Actualités

restauration France

Alain Ducasse
_______________

Six étoiles pour l'histoire

Certes il n'est pas le premier puisque, avant-guerre, Eugénie Brazier, la fameuse Mère lyonnaise, cumula six étoiles pour ses deux restaurants de la rue Royale et du col de la Luère. Il n'empêche que la performance d'Alain Ducasse, "cumulard étoilé", est tout à fait digne d'éloges.

Jean-François Mesplède


Alain Ducasse (à droite) avec Franck Cerutti, le chef du Louis XV.

Alain Ducasse raconte volontiers l'histoire de son arrivée au Louis XV, restaurant gastronomique de l'Hôtel de Paris à Monte-Carlo : "Ici, il était prévu dans mon contrat que je devais avoir 3 étoiles. Sinon, il se terminait le 31 mars 1991."
Il était au Juana, à Juan-les-Pins, où, avec 2 étoiles à 27 ans, il fut parmi les plus jeunes chefs distingués à ce niveau. Son avenir s'annonce tellement prometteur que les responsables de la Société des Bains de Mer (SBM) trouvent les arguments pour le convaincre. "J'avais quatre ans pour obtenir les 3 étoiles et c'est arrivé après 33 mois", dit-il satisfait de son effet...
En fait, à l'en croire, le risque était minime. Mais aucun avant lui n'avait accepté de le prendre. Lui, les risques, il connaît. La mort aussi qu'il frôle le 9 août 1984, seul rescapé d'un accident d'avion. L'appareil s'écrase dans les Alpes. Tous les passagers sont tués, sauf lui. Alors, fatalement, on imagine que la vision de la vie est différente après cela et que même la cuisine peut paraître bien dérisoire. "Bien sûr c'est dérisoire, admet-il. Mais en même temps je suis très attaché à bien faire. Si cet accident ne m'a pas véritablement calmé, il m'a permis de prendre beaucoup de recul avec les choses et avec les gens. Lorsqu'on se retrouve sur un lit d'hôpital en se demandant si l'on va un jour remarcher ou voir à nouveau, on a le temps de penser", confiait-il voici quelques années.
Ceci suffit peut-être à expliquer cela. C'est-à-dire cette évidente boulimie qui pousse Ducasse non seulement à être partout... mais à être le meilleur. Les années de sa petite enfance ont dessiné sa trajectoire. L'odeur des plats du dimanche matin, lorsque sa grand-mère Jeanne cuisinait la blanquette de veau ou la poule au pot, les promenades dans les bois avec le grand-père pour ramasser les champignons : voilà qui forme le goût.
A l'âge de 12 ans, et au grand dam de ses parents, Alain annonce qu'il sera cuisinier et rien d'autre. A 20 ans, il "s'invite" chez Michel Guérard. Réticent au début, le maître d'Eugénie-les-Bains se laisse pourtant convaincre par ce garçon décidé à squatter les lieux jusqu'à obtenir satisfaction. Il ira ensuite chez Chapel. Un quart de siècle plus tard, il n'a pas oublié sa première entrevue à Mionnay et la phrase prononcée ce jour-là : "A partir d'aujourd'hui, petit, tu oublies tout." Ce séjour va bouleverser sa vie. "C'est là que j'ai eu le déclic de la cuisine", admet-il volontiers. Sa voie est tracée : le gamin têtu devient cuisinier talentueux chez Vergé à Mougins, puis au Juana et au Louis XV avec le succès que l'on connaît.

L'ère Ducasse
Dès son arrivée à l'Hôtel de Paris, il dérange pourtant quelques habitudes. Mais il a les pleins pouvoirs et impose ses idées : il se met en place, fait sa cuisine aux accents méditerranéens, et forme une équipe à son image. La conception du métier tient, pour Ducasse, en une simple formule : savoir-faire, faire-faire et faire-savoir.
Il a vite compris que les médias ont une part importante dans la réussite. Il passe maître dans l'art de la communication. Les coupures de presse consacrées au nouveau prince de Monaco se comptent par dizaines. Et leur volume augmente sensiblement après le couronnement par le guide Michelin, en mars 1991. A 33 ans, Alain Ducasse est le plus jeune 3 étoiles de l'histoire.
Sa nouvelle notoriété lui permet de professer ses idées et d'imposer sa conception du métier. Sous prétexte qu'il n'a "pas un cirque mais un restaurant", il se refuse à apparaître en salle pour faire le traditionnel tour de piste. Arrivé au sommet à Monte-Carlo, Ducasse veut aller encore plus haut. Joël Robuchon a déjà annoncé qu'il prendrait sa retraite à 50 ans... et si plusieurs noms sont murmurés pour lui succéder, avenue Raymond Poincaré, celui de Ducasse se détache. En août 1996, avec les 3 étoiles de son prédécesseur, il est en place à Paris. Son rythme de vie lui convient. Il plaît moins au guide Michelin qui, en mars 1997, le sanctionne au Louis XV sous prétexte qu'on ne cuisine pas par "ordinateur interposé". Pourtant, l'année suivante, il retrouvait ses 6 étoiles, rejoignant alors la chère Mère Brazier dans l'histoire.
La suite tient en quelques noms : Bastide de Moustiers, Spoon (Food & Wine à Paris et Tokyo, des Iles à Maurice, at Sanderson à Londres), Abbaye de la Celle, Relais du Parc et Il Cortile à Paris, Châteaux et Hôtels de France, Essex House à New York et le Plaza Athénée où l'on ignore si une ligne de son contrat évoque les 3étoiles... zzz18p zzz22i

Le Louis XV - Alain Ducasse
Hôtel de Paris
Place du Casino
98000 Principauté de Monaco
Tél. : 377 92 16 29 76
Fax : 377 92 16 69 21
E-mail : lelouisxv@alain-ducasse.com

Parlons chiffres

Chiffre d'affaires
22 MF
Prix moyen
1 800 F
Effectif

55 employés

 

Légumes des jardins de Provence mijotés à la truffe noire écrasée, huile d'olive de Ligurie, aceto balsamico et gros sel gris

Ingrédients(pour 4 personnes)
16 pièces de carottes fanes
16 pièces de navets fanes
2 bulbes de fenouil
8 pièces de radis

8 pièces de cébettes
500 g de petits pois

500 g de fèves
200 g de haricots verts
8 pièces d'artichauts du pays
8 pièces d'asperges
30 g de truffe hachée

100 g de beurre
5 dl d'huile d'olive
Vinaigre balsamique
Sel fin, gros sel gris, poivre blanc

Bouillon de poule et fond blanc
* Prévoir un grand rondeau, 6 sauteuses
et 2 sautoirs.
n

Préparation
- Tourner les carottes, les radis, les navets et les bulbes de fenouil.

- Dans 4 sauteuses différentes, faire légèrement sauter les légumes séparément à l'huile d'olive et au beurre. Puis mouiller au fond blanc et au bouillon de poule. Une fois cuits, débarrasser les légumes.
- Tourner les artichauts, puis les cuire dans le fond blanc légèrement citronné.
- Nettoyer les autres légumes. Pour les asperges, ne garder que les pointes. Les cuire individuellement dans une chauffante d'eau bien salée et très chaude. Dès que les légumes sont cuits, les refroidir aussitôt pour stopper la cuisson.
- Une fois tous les légumes cuits, les partager dans 2 grands sautoirs. Ajouter un peu de fond blanc, de l'huile d'olive et la truffe hachée. Assaisonner avec du sel fin et du poivre.
- Bien faire chauffer, puis monter légèrement au beurre. Ajouter alors un peu de vinaigre balsamique.
- Dresser les légumes dans 4 assiettes creuses en dôme. Arroser avec le beurre truffé et vinaigré. Parsemer de gros sel gris.

 


Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts

L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration