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restauration guide Michelin

Le guide et les restaurateurs...
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"Michelin, je t'aime, moi non plus"

Qu'ils soient étoilés ou "fourchettés", les restaurateurs entretiennent une relation quasi passionnelle avec le Guide Rouge. Quand la note monte, c'est le nirvana. Quand elle chute, c'est la consternation.

Lydie Anastassion

Désétoilé mais pas vaincu. Cette année, le chef André Parra a perdu sa seule étoile. Cependant, L'Ermitage de Corton à Chorey-les-Beaune (Côte-d'Or) figure toujours dans les pages du Guide Rouge accompagné de 4 fourchettes rouges. Et les clients ne semblent pas avoir modifié leurs habitudes. "La décision du guide de m'enlever cette étoile a provoqué une levée générale de boucliers de la clientèle régionale", raconte le chef qui se rappelle "avoir eu le tournis en apprenant la mauvaise nouvelle à la radio". Il poursuit : "Les gens nous appellent, nous téléphonent. Nos clients étrangers ne comprennent pas non plus." Et lorsque la sanction tombe, tout le monde encaisse le coup, la brigade de la salle comme celle de la cuisine. "Ils se sont sentis désavoués", ajoute encore André Parra.
Les effets immédiats de la sanction agissent au niveau de la clientèle potentielle. Un établissement sanctionné par le guide enregistrerait un recul de 25 à 35 % du nombre de couverts, selon André Parra. Ce que confirme Guy Brachais dont le restaurant La Mélie à Dieppe a également perdu son macaron. "Ce qui est certain, c'est que nous n'avons plus la clientèle des gens qui ne vont manger que dans les étoilés et qui utilisent la dernière édition du guide."

Une étoile, c'est un chiffre d'affaires assuré
Le désamour - momentané - avec le guide, André Parra en connaît bien l'importance. En 1973, alors chef au Petit Ruinais (Vienne), il décroche sa première étoile. Le macaron le suit lorsqu'il reprend, en janvier 1980, La Cartouche, aussitôt rebaptisé L'Ermitage. "Début mars, j'ai eu l'étoile. A cette époque, j'étais le seul étoilé sur Beaune. Je crois que c'était la première fois que le guide Michelin effectuait aussi rapidement un transfert d'étoile. Cela nous a évité de piétiner. 1 étoile, c'est un chiffre d'affaires assuré. Les touristes étrangers considèrent le guide comme une bible. C'est le seul vraiment crédible."
Plus modestes, les retombées des fourchettes ne sont pas négligeables. Doublement "fourchetté" depuis mars 2000, Eric Duplouy, aux commandes de son Petit Castor à Saint-Leu-la-Forêt (Val-d'Oise), explique : "Cela s'est senti le week-end suivant la parution de la nouvelle édition du guide. On a fait beaucoup plus de couverts. Ensuite, cela s'est calmé. Nous mesurons les effets positifs de nos 2 fourchettes durant les week-ends. Les gens viennent en famille et choisissent un restaurant dans le guide pour bien manger. Sur un service, cela représente en moyenne deux tables. Durant la semaine, nous avons notre clientèle d'affaires habituelle."

Une "drogue"
A peine décoré, Eric Duplouy avoue se prendre au jeu de la course en avant. "On va tout faire pour préserver nos 2 fourchettes, en décrocher 1 ou 2 supplémentaires et, pourquoi pas, accéder à une autre cotation." Sans prononcer le mot étoile, tout est dit. Le nouveau promu a rejoint les rangs des "accros". Pour les plus anciens, c'est même devenu une drogue. "Nous avons travaillé pour en obtenir une deuxième. Tout le monde nous disait que nous la méritions", raconte André Parra que la visite aux bureaux parisiens de l'avenue de Breteuil, début juin, a laissé sur sa faim. "On m'a dit vous ronronnez et je trouve cette réponse incroyable. Ils n'ont reçu que des lettres positives à propos de mon établissement", constate encore le chef. Seule explication selon lui : le manque de... curiosité des inspecteurs. "Ils mangent toujours la même chose. Comment voulez-vous qu'ils constatent mon évolution ! Jamais le Michelin n'a goûté à mon Solilès. Je suis peut-être le seul à la préparer de cette façon. Je demande aux inspecteurs de prendre un menu complet, d'essayer la Terrine aux ris de veau et lapin. Un plat sur lequel je m'éclate", poursuit-il.

Ne pas renier sa cuisine
Aujourd'hui remotivé, André Parra avoue : "Je veux la récupérer et je vais tout faire pour y arriver. Mais qu'on ne me dise pas qu'il manque la touche du chef ! Qu'en est-il des grandes maisons où les chefs sont absents ? Michelin devait appliquer le même règlement aux divas. Mon style plaît à ma clientèle et je ne vais pas tout changer maintenant. Je ne suis pas du style à farcir les petits pois." Beaucoup plus serein face à la sanction du Michelin, le Dieppois Guy Brachais veut rester fidèle à sa cuisine : "Si Michelin m'a enlevé mon étoile, c'est qu'il a ses raisons. Je reste neutre vis-à-vis de sa décision. Je suis étoilé depuis 27 ans et je ne pense pas m'être mis à faire de la mauvaise cuisine." zzz18p zzz22i


André Parra, chef à L'Ermitage de Corton à Beaune, compte bien récupérer son étoile l'an prochain.


Eric Duplouy, le chef et le propriétaire du Petit Castor, avoue se prendre au jeu.

   Les adresses
L'Ermitage de Corton
Route de Dijon
RN 74
21200 Chorey-les-Beaune
Tél. : 03 80 22 05 28
Fax : 03 80 24 64 51
Mélie
2, grande rue du Pollet
76200 Dieppe
Tél. : 02 35 84 21 19
Fax : 01 35 06 24 27
Au Petit Castor
68, rue de Paris
95320 Saint-Leu-la-Forêt
Tél. : 01 39 32 94 13
Fax : 01 30 40 85 52
Chez Jean
8, rue Saint-Lazare
75009 Paris
Tél. : 01 48 78 62 73
Fax : 01 48 78 35 30

Succès et déconvenues

Sur 4 137 restaurants répertoriés par l'édition 2000 du Guide Rouge, 499 sont étoilés. 22 établissements ont trois macarons, 70 deux macarons et 407 un seul. Cette année, les inspecteurs ont attribué une troisième étoile à Guy Martin (Le Grand Vefour).
Le Château de la Chèvre d'Or (Eze, 06), La Rotonde (Salvigny, 69), le Château Cordeillan Gages (Pauillac, 33), le Régence (Hôtel Plaza Athénée, Paris) ont décroché un second macaron, tandis que 40 établissements se sont vus décerner une première étoile.

Le guide fait aussi des "malheureux". Sept établissements auxquels l'édition 1999 avait accordé 2 étoiles ont été déclassés. Si 5 d'entre eux conservent 1 macaron, 2 autres, en revanche, ne figurent plus au guide 2000. De même que sur 36 "1 étoile", l'an dernier, et déclassés cette année, 9 ne sont plus répertoriés. Les autres conservent 2 ou 3 fourchettes.

 


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L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000

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