A Crissier, Philippe Rochat assume parfaitement l'héritage de Fredy Girardet, dont il fut longtemps le chef avant de racheter son affaire. Convaincu par son talent, le guide Michelin l'a noté en 1997 au même niveau que son prédécesseur.
Jean-François Mesplède
"Je continue avec la même philosophie sur
la qualité et les produits", Philippe Rochat reste fidèle à l'esprit Girardet.
En France, le début du mois
de mars est toujours particulièrement douloureux pour les restaurateurs. Non qu'ils
enregistrent à cette période-là un afflux inhabituel de clients, mais parce que la
sortie d'un petit livre rouge vient perturber leur sommeil. Les Suisses vivent
l'événement quelques mois plus tôt.
En 1996, Philippe Rochat savait à quoi s'en tenir : en parfait accord avec Fredy
Girardet, il avait signalé à Bernard Naegellen qu'il serait désormais seul à la tête
du restaurant de Crissier. Et le directeur du guide avait appliqué à la lettre la règle
du jeu, supprimant une étoile à la maison.
Le 6 décembre 1997, la situation était redevenue normale : dans le guide millésimé 98,
le restaurant... Girardet retrouvait son standing précédent. Gérard Rabaey était lui
aussi promu à plus haut niveau.
"Lorsqu'en 1996, Monsieur Naegellen était venu me prévenir, je trouvais déjà
bien qu'il nous laisse 2 étoiles. Je me donnais alors deux ou trois ans pour reprendre la
troisième étoile. Onze mois plus tard, ce fut donc un bonheur total."
Né d'un père suisse et d'une mère italienne dans le Jura Vaudois, tout près de la
frontière française, on peut imaginer que Philippe Rochat a subi trois influences
culturelles. Et comme il avoue volontiers que trois rencontres se sont avérées
décisives dans son parcours, comment ne pas imaginer avec le couronnement étoilé que ce
simple chiffre a des allures de porte-bonheur ?
Un enfant fasciné
"Peut-on employer le mot de vocation ? Je sais simplement qu'à l'âge de 9 ans je
voulais être cuisinier... mais je suis bien incapable de dire pourquoi. Sans doute parce
que j'étais gourmand et fasciné par la tenue blanche et la toque. A la campagne, on
n'allait pas très souvent au restaurant car c'était un grand luxe. Mais je me souviens
quand même de certains repas dominicaux. Et je n'ai jamais oublié que ma mère faisait
très bien la cuisine, avec un souci constant du bon choix des produits."
L'élan de l'enfance se concrétisant, Philippe Rochat part en apprentissage. Première
rencontre importante, celle avec Marcel Cavuscens en 1968 au Buffet de la Gare de Romont.
"C'était une maison simple, mais ce patron a su me motiver. Il nous donnait
l'envie et c'était important. Dans nos campagnes suisses, on ne connaissait pas
grand-chose, mais on nous parlait souvent des palaces. Alors, j'ai eu envie d'en
connaître davantage."
Philippe Rochat va donc à Zurich où il passe six ans. A cette époque, au début des
années 70, on commence à beaucoup parler de Paul Bocuse. Philippe Rochat est attentif et
se promet de s'offrir un repas à Collonges au Mont d'Or. Seconde rencontre décisive en
1976... même si le convive d'un soir n'osera jamais parler au chef. "Mon repas
fut une véritable révélation. En sortant du restaurant, je me suis dit voilà, c'est
ça mon métier."
A 24 ans, Philippe Rochat cerne un peu mieux son avenir. Il prendra un virage important un
peu plus tard. Troisième rencontre. "On parlait de Monsieur Girardet et j'ai
appris qu'il cherchait un cuisinier. J'avais mangé une fois à Crissier et je n'ai pas
hésité une seconde. Le 1er juillet 1980 j'étais engagé."
Sacré Cuisinier du siècle avec Paul Bocuse et Joël Robuchon, noté 3 étoiles par le
guide Michelin, Fredy Girardet aspire un jour à la retraite. Celle-ci intervient
en 1996 et il sait que nul n'est mieux placé que Philippe Rochat - son chef depuis 1989 -
pour reprendre la maison. La passation de pouvoir se fait en douceur... même si quelques
turbulences viennent par la suite.
"Lorsque j'ai assuré mon premier service le 1er décembre 1996, je n'avais pas
d'appréhension particulière par rapport à mon métier. Je voulais simplement m'affirmer
et prouver que j'étais capable. Cela n'aurait pas été possible à 25 ou 35 ans, mais à
43 ans je me sentais à l'aise. Même si je savais que, fatalement, j'allais perdre une
certaine clientèle, je n'ai pas hésité. J'avais toujours travaillé comme si c'était
ma maison. Il n'y avait donc pas de grande différence... à ceci près que c'était
vraiment ma maison." Même s'il apporte sa touche personnelle, Philippe Rochat
reste fidèle à une certaine tradition. "Je continue avec la même philosophie
sur la qualité et les produits. Dans un restaurant comme le nôtre, la remise en question
est journalière. Nous essayons pourtant d'évoluer, mais il ne faut pas créer pour
créer. Sur les 50 plats proposés à la carte ou aux menus chaque saison, 5 ou 6 restent
des classiques : c'est important." Philippe Rochat reste fidèle à l'esprit
Girardet.
Tout juste a-t-il enlevé le nom de son prédécesseur de la façade du restaurant qu'il
rebaptise l'établissement l'Hôtel de Ville comme jadis. Et, a-t-il ajouté, juste retour
des choses, son propre patronyme. zzz18p zzz22i zzz99
Restaurant de l'Hôtel de Ville-Philippe Rochat
1, rue d'Yverdon
1 023 Crissier - Suisse
Tél. : 00 41 021 634 05 05
Fax : 00 41 021 634 24 64
Internet : restaurant.p.rochat.bluewin.ch
Parlons chiffresNombre de couverts 20 000/an
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Ingrédients
1 volaille de Bresse de 2 kg
100 g de truffes noires fraîches
12 carottes fanes
1 gros céleri pomme
12 navets fanes
8 jeunes poireaux
8 oignons nouveaux
1 bouquet aromatique
3 l de fond de volaille
1 jaune d'uf
5 cl de crème fraîche
100 g de beurre fondu clarifié
5 cl de jus de truffes
50 g de beurre
Préparation
-Vider la volaille, assaisonner l'intérieur de sel et de
poivre
- Plucher les truffes noires, couper une truffe en fines lamelles puis glisser sous la
peau de chaque poitrine 3 lamelles, ainsi que 3 autres dans le gras de chaque cuisse et du
pilon.
-Brider la poularde, réserver.
-Laver tous les légumes, peler les carottes fanes et les navets fanes en conservant 1 cm
de tige. Préparer les jeunes poireaux et les oignons nouveaux. Couper 12 bâtonnets de 2
cm de long dans chaque céleri et les tourner.
-Porter à ébullition les 3 litres de fond de volaille dans une casserole pouvant
contenir la volaille. Redonner une ébullition et laisser pocher à couvert à une
température de 80° C durant 50 à 55 minutes.
-Après 15 minutes de cuisson, ajouter les les céleris, les carottes et les navets.
Après 20 minutes, ajouter les poireaux et les oignons nouveaux.
-Pour la mousseline, mettre votre jaune d'oeuf dans une petite sauteuse, le monter en sabayon dans un bain-marie avec 1 dl de réduction de liquide de cuisson de la poularde ainsi que le jus de truffes. Ajouter le beurre clarifié tiède. détendre le sabayon avec un peu de crème fraîche. Prendre la moitié de la truffe noire et faire de petits morceaux irréguliers que l'on fera revenir à peine dans une poêle au beurre moussant. Assaisonner de sel et poivre et mélanger à la mousseline. Rectifier l'assaisonnement de la mousseline en sel, poivre ainsi que 2 gouttes de jus de citron. Garder en attente au bain-marie à 40° C.
Mise en place
Dans une grosse cocotte, placer la volaille, verser le bouillon ainsi que tous les
légumes et retirer le bouquet d'aromates. Ajouter les truffes sur la poitrine et servir
la volaille comme un pot-au-feu, le bouillon à part dans les tasses ainsi que la
mousseline de truffes en saucière.
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L'HÔTELLERIE n° 2686 Hebdo 05 Octobre 2000