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restauration ils ont eu 3 étoiles

Philippe Jousse
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Un bel héritage

"Je ne suis pas associé, seulement salarié, mais je me donne comme si c'était ma maison, car je n'aurais pas davantage de liberté de création si j'étais chez moi", dit Philippe Jousse à propos du restaurant Alain Chapel où il fête, ce mois-ci, ses dix ans de piano.

Jean-François Mesplède

 
"La cuisine, c'est beaucoup plus que des recettes".

Philippe Jousse raconte : "Je suis arrivé à Mionnay en février 1982 et j'ai éprouvé un choc", en découvrant l'univers d'Alain Chapel.
"Je ne renie pas ce que j'avais connu ailleurs et qui m'a également apporté. Mais j'ai découvert tout autre chose ici, tant dans l'esprit de la cuisine que dans le travail des produits. Inconsciemment, je recherchais cette façon de voir les choses. Pendant trois ou quatre mois, j'ai regardé, car j'étais incapable de faire autre chose." Il se sent bien. Et même si le chef, grand timide, n'est pas toujours disert, les échanges sont riches. Une complicité se noue et, en juin 1989, Alain Chapel n'imagine personne d'autre pour son restaurant de Kobé : Philippe Jousse s'envole pour le Japon. Le 10 juillet 1990, Alain Chapel est emporté brutalement : fin d'une époque. Il avait rejoint ses parents à Mionnay en 1967, à l'âge de 30 ans. En 1939, dans ce petit village de l'Ain, Ewa et Roger Chapel se sont portés acquéreurs du restaurant la Mère Charles. Leur fils Alain avait quinze mois. Roger n'est pas cuisinier mais ancien maître d'hôtel chez Vettard, une table réputée de Lyon. Il engage un chef qui se charge, le moment venu, de donner les premières notions de cuisine à un gamin taciturne à la tignasse blonde. Plus tard, Alain Chapel fait son apprentissage chez Juliette à Lyon, où Jean Vignard, l'un des meilleurs sauciers de la ville, est en cuisine. Il va aussi à La Pyramide à Vienne où Mado Point assume l'héritage de son mari Fernand, et où Paul Mercier - lui aussi façonné par Vignard - se révèle un redoutable formateur. Quand il revient à Mionnay, la maison est étoilée. Une deuxième étoile arrive en 1969, une troisième en 1973. Alain Chapel est ému et fier d'une récompense qu'il espérait sans oser vouloir y croire. Refusant la médiatisation à outrance, il préfère rester chez lui et faire son métier. Il s'attache à la qualité du produit, traquant de façon obsessionnelle le meilleur pour ses clients. "La cuisine, c'est beaucoup plus que des recettes", dit-il volontiers. Philippe Jousse en est persuadé qui, à la demande de Suzanne Chapel, n'hésite pas à revenir du Japon pour s'installer dans l'Ain.

La cuisine avant tout
La fin d'une époque pour Mionnay que ce fatidique 10 juillet 1990 et la perte de la troisième étoile au mois de mars suivant ? Sans doute, mais on aurait tort de considérer qu'il ne reste désormais de la belle maison qu'un musée à fréquenter... "L'équipe évolue, innove et s'adapte. Si l'on pouvait parfois nous reprocher jadis une certaine rigidité en salle, ce n'est plus du tout le cas : chez nous, on se fait plaisir comme dans n'importe quel restaurant qui vit et qui bouge", explique Philippe Jousse.
"Nous aimerions enfin la reconnaissance du travail poursuivi au niveau de la cuisine, intervient Suzanne Chapel. Nous avons un vécu, un passé qu'il n'est pas question de renier et nous avons conservé une cuisine du niveau des 3 étoiles. Le manque de clientèle ne nous a pas toujours permis d'entretenir la maison comme nous le voudrions, mais tout passe par la reconnaissance, y compris des médias, qui ne nous situent pas toujours très bien."
Peut-être aussi par la mise en avant de Philippe Jousse qui a hérité de son maître à penser cette propension à une discrétion tellement inhabituelle dans le métier. "Sans doute m'a-t-il transmis cette façon de me mettre en retrait, mais l'important c'est la cuisine. Alain Chapel avait une telle aura qu'il n'avait pas besoin de sortir de chez lui pour être connu. C'est différent aujourd'hui et je suis conscient de l'importance des médias, mais je ne suis pas du style à aller au-devant d'eux car je sais que l'on peut faire marcher une maison sans ça", précise le chef.
Une maison, "sa" maison ou presque, précise-t-il, car il avoue disposer d'un formidable espace de liberté. "Je suis heureux de travailler ici. Je suis revenu à Mionnay parce que je ne voulais pas que cette maison disparaisse. Je m'y sens bien et j'ai carte blanche. J'ai été formé par Alain Chapel et ce que je fais aujourd'hui découle de cette formation, mais je me livre sans retenue en faisant totalement ce que j'ai envie de faire." zzz18p zzz22i


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L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000

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