Actualités

restauration France

Pierre Gagnaire
_________________

Le marchand de bonheur


"Je m'exprime à travers l'assiette et les plats que j'invente en évitant de mettre mes pas dans des sentiers archibattus. C'est ma liberté."

Au cours des discussions familiales chez les Gagnaire, les mots revenaient comme un leitmotiv : "Tu seras cuisinier et tu reprendras l'affaire familiale." Le jeune Pierre s'est fait une raison : il sera cuisinier. Le voilà donc qui apprend, sans engouement aucun, la pâtisserie à Saint-Etienne et la cuisine à Lyon chez Jean Vignard, un temple de la belle et bonne cuisine, noté 2 macarons au Michelin. Pierre Gagnaire sera le dernier apprenti de Vignard. Le passage et ce "doigté des cuissons" le marquent, mais pas au point de déclencher un formidable enthousiasme. Gagnaire apprend certes, mais a quand même du mal à croire aux vertus de son métier. "J'ai travaillé avec de grands professionnels, mais je n'ai jamais rencontré la passion que j'espérais trouver. Les gens restaient un peu distants. J'avoue que je ressentais alors la cuisine comme quelque chose d'un peu pénible."
Il va ensuite à Paris. Au Maxim's d'Orly, chez Lucas Carton et à l'hôtel InterContinental. A 23 ans, c'est donc sans entrain qu'il rejoint la maison familiale, le Clos Fleuri à Saint-Priest-en-Jarez dans la périphérie stéphanoise. Avec 1 étoile solidement accrochée depuis plusieurs années, la maison est bien notée par le guide. Mais là encore, il n'a pas le sentiment d'avoir vraiment trouvé sa voie.

Seul pour être soi-même
L'éclair vient d'une découverte : les Chapel, Bocuse et Troisgros lui font vivre la cuisine autrement. Pour cela, il doit être dans ses murs. Ce sera à Saint-Etienne dans un ancien atelier de photographe de la rue Georges Tessier. C'est là que les premières critiques vont encenser cette cuisine qui ne ressemble à aucune autre, et que là encore les premières étoiles vont tomber. "Je me suis souvent senti comme une marmite au couvercle fermé, ça bouillait", confesse alors le chef qui s'enthousiasme enfin pour un métier où la création est présente à tout instant. "Il aime l'antithèse des nuances, la collision des goûts, un coup de théâtre dans un récit qui s'endormait (...) Il pousse parfois jusqu'à la dissonance, joue sur les suspens, les syncopes, improvise sur ce que l'on pourrait appeler les thèmes culinaires comme un jazzman sur de vieux standards", témoigne son ami Jean-François Abert lorsqu'il écrit cette Cuisine immédiate qui colle si bien à sa réalité. Gagnaire le créatif souhaite un cadre davantage à la mesure de son talent. Et, en artiste dégagé de cruelles réalités matérielles, il fonce. Un vieil hôtel particulier de la rue Richelandière le séduit. Avec des amis peintres, sculpteurs, Pierre Gagnaire crée un lieu, superbe, à défaut d'être totalement fonctionnel pour un restaurant. Michelin suit dans son choix un chef qui affiche sa profession de foi en trois mots : authenticité, recherche, simplicité. Et en mars 1993 sur le guide Michelin, Pierre Gagnaire entre dans la cour des grands.
Si l'aventure est exaltante, le pari se révèle très vite impossible à gagner, Pierre Gagnaire est obligé de se faire une raison et, en mai 1996, il choisit de se saborder. "Même si je n'ai pas su, ou voulu voir, quelles étaient les possibilités réelles de la ville, j'ai été victime d'une sorte de cynisme bancaire."
Durant sa traversée du désert, Gagnaire compte ses amis. Marc Veyrat qui, avec quelques autres - Marcel Fournier de Carrefour par exemple - l'incite à monter à Paris. Par la force des choses, il se résout à franchir le pas et découvre que le relatif anonymat de la capitale lui sied tout autant que Saint-Etienne. Voilà qui n'échappe pas au Michelin qui a tôt fait de lui rendre les étoiles abandonnées dans le Forez.
En mars 1998, Pierre Gagnaire retrouve son bien. La douloureuse expérience l'a marqué, faisant mûrir celui qui n'est plus l'éternel adolescent stéphanois à l'œil rieur et à la mèche rebelle. Le talent est intact. La capacité de création aussi, même si les plats semblent désormais plus apurés, mieux maîtrisés encore que jadis. L'idée de base reste la même depuis que Pierre Gagnaire à découvert que la cuisine pouvait être un art. "Nous sommes des marchands de bonheur. Au piano, je ne souhaite qu'une chose, c'est donner du bonheur aux gens. Ce n'est rien de plus et je l'exprime à travers l'assiette et les plats que j'invente en évitant de mettre mes pas dans des sentiers archibattus. C'est ma liberté. Sans la cuisine, je ne serai rien", dit-il. zzz18p zzz22i

Restaurant Pierre Gagnaire
6, rue Balzac
75008 Paris
Tél. : 01 44 35 18 25
Fax : 01 44 35 18 37
E-mail : pierre-gagnaire@bigfoot.com

Parlons chiffres

Chiffre d'affaires 22 MF
Prix moyen 1 000 F HT
Effectif 37 employés


Petits rougets de roche et langoustines en scampi aux feuilles de légumes croustillantes grédients
Ingrédients
(pour 4 personnes)

16 grosses langoustines décortiquées
8 petits rougets de 100 g ou 2 gros de 300 g
taillés en lanières épaisses

Les légumes :
poireaux, oseille, aubergines, chou, laitue,
épinards

La sauce d'accompagnement :
1 poivron rouge dont on aura retiré la peau,
taillé en petits dés et revenu à l'huile d'olive
1 godet à yaourt (unité de mesure) de jus de veau
agrémenté de jus de citron,
de vinaigre balsamique,
1 godet de sirop d'érable et de gingembre
en poudre
1 godet de farine de riz
50 g de tomates sèches
8 pièces de gros champignons de Paris


Préparation
- Reprendre tous les éléments de la sauce, les mettre doucement en cuisson pour qu'ils infusent. On obtiendra une sauce plutôt sirupeuse et aigre-douce à mettre au frais.

- Détendre d'eau froide la farine de riz. Enrober chaque langoustine et filet de rouget de cet appareil. Cuire à la friteuse en deux fois (comme des frites, d'abord le pochage, ensuite la finition).
- La préparation des légumes est un "truc" : "je n'en parlerai pas. A vous d'imaginer mais sachez que l'important, c'est la langoustine."
- Reprendre sur une grande assiette les différents éléments. Servir la sauce à part.

 


Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts

L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration