboration de techniques de marketing plutôt fiables et éprouvées, leur rendra certainement service en cas de crise du secteur hôtelier.
Mais, et c'est un point plutôt positif, les hôtels "originaux et sophistiqués" qu'imaginent des gens comme Ian Schrager ont le mérite de proposer quelque chose de différent. Bien sûr, le slogan peut paraître exagéré, on n'est pas "où l'on dort" ! Mais il faut bien reconnaître que les clients doivent encore aujourd'hui s'armer de patience dans la longue file d'attente des réceptions, pour finalement obtenir la clé d'une chambre de 4 mètres de large, et que ce n'est pas trop imaginer que de penser que la clientèle des hôtels de demain fréquentera avec grand plaisir des établissements repensés et revisités par une approche novatrice qui, semble-t-il, devrait intégrer plus encore les nouvelles technologies et des espaces rénovés, même si, il est vrai, le facteur humain est à certains égards certainement irremplaçable. n

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L'HÔTELLERIE n° 2721 Magazine 7 Juin 2001


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