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Le métier de réceptionniste

Le poste-clé délaissé

Parent pauvre de l'enseignement hôtelier français, la réception n'a pas encore dit son dernier mot. Créé par l'Amicale internationale des sous-directeurs et des chefs de réception des grands hôtels parisiens (AICR), le concours du Meilleur jeune réceptionniste remet ce service sur le devant de la scène.

m Claire Cosson

Ses lunettes glissent doucement le long de son nez. Accoudé au comptoir de la réception d'un grand hôtel parisien, Vincent ne parvient plus à dominer sa colère. "Je n'ai jamais vu une chose pareille ! Je réserve à l'avance, vous m'adressez une lettre de confirmation et je ne figure pas sur votre planning...", hurle-t-il. Derrière le desk, la réceptionniste semble désemparée. Mal à l'aise, elle se raidit, et promène son regard bleu vers ses collègues alentour. A croire qu'elle leur lance un appel au secours.
Un client qui se plaint, c'est pourtant le lot quotidien des réceptions d'hôtels. "Véritable centre nerveux, ce service entretient en effet une relation quasi permanente avec la clientèle. On y reçoit souvent des félicitations, mais parfois aussi des réclamations", avoue Didier Le Calvez, directeur général du Four Seasons George V. Ce qui signifie que les acquis techniques ne suffiront jamais à faire un bon réceptionniste. "Savoir prendre les réservations conformément aux consignes de vente et à la disponibilité du planning des chambres, ou bien connaître l'ensemble des acteurs du tourisme (voyagistes, agences, entreprises...), sont évidemment des éléments indispensables", explique Maïté Audoux, professeur à l'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM). Et d'ajouter : "Tout comme la maîtrise des nouvelles technologies, des logiciels hôteliers et de bureautique... Mais de là à se cacher derrière son écran d'ordinateur, il y a un pas à ne pas franchir. Car le métier de réceptionniste nécessite également de véritables qualités psychologiques."

Garantir la promesse client
A l'heure actuelle, certains réceptionnistes ont pris, hélas, la fâcheuse habitude de se cacher derrière la technique. D'autant plus aisément qu'ils bénéficient assez rarement de l'appui de leurs supérieurs hiérarchiques, et ne disposent pas toujours d'une formation leur permettant d'appréhender le comportement des clients. "Excepté la mention complémentaire (accueil-réception), la réception est maintenant le parent pauvre de l'enseignement hôtelier français", déclare un professeur. Signe des temps d'ailleurs : le volume horaire de la discipline hébergement fond comme neige au soleil. Désormais, pas plus de 2 heures par semaine pour le bac techno et 3 heures pour les BTS.
En clair, pas de quoi dispenser convenablement l'art et la manière d'accueillir les visiteurs. Encore moins de susciter des vocations. "La réception constitue bel et bien un élément capital pour garantir la promesse client", défend becs et ongles Maïté Audoux. Une position que partagent, heureusement, certains professionnels de l'hôtellerie. Sans eux du reste, la France n'aurait probablement pas remporté, avec Janine Muhl, chef de brigade au Four Seasons George V, le titre de Meilleure jeune réceptionniste 2000 à l'International trophée David Campbell.
Voilà quelques années déjà que l'AICR Paris a en effet choisi de revaloriser le métier de réceptionniste. Et ce, de manière simple, mais efficace. "Nous avons créé un concours en 1991, destiné aux chefs de brigade et jeunes réceptionnistes (de 20 à 28 ans) officiant dans des établissements haut de gamme", indique Marcel Elbaz, président d'honneur de l'amicale parisienne.

Un outil de promotion
Et de préciser : "Cela permet de promouvoir la profession tout en poussant les jeunes." Baptisé trophée David Campbell en hommage au chef de réception du Ritz, le concours débute sa carrière au niveau national, puis s'étend aux 12 sections de l'AICR à travers le monde dès 1995. Etablies en collaboration avec des professeurs dont Maïté Audoux et des professionnels comme Philippe Mazzetti, les épreuves nationales sont loin d'être une partie de plaisir.
"Toutes nos capacités sont durement sollicitées", souligne Janine Muhl. A commencer par la pratique linguistique : 50 % des questions posées durant les qualifications s'effectuent en anglais (par exemple : rédaction d'une welcome letter, description d'une promotion...) ainsi qu'un atelier d'accueil ou de réclamation pour la finale. On passe ensuite à la loupe le sens de l'accueil, l'esprit d'initiative et les qualités commerciales des candidats via des jeux de rôles. "Et les participants sont plus vrais que nature", témoigne la Meilleure jeune réceptionniste 2000.
Quelques mois plus tard, le vainqueur (récompensé par un certain nombre de prix) a la charge de représenter la France lors de la finale internationale. Le tout dans la langue de Shakespeare. "J'étais impressionnée, mais mon expérience au Four Seasons George V et le fait de m'être entraînée m'ont beaucoup aidé. Ce concours m'a énormément appris", confesse, émue, Janine Muhl. A la fois sur le plan personnel avec la rencontre de collègues étrangers, mais aussi au niveau professionnel.
Il est intéressant d'ailleurs de noter que tous les vainqueurs du trophée David Campbell France ont bénéficié de promotion. Amalio Lorenzo assure ainsi aujourd'hui la direction de l'hébergement au Hassler Villa Médicis, tandis que Mélotti est chef de réception au Carlton Inter-Continental à Cannes et Vanessa Romano, assistante de direction au Four Seasons George V. "L'émulation est finalement toujours importante afin de progresser dans sa carrière", affirme Didier Le Calvez qui, pour féliciter sa collaboratrice, a dépêché une limousine à son retour de Rome, et a loué une salle de restaurant pour fêter l'événement. n

Gérer une réclamation

Confrontée à différentes situations épineuses lors des épreuves françaises et étrangères, Janine Muhl, Meilleure jeune réceptionniste 2000, a une politique très personnelle concernant les clients mécontents.

w Mieux vaut s'excuser dans tous les cas
w Savoir gérer son stress personnel
w Laisser le client manifester son mécontentement
w Lister les motifs de réclamation
w Garantir au client que l'on va lui répondre
w Faire d'une plainte une opportunité commerciale

 

Janine Muhl : une réceptionniste par nature

Il est probable que vous ne la connaissiez pas. Au mieux, son nom vous dit un petit quelque chose... Même pas ? C'est normal. A 22 ans, Janine Muhl, chef de brigade au Four Seasons George V, a encore toute la vie devant elle pour conquérir la profession. On ne restera toutefois guère longtemps sans évoquer cette jeune femme au sourire délicat. D'autant qu'elle a d'ores et déjà décroché avec brio le 6e concours du Meilleur jeune réceptionniste de l'année pour le trophée international David Campbell 2000, le 31 janvier dernier à Rome. Rien de bien étonnant à cela ! La réception, Janine Muhl l'a dans le sang. "Dès l'âge de 3 ans, je passais en effet derrière le desk pour donner un coup de main au personnel. J'adore aider les gens", assure ainsi la lauréate, dont le père architecte organisait des congrès dans de grands hôtels.
Une vocation qui, associée à une solide formation acquise sur les bancs d'une école hôtelière suisse, des aptitudes linguistiques indéniables (allemand, anglais, français et italien) et quelques années d'expérience sur le terrain (Château de Montcaud à Bagnols-sur-Ceze, Hôtel du Rhône à Genève, Cavalieri Hilton à Rome), se devait d'aboutir à un franc succès. Sans compter que durant 6 semaines, la représentante française n'a cessé de s'entraîner pour remporter le titre suprême. Jeux de rôles simulant un client mécontent, rédactions de courrier, mise en place d'argumentaire de vente... tout y est passé ! "Mieux encore ! Janine a su se remettre en cause en considérant son métier et le client autrement", raconte Maïté Audoux, l'une des coaches de la gagnante.

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L'HÔTELLERIE n° 2721 Magazine 7 Juin 2001


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