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Gilles Goujon, Auberge du Vieux Puits à Fontjoncouse (11)

Talent, passion et sagesse

Perdu dans les Corbières, le village de Fontjoncouse doit sa renommée à Gilles Goujon, un cuisinier tout en caractère et sensibilité. Un chef créatif qui vit sur un nuage depuis mars...

m Jean Bernard

Gilles et Marie-Christine Goujon ont commencé une nouvelle vie le 12 juin 1992. "Toute la famille était là pour nous donner un coup de main le jour de l'ouverture. Nous n'avons eu que des pépins ce jour-là, mais nous ne l'oublierons jamais..." L'aventure a commencé ainsi, avec quelques clients vite devenus fidèles. Mais cela ne suffisait pas. Pourtant, les trois premières années sont plutôt délicates, "il faut s'en souvenir pour n'avoir jamais la grosse tête", avec une activité réduite le week-end et lors de la saison touristique. Et puis soudain, en 1996, c'est le grand chambardement. "A l'automne de cette année-là, je deviens Meilleur ouvrier de France et le Guide Rouge suivant nous accorde notre première étoile", se souvient Gilles Goujon.

Roger Vergé, la révélation
Deux étapes décisives dans une carrière qui commence à la fin des années 70, quand l'adolescent révolté après le décès prématuré de son père découvre l'apprentissage à La Compagnie du Midi à Béziers, et qui s'épanouit alors. Son parcours initiatique débute chez les frères Rouquette, toujours à Béziers. Il trouve le temps de se marier avant de tenter de séduire par un courrier personnalisé tous les 2 et 3 étoiles de l'Hexagone. "Je voulais découvrir le travail dans une grande brigade." Cette chance, c'est Roger Vergé qui la lui offre. Un télégramme, cinq jours pour faire ses bagages, et voilà Gilles Goujon à Mougins. "J'ai eu la révélation du métier et, pendant deux ans, j'ai appris le produit, une autre façon de le travailler et de révéler des saveurs nouvelles."
Chaque étape s'accompagnera de nouveaux acquis. Au Petit Nice à Marseille, c'est la rigueur de la gestion de la cuisine ; à L'Escale à Carry-le-Rouet, c'est la construction de la carte et la gestion des hommes. Chez Marc Meneau puis Claude Giraud, ses séjours sont assez courts, mais il emmagasine un peu plus de savoir et de confiance. Suffisamment en tout cas pour se sentir prêt à trouver une affaire où le couple pourra vraiment travailler ensemble.

Fidèle aux premiers clients
S'ils cherchent à Narbonne, dans un premier temps, ce sont finalement les Corbières toutes proches qui vont les accueillir. A Fontjoncouse où le maire d'alors, un peu visionnaire, a décidé, quelques années plus tôt, de miser sur l'ouverture d'un restaurant pour empêcher la mort du village, la situation n'est pourtant pas simple. L'Auberge du Vieux Puits reste sur trois dépôts de bilan successifs et la commune, qui s'est endettée pour aménager une ancienne bergerie, ne cache plus son inquiétude.
L'arrivée de Marie-Christine et de Gilles, le développement de l'entreprise et la prochaine ouverture d'un hôtel, complément indispensable d'une grande table, ont tout effacé. Sauf l'attachement d'un chef sentimental à ceux qui lui ont tendu la main. "Je sais que la deuxième étoile qui récompense autant la régularité que la créativité va amener, comme ce fut le cas avec la première, une clientèle supplémentaire. Mais je ne veux pas me couper de celle qui m'a fait vivre pendant 9 ans. Alors les prix ne flamberont pas, et si j'augmente de cinq francs le premier menu, je ne fais qu'appliquer une décision antérieure."
Une sagesse qui ne dévalue en rien le grand bonheur connu début mars. "J'ai vécu alors ma troisième grosse crise de larmes après celles qui ont suivi la naissance d'Enzo, notre fils aîné, et le MOF !", conclut pudiquement un chef décidément hors normes dans son restaurant du bout du monde. n

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L'HÔTELLERIE n° 2716 Magazine 3 Mai 2001