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Une histoire de pères, de fils et de femmes

Cet automne, le restaurant La Poste Kieny a fêté ses 150 ans. Un siècle et demi de restauration familiale transmise de père en fils. Rencontre avec les deux dernières générations.

Lydie Anastassion


Depuis 150 ans les Kieny se succèdent derrière les fourneaux

Marc, Philippe, Marc, Joseph, Marcel, André, Jean-Marc et son frère pâtissier Laurent, tous des Kieny, mais aussi les mères et les épouses, Anne-Marie, Marie-Louise, Alice, Liliane, Mariella et Martine. En 6 générations, le Café du Vieux Château est devenu le Zum Alten Schloss, le café Zur Post, puis le Restaurant de la Poste. Il s'appelle, maintenant, le restaurant La Poste Kieny, une étoile au Guide Rouge. Sur la façade fleurie de géraniums rose et rouge, face à la mairie de la petite ville alsacienne de Riedisheim (Haut-Rhin), on peut lire 'Kieny Cuisinier Restaurateur'. Aujourd'hui, deux générations cohabitent : André et sa femme Liliane, leur fils aîné, le chef des cuisines Jean-Marc et sa femme Mariella, et Laurent, le pâtissier, dont la boutique est installée juste en face du restaurant et qu'il exploite avec son épouse Martine.
L'histoire du bâtiment est aussi riche que celle de ses occupants. Relais de diligence, la maison a été élevée sur le domaine du château des Thiersten puis des Busenval. Ces derniers furent les seigneurs de Riedisheim jusqu'à la Révolution de 1789. Des témoignages du passé subsistent encore. Dans l'entrée du restaurant, une plaque indique Le Passage, l'accès à la cave à partir de laquelle partaient trois galeries souterraines (aujourd'hui condamnées) en direction de la mairie, de l'église Saint-Afre vers une maison voisine distante d'une trentaine de mètres, dont on suppose qu'il s'agissait d'un logis seigneurial. Datée du XVIIIe siècle, une auge en pierre rappelle l'époque où les chevaux venaient s'abreuver lors de la halte des diligences. Quant à la petite pièce qui abritait un peu plus tard le bureau de poste, elle a été intégrée au bâtiment. Mais elle renferme toujours le guichet d'époque que les propriétaires comptent bien prochainement mettre en valeur.
"Maintenant c'est un bloc, mais avant, la dernière partie de l'immeuble abritait 7 à 8 familles", raconte André. Aux côtés de Jean-Marc, avec lequel il n'est pas toujours d'accord sur les dates, il retrace "sa" partie de l'histoire. "A chaque génération, les femmes ont adhéré à l'entreprise familiale, alors qu'elles n'étaient pas forcément issues de familles de restaurateurs. J'ai toujours voulu être cuisinier, alors que ma mère aurait préféré me voir devenir curé ou pharmacien. J'ai fait l'école hôtelière de Strasbourg puis je suis revenu aider mon père Marcel." André prend la succession en 1954 aux côtés de Liliane qui dirige la salle. Il s'investit dans la formation et les organismes professionnels. "A notre arrivée, le restaurant avait déjà des fourchettes", raconte Liliane. Elle est la mieux placée pour résumer l'évolution de la cuisine de ses hommes. "Mon beau-père faisait de la cuisine lourde, des bouchées à la reine, des civets. Marcel a commencé à alléger un peu tout cela, tout en restant dans ce créneau. Quand Jean-Marc est passé aux commandes de la cuisine, c'était au début un peu stressant. Il y a mis toute sa personnalité." Et de poursuivre : "Il a un don, une imagination inépuisable." "En dix ans, il ne nous a pas fait une seule fois la même chose", rajoute le père dont le Filet au poivre à l'ancienne est le seul rescapé dans la carte actuelle.

Bouillonnement intérieur

"Rien à voir avec ce qu'il faisait", confirme le fils, assis en face du père. "La seule difficulté réside dans la simplicité. Quand je suis revenu en 1987, après avoir effectué des stages dans plusieurs grandes maisons, je m'étais fixé cinq ans pour décrocher un premier macaron." Deux ans et demi plus tard, c'était chose faite. Seule ombre : après six ans, l'étoile s'éclipse dans l'édition du Guide Michelin de 1966 pour reparaître l'année suivante. "Je n'ai pas compris. C'était justement l'année où nous avions tout refait dans la cuisine et réaménagé la salle", commente le jeune chef. A 38 ans, Jean-Marc Kieny a une relation franche avec son métier. Pas de philosophie, d'explications savantes. Il est trop jeune pour cela. Ses recettes, il les tient et il y croit, comme son style qu'il dit avoir trouvé, même s'il s'avoue, deux minutes plus tard, être un "éternel insatisfait". Mais, cela c'est le doute. Comme animé d'un bouillonnement intérieur, il poursuit : "Je n'ai pas envie de faire du sur-place. J'ai une très bonne équipe que j'avais placée un peu partout mais qui est revenue."
A table, en tout cas, c'est bien. Les Noix de Saint-Jacques poêlées sont présentées sur un émincé d'artichauts en salade avec une vinaigrette au citron vert et soja, la Soupe paysanne aux langoustines est accompagnée d'une tartine gourmande au chèvre frais et ventrèche... L'avenir et le passé cohabitent dans les assiettes. *

La Poste Kieny
7, rue du Général de Gaulle
68400 Riedisheim
Tél. : 03 89 44 07 71
Fax : 03 89 64 32 79

 
De gauche à droite : André et Liliane Kieny (en haut), Jean-Marc, Mariella, Martine et Laurent Kieny.

De génération en génération

Marc Kieny, né en 1825, 3 enfants
En 1850, il achète la propriété au 7, rue Basse, actuellement avenue du Général de Gaulle et la transforme en Café du Vieux Château. Plus tard,
la famille Kieny, qui gère le premier bureau de poste de la commune le rebaptise le café Zum Alten Schloss, qui devient ensuite le café Zur Post,
puis le Restaurant de la Poste.

Joseph Kieny, né en 1871, aubergiste au Café de la Poste
Grâce à son épouse Anne-Marie, née Schaller, qui était une excellente cuisinière, il transforme le café en un restaurant. En même temps,
il exerce les fonctions de receveur à la poste et d'épicier dans les deux locaux du rez-de-chaussée de la maison.

Marcel Kieny, né en 1899, cuisinier, 2 enfants
Il exploite le restaurant avec son épouse Alice née Mendelle, décédée
en 1944. Il devient maître d'apprentissage, président du jury des CAP cuisiniers, et conseiller de l'enseignement technologique.

André Kieny, né en 1932, cuisinier, 2 enfants
Après des études au lycée hôtelier de Strasbourg, il effectue des stages dans différentes maisons. Il prend la succession de l'affaire familiale en 1954 et épouse Liliane De Bernardo. Il est président du jury des CAP cuisiniers, conseiller de l'enseignement technologique, membre du Prosper Montagné, conseiller culinaire, chevalier des Palmes académiques, chevalier du Mérite agricole et titulaire de la médaille d'argent de l'enseignement technologique.

Né en 1962, chef actuel, 2 enfants

Ancien élève de Pierre Gaertner, Jacques Lameloise, Louis Outhier, Emile Jung et Hans Stucky, il a été élu 1er espoir de la Gastronomie française en 1988. Il est membre de plusieurs associations : Jeunes restaurateurs d'Europe, Euro-Toques, Prosper Montagné, Association des étoiles d'Alsace. Il est marié avec Mariella.

Laurent Kieny, né en 1966, 2 enfants
Marié avec Martine Bader, il est maître pâtissier-chocolatier glacier à Riedisheim.

 

 

 

Laurent Kieny, le pâtissier de la famille

Quand ils étaient tout petits, son grand frère voulait être cuisinier et Laurent Kieny pâtissier.
"Ses professeurs du lycée hôtelier de Strasbourg lui ont conseillé de poursuivre ses études, mais il n'a rien voulu savoir. Il a choisi de replonger dans l'apprentissage", raconte son père André Kieny.
Malgré tout, Laurent prépare un CAP cuisine en candidat libre et se classe premier sur 130 à l'examen.
Depuis 5 ans, il a installé sa pâtisserie-chocolaterie, de l'autre côté de la rue où il travaille avec sa femme Martine.
Il fournit le restaurant en pralinés et confectionne les bases de deux à trois des desserts de la carte.

Tronçon de cabillaud rôti sur la peau dans l'esprit du Baeckeofe

Recette extraite du livre La Cuisine alsacienne de nos grands-mères aux grands chefs, 168 pages - Editions Dormonval - 248 F.

Ingrédients pour 4 personnes

700 g de filet de cabillaud
8 pommes de terre
80 g de beurre
3 oignons
2 poireaux
3 gousses d'ail
1 branche de thym, 3 feuilles de laurier
3 clous de girofle, safran
2 dl de vin blanc
1/4 l de fumet de homard
3 cl d'huile
4 tranches de lard
Cerfeuil, ciboulette
Sel, poivre

Préparation

* Tailler 4 tronçons dans le filet de cabillaud. Retirer les arêtes. Réserver au frais.
* Eplucher, laver et émincer les pommes de terre en rondelles d'environ 3 cm d'épaisseur.
* Faire revenir avec 40 g de beurre, les oignons et le poireau ciselé ainsi que l'ail en purée.
* Bien faire suer, mais sans coloration. Ajouter les pommes de terre, le thym, le laurier et les clous de girofle, une pointe de couteau de safran, du sel et du poivre. Bien mélanger.

* Mouiller avec le vin blanc. Laisser mijoter 3 à 4 minutes.
* Mouiller à hauteur avec le fumet de homard. Laisser cuire à feu doux et à couvert environ 40 mn.

* Faire rôtir dans une poêle les tronçons de cabillaud, assaisonnés et légèrement farinés, avec l'huile et le reste de beurre,
uniquement côté peau. Les déposer sur
les pommes de terre et terminer la cuisson ainsi à couvert.

* Bien surveiller la cuisson et compléter de temps en temps d'un peu de fumet si nécessaire.
* Dresser dans une terrine de baeckeofe ou dans des assiettes à potage, et déposer une tranche de lard grillé sur chaque morceau de poisson.
* Décorer de quelques pluches de cerfeuil et de ciboulette.

 

En chiffres

Nb de couverts 40 par service
Effectif 11 personnes
Ticket moyen 400 F


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L'HÔTELLERIE n° 2699 Magazine 04 Janvier 2001


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