C'est peut-être parce que Marc Meneau n'imaginait pas un jour intégrer la famille des trois étoiles, qu'il a plus douloureusement ressenti la perte d'un macaron en mars 1999.
Jean-François Mesplède
"Oui, nous avons envie de reprendre cette troisième étoile, mais il faudra
la mériter", explique Marc Meneau, ici au centre.
Un jour, Marc Meneau eut la chance d'hériter du café-épicerie de sa mère, à Saint-Père-sous-Vézelay. Peut-on dès lors parler de filiation gastronomique ? Pas vraiment bien sûr, ce qui justifie totalement le terme d'autodidacte revendiqué par le chef de L'Espérance. Dans son parcours atypique, il y a une place pour les rencontres, parfois décisives : avec Françoise qui deviendra son épouse, Alex Humbert et André Guillot. Humbert est un chef "à l'ancienne" qui, dans les années 50, a assuré la réputation gastronomique de Maxim's à Paris. Lorsque Marc Meneau le rencontre, Humbert est à la retraite et son discours lui plaît. Il y aura aussi André Guillot. Sa philosophie du métier tient en quelques principes immédiatement adoptés par Marc Meneau : respect des produits, importance des cuissons, rôle des parfums et bon usage de l'assaisonnement. Lorsqu'il s'installe en 1966, Marc vend... des gaufres et des crêpes aux touristes de passage. Grâce aux rencontres d'Alex Humbert, d'André Guillot. Marc Meneau comprend vite que la cuisine c'est "donner du plaisir aux autres" et il trouve cela "jouissant".
Trois étoiles à 40 ans
Le guide Michelin ne reste pas insensible aux efforts accomplis, attribuant une
première étoile en 1972, une seconde en 1975 et une troisième en 1984... l'année même
des 40 ans du chef ! "Lorsque la deuxième étoile est arrivée, nous n'étions
pas prêts. Nous avions déménagé huit mois auparavant et nous ne savions pas si nous
devions rester à Vézelay ou bien partir à Paris. J'ai appris la nouvelle par un
journaliste et si je n'y ai pas cru au début, j'avoue que j'ai ensuite pleuré de joie en
retrouvant ma femme. A l'époque, c'était une divine surprise car nous n'avions pas de
verrerie, d'argenterie. Tout est venu ensuite car nous avions cogité pour préparer la
venue d'une troisième étoile."
Sa nouvelle promotion ne change pourtant rien à sa vie. Pas davantage à sa vision des
choses. "Je ne sais pas si j'appartiens vraiment à la famille des cuisiniers.
Pour ma première étoile, je connaissais une quinzaine de recettes par cur, et une
cinquantaine pour la deuxième. Pour la troisième étoile, j'avais mis beaucoup
d'énergie et beaucoup de passion à la conquérir. J'éprouvais alors un mélange
d'orgueil et de fierté, car je savais que la régularité de mon travail avait été
reconnue par ce guide prestigieux."
La troisième étoile restera accrochée quinze ans jusqu'à la décision du Michelin
de la retirer en mars 1999. Marc et Françoise Meneau sont alors "blessés"
et le chef le dit à L'Hôtellerie. "Je crois que pour le restaurant, nous
avons donné notre vie. Lorsque nous aurions pu avoir un enfant, nous avons tout fait pour
ne pas l'avoir à cause du restaurant... Lorsque nous avons perdu l'étoile, nous avons
ressenti une vraie douleur. Je pense qu'il y avait une part d'injustice dans le choix du Michelin,
mais ne suis-je pas un peu indulgent pour moi-même ?"
Plus que jamais, et même s'il sait qu'en matière de reconquête, rien n'est jamais
facile, Marc Meneau est reparti de l'avant. "Lorsque l'on a été général, on
n'aime pas redevenir colonel. J'ai reçu beaucoup de lettres de soutien et je sais que nos
habitués ne nous ont pas boudés. Alors, oui nous avons envie de reprendre cette
troisième étoile, mais il faudra la mériter et surtout que le Guide Rouge juge
que nous la méritons..." zzz18p zzz22i
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L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000