Lydie Anastassion
"Je pense que la cuisine future sera naturelle,
respectueuse de la santé et du goût."
Depuis plus de cent ans, la
famille Iaccarino est dans l'hôtellerie-restauration. Depuis 1890 exactement, année où
le grand-père se lança dans l'aventure en ouvrant une petite pension à l'entrée du
village de Sant'Agata Sui Due Golfi, en Italie, à une cinquantaine de kilomètres de
Naples. Au fil des années, les affaires ont prospéré et les talents se sont affirmés.
Celui, par exemple, du petit-fils, Alfonso, aujourd'hui triplement étoilé. Dans son
restaurant, le Don Alfonso 1890, il travaille avec sa femme Livia et ses deux fils : Mario
en salle et en cuisine, et Ernesto qui s'occupe de la gestion. Tout rose, avec une
terrasse couverte de glycines et décorée de citronniers, l'établissement, situé au
centre de la petite ville touristique, compte cinquante places assises et cinq suites.
Agé de 53 ans, Alfonso Iaccarino est autodidacte. "J'aime la cuisine depuis que
je suis né. J'y ai passé des heures avec mon père." En 1973, il se lance dans
l'aventure et ouvre avec Livia un petit restaurant-pizzeria, tout en assurant ses
fonctions à la tête de l'hôtel familial. Et puis, un jour, les choses s'accélèrent.
"Luigi Veronelli est venu me voir. Il m'a fait découvrir la gastronomie
française." C'est une révélation. "Je suis devenu fou. J'ai fait
toutes les grandes maisons et j'ai beaucoup appris", raconte le chef. C'est le
début des voyages dans le monde entier. "Je voyais les grands chefs avec
admiration. Pour moi, ils étaient comme des martiens", se rappelle Alfonso. En
1980, le couple renonce à son activité hôtelière pour se consacrer uniquement au
restaurant.
Cuisine naturelle
Vingt ans plus tard, le succès professionnel d'Alfonso n'a pas terni son admiration pour
les chefs français : Les Petits plats des Troisgros de Pierre et Michel Troisgros,
Ma cuisine du soleil de Roger Vergé, Les couleurs, parfums et saveurs de ma
cuisine de Jacques Maximin, pour ne citer que quelques titres, figurent en bonne place
parmi la centaine d'ouvrages que renferme la biblioteca. Juste en face de la salle
de restaurant, nouvellement aménagée dans les tons bleu et blanc, la bibliothèque
contient une autre collection : une bonne trentaine de guides Michelin France et
Italie, dont les plus anciens remontent au début du siècle, alignés dans une vitrine.
Le "rêve" du chef : se procurer un "vrai" exemplaire de l'édition de
1900. En attendant, les ouvrages à la couverture rouge des années 1980 et 1990 retracent
l'ascension du Don Alfonso 1890 : la première fourchette en 1979, la première étoile en
1985, la seconde en 1990. Et en 1996, la troisième, qui lui a tout d'abord causé
quelques angoisses. "Une semaine avant la sortie du guide, on m'a annoncé la
visite de Bernard Naegellen. J'ai paniqué. Je me suis dit : il va m'annoncer que j'ai
perdu ma seconde étoile." La nouvelle sera bonne et l'émotion intense. "J'ai
pleuré comme un bébé."
"Le cuisinier doit avoir un regard sur la vie : les gens travaillent assis, ils se
dépensent beaucoup moins. On ne peut plus leur proposer une cuisine lourde. Je n'ai rien
contre la tradition que j'aime beaucoup, mais il faut s'adapter à la façon de vivre. Je
pense que la cuisine future sera naturelle, respectueuse de la santé et du goût",
commente Alfonso Iaccarino, qui, plus que de ses plats, préfère évoquer les goûts.
"J'utilise des choses simples comme l'huile d'olive, les légumes de saison, les
poissons. J'essaie de trouver un équilibre. Au début, les choses n'ont pas été
faciles. Nous avons perdu notre clientèle classique qui ne comprenait pas l'évolution de
ma cuisine. Mais nous ne nous sommes pas découragés et, petit à petit, de nouveaux
clients ont pris leurs habitudes chez nous. Nous avons aussi fait des sacrifices
financiers, pour la cave par exemple."
Des fromages dans une tombe étrusque
Les efforts n'auront pas été vains. Aujourd'hui, la cave contient quelque 2 200
bouteilles, soit environ 1 200 étiquettes différentes, selon le chef de cave Constanzo
Cacace. Parmi des crus en provenance du monde entier, du Liban, de Nouvelle-Zélande, le
vin le plus ancien est un blanc de Sicile, un Marsala Vierge daté de 1860. Derrière les
vins, en descendant encore plus bas dans la cave, il y a les fromages. La cave se termine
par une ancienne tombe étrusque à laquelle on accède par un escalier en colimaçon,
aménagé dans un puits, et dont la rambarde est toute suintante d'humidité. Des
conditions idéales pour conserver du provolone, par exemple, une pâte faite avec du lait
de vache. Selon le chef de cave, la moisissure extérieure indique que certaines tommes
sont là depuis environ trois ans.
Alfonso Iaccarino est aussi exploitant agricole. En 1990, il achète cinq hectares de
terrain, La Perraciole, juste après Terminati, le dernier village de la presqu'île. Sur
ces terres qui descendent jusqu'à la mer, il replante de nouveaux oliviers et des
citronniers. Dans son potager, le restaurateur cultive des tomates, des aubergines, des
poivrons, des melons, des potirons. Des produits biologiques pour certains et distribués
sous la marque Don Alfonso par la Don Alfsonso Consulting & Distribution. * zzz18p zzz22i zzz99
Don Alfonso 1890
Corso Sant'Agata 11
180064 Sant'Agata Sui Due Golfi
Italie
Tél. : 00 39 081 878 0026
Fax : 00 39 081 533 0226
E-mail : consulting@donalfonso1890.com
Parlons chiffresChiffre d'affaires 2,5 milliards de lires, soit 8,5 MF
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Ingrédients
(pour 4 personnes)
400 g d'espadon
80 g de chapelure
150 g d'huile extra vierge
20 g de câpres
10 g de lavande
100 g d'épinards frais
10 g d'olives vertes
5 g de moutarde douce
Sel
Purée de pommes de terre
400 g de pommes de terre
100 g de lait
5 g de fleurs de lavande
30 g d'huile extra vierge
1 g de noix de muscade
Sel
Préparation
- Mélanger la chapelure avec la lavande, la moitié des olives et des
câpres coupées finement. Cuire les pommes de terre et les peler. Faire bouillir le lait
avec le sel, la noix de muscade. Ajouter les pommes de terre, l'huile extra vierge et les
fleurs de lavande. Mélanger pendant 5 mn.
- Couper l'espadon en tranches et le faire griller rapidement. Le passer dans le
mélange de chapelure et cuire au four pendant 2 mn à 180 °C. Couper l'autre moitié des
câpres et des olives et mélanger avec 80 g d'huile d'olive extra vierge et un peu de
fleurs de lavande hachées.
- Laver les épinards, les faire sauter à la poêle avec 20 g d'huile d'olive
extra vierge et du sel. Disposer sur une assiette les épinards, l'espadon, la purée de
pommes de terre, la sauce des câpres et des olives. Décorer avec des
fleurs de lavande.
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L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000