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Tavernes de Maître Kanter

Un brassage de cultures

Le concept des Tavernes de Maître Kanter date de 1974. Novateur à l'époque, il s'inscrit aujourd'hui dans un registre faussement classique. Le produit évolue, s'adapte, tout en conservant sa personnalité. Dans l'air du temps.

Sylvie Soubes zzz24

Ringard, le style brasserie alsacienne ? Pas du tout. Les Tavernes de Maître Kanter, deuxième enseigne de restauration à thème hors restauration rapide, ont atteint, en 1999, 900 millions de francs TTC de chiffre d'affaires. De nouvelles implantations ont vu le jour cette année et les taverniers, réunis en congrès à La Baule, annonçaient juste avant les vacances un potentiel de 150 nouveaux établissements, dans des villes de 30 à 35 000 habitants notamment. Timing souhaité : 10 à 15 ouvertures par an au plus vite. Le challenge est d'autant plus intéressant que les taverniers, qui sont, rappelons-le, tous des indépendants, ont décidé de se regrouper au sein d'une "structure d'action commune".
Créé officiellement en juin 1996, le groupement des taverniers de Maître Kanter a d'abord fonctionné uniquement comme une centrale d'achats. Aujourd'hui, des commissions ont été mises en place et les taverniers débattent désormais ensemble, régulièrement, de la politique commerciale à tenir, de la communication de l'enseigne. Ils travaillent aussi sur le financement des nouvelles affaires. "Il ne s'agit pas de perdre notre indépendance. Nous sommes et restons profondément indépendants. En revanche, nous voulons balayer l'individualisme qui est un réflexe d'un autre âge", lance Denis Rifaut, récent président du groupement.
Les mentalités changent et c'est tant mieux ! Le principe eut été impensable dans les années 80. Les propriétaires de tavernes avaient alors tendance à conserver jalousement pour eux leurs acquis. Le partage des connaissances, des objectifs, n'était pas d'actualité.
"Les taverniers actuels ont des parcours différents. Il y a des juristes, des banquiers, des bouchers. Ce sont des gens qui arrivent d'horizons très divers et c'est sans doute grâce à ce brassage de cultures que le groupement s'est formé et avance", ajoute Denis Rifaut. La taverne de Biarritz est entre les mains de Gilles Baumann, un ancien de chez Kro. Il était en charge du concept ! Le patron de celle d'Angers a fait ses preuves chez McDo, de celle d'Avignon, après Science Po, dans le consulting. A Pau, on trouve un ancien de chez Lenôtre. A Rennes, la plus grosse taverne appartient à un ancien serveur de bistrot. A Rouen, l'homme était secrétaire de Michel Simon (le comédien). A Saint-Nazaire, c'est un ex de Bistrot Romain qui veille sur l'enseigne. A Vienne, c'est un industriel de la miroiterie et de la verrerie. Celle de Chambéry à été ouverte par Michel Porcel, patron de Restoleil...
Denis Rifaut, lui, vient de la grande distribution. Il est à la tête, avec son frère Philippe, de trois tavernes. A Metz, Thionville et Sarreguemines.

Evoluer oui, changer non !

Le concept taverne est incontestablement convivial dans son approche gourmande. Fraîcheur, générosité, produits de la mer et d'Alsace, spécialités locales... Un registre qui plaît en outre à une large clientèle, dans un rapport qualité-prix qui reste - normalement - honnête. Si la première taverne a vu le jour à Paris (à Montparnasse, mais elle a fermé depuis) et malgré le fait qu'il en existe à nouveau trois dans la capitale (quartiers République, Halles et gare de Lyon), c'est en province que le concept a trouvé son rythme. Sans doute par la proximité de l'accueil. Si la direction fait bien son travail, l'habitué, par exemple, sera reconnu et accueilli en tant que tel. Les bases du décor sont semblables d'une Taverne à l'autre. "Le décor fait partie de la réussite du concept. Les gens s'attendent à retrouver l'aquarium à l'entrée, le bois, les vitraux alsaciens, le banc d'écailler, une atmosphère authentique", commente Denis Rifaut. "Tout ceci ne doit pas changer" mais "cela ne nous empêche de faire évoluer le décor, par touche, petit à petit". Le personnel de toutes les Tavernes portera progressivement des chemises jaunes. Les filels auront des cravates harmonisées avec un tablier bordeaux. Finie la tenue noir et blanc !
Cette progression est particulièrement visible si vous faites d'affilée les trois affaires des frères Rifaut. Metz conserve des tons beiges et rouges tandis que Sarreguemines (inaugurée au printemps dernier) affiche des couleurs plus contemporaines. A Thionville, c'est le potentiel en limonade qui fait la différence avec une grande terrasse en plein centre-ville. Jusqu'ici, les Tavernes n'avaient jamais tablé sur la recette limonade pure.

Une entreprise

Autre propriétaire issu du secteur GMS (Intermarché), Philippe Villalon, qui a repris fin 1996 la Taverne de Caen (elle a été créée en 1993). Située sur le port, à quelques minutes à pied du château de Guillaume Le Conquérant, cette taverne bénéficie d'un excellent emplacement. Cela dit, comme l'explique Philippe Villalon, "il faut d'abord plaire à la clientèle locale. Les touristes, c'est une autre clientèle qui n'est jamais comparable. Ensuite, une taverne est une entreprise à part entière, avec des employés, une gestion d'équipe et des hommes qui sont aussi à la base de la réussite. Si l'équipe ne fonctionne pas, ça se répercute très vite sur le chiffre et l'ambiance." Philippe Villalon s'est d'ailleurs trouvé confronté à deux changements successifs rapprochés de propriétaires et celui-ci a dû complètement repenser la gestion du lieu. "En premier, il a fallu prendre la température de l'établissement et prouver aux gens comme au personnel que nous n'étions pas de passage. Nous avons ensuite augmenté l'équipe (de 25 à 30), nous avons eu du mal à trouver le bon chef, mais ça y est. Nous avons mis en place une signalisation à l'entrée de la ville, juste après les périphériques et sur les quais." Un programme de formation interne a vu le jour, aussi bien pour la cuisine que pour la salle. La carte a été agrandie avec davantage de propositions variées. On peut aujourd'hui commander du vin au verre, apprécier des viandes d'exception comme l'agneau de Pré Salé ou du veau réellement élevé sous la mère et de production française uniquement. La carte le précise d'ailleurs en ces termes : "Nous nous sommes engagés sur des viandes de France de haute qualité avec une traçabilité rigoureuse et exigeante." La présentation des plats a été revue, un menu express (à midi) et un autre à 99 F ont été instaurés. "Le client entre dans une taverne avec une idée festive. L'enseigne est connue pour ça. La qualité fait plus que jamais la différence, mais à côté de ça, l'esprit taverne correspond aussi plus que jamais aux besoins de convivialité et de détente réclamés par la clientèle actuelle. Quel que soit son âge. Je dirais que quand on fait des efforts, dans une taverne, c'est toujours payant."

Cap sur l'avenir

Il devrait y avoir une soixantaine de tavernes en France fin 2000. Le concept a le vent en poupe. On l'aura compris, le principe du réseau est essentiel dans le développement. De nouvelles idées jaillissent, viennent dépoussiérer les habitudes. Pour maintenir le cap, les taverniers sont convaincus qu'il faut prendre les bons emplacements avant qu'ils soient pris par d'autres enseignes. Une opinion entièrement partagée par les brasseries Kronenbourg. qui trouve dans le groupement un écho positif et dynamique. Les tavernes ont trouvé une nouvelle jeunesse, sans perdre de leur personnalité d'hier. Comme quoi...

 
Les taverniers raisonnent désormais en terme de réseau. "Il ne s'agit pas de perdre notre indépendance. Nous sommes et restons profondément indépendants. En revanche, nous voulons balayer l'individualisme qui est un réflexe d'un autre âge", commente Denis Rifaut.

Sarreguemines

* Une création inaugurée fin mai
* 175 places assises plus 40 places en terrasse abritée
* Equipe de 30 personnes en moyenne
* 350 couverts/jour en moyenne depuis l'ouverture
* En pleine propriété murs et fonds
* 350 m2 de surface commerciale
* Deux entrées, dont une face à l'hôtel de ville
"Nous sommes à 70 km de Metz dans une commune qui fait 25 000 habitants. Nous avons cependant le meilleur ticket avec 155 F (contre 142 F à Metz et 145 F à Thionville). L'endroit est un peu à l'écart malgré son emplacement, avec deux entrées et un parking privé. Cela plaît à une clientèle assez haut de gamme. Nous avons également séduit une clientèle allemande. Nous sommes très près de la frontière."
Il n'est pas rare de voir stationnées sur le parking des grosses cylindrées, des Jaguar !

 

 

 
La qualité des produits, la gestion de l'équipe sont essentiels au succès d'une taverne, souligne Philippe Villalon, ici en compagnie de son chef.


Sarreguemines une nouvelle approche
de la déco.

 

Metz

* Reprise fin 1996, refaite en août 1997
* 240 places assises
* Equipe de 37 personnes en moyenne
* 19 millions de CA en 1999
* En pleine propriété murs et fonds
* 450 m2 de surface commerciale
* Quartier semi-piétonnier, centre-ville, près d'un centre commercial
* Directeur Patrick Blaise, chef Patrick Sanzey
"C'est une taverne traditionnelle avec beaucoup, mais vraiment beaucoup d'habitués. Dommage que nous
ne puissions mettre une vraie terrasse..."

 


Un concept chaleureux, qui évolue par touches.  


La cuisine doit être toujours fraîche, estime le chef de la taverne de Metz.

 

Il devrait y avoir une soixantaine de tavernes en France fin 2000

Thionville

* Création en juin 1997
* 175 places en terrasse
* Equipe de 28 personnes en moyenne
* 14 millions de CA en 1999
* Sont propriétaires du fonds, pas des murs (à regrets !)
* 300 m2 de surface commerciale
* Quartier semi-piétonnier en plein centre-ville
* Directeur Luc Danconna, chef Charlie Chemeri

"C'est donc une création dans une ville de moyenne importance. Nous sommes à 30 km de Metz et on aurait pu craindre un phénomène de cannibalisation. Ce n'est pas du tout le cas. Thionville bénéficie en outre d'un emplacement avec terrasse et c'est sans doute une des rares Tavernes dont le chiffre limonade prend le pas sur celui de la restauration en été. C'est une Taverne qui fonctionne toute la journée." 

 

Pour en savoir plus ?

Groupement des taverniers de Maître Kanter :
230, rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
Tél. : 01 53 96 82 00
Ou
Brasseries Kronenbourg
Contact : Stéphan Laurent
Tél. : 03 88 27 44 88

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L'HÔTELLERIE n° 2690 Magazine 02 Novembre 2000

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