Passionné par le patrimoine culinaire catalan, Santi Santamaria a eu envie de le faire découvrir et apprécier par... les Catalans. Ainsi, son hobby est devenu son métier et la gastronomie catalane une véritable culture.
Bernadette Gutel
"J'ai voulu faire comprendre aux Catalans que la cuisine est une véritable
culture."
Santi Santamaria est heureux. Il fête cette année le 20e anniversaire de son restaurant El Raco de Can Fabes, installé dans la maison de son grand-père. Il est d'ailleurs né dans cette solide maison tout en pierre de taille, bâtie à San Celoni, un village situé à une cinquantaine de kilomètres au nord de Barcelone. Pourtant, a priori, rien ne destinait Santi Santamaria à devenir un grand chef étoilé. Ses grands-parents et parents étaient paysans et il a fait des études de dessin industriel. "Je n'ai pas appris la cuisine à l'école ou à l'occasion de stages chez des restaurateurs, confie-t-il. Mais, fils unique pendant mon enfance, je faisais la cuisine à la maison. Mon expérience familiale est très forte. Après mes études, j'ai eu envie d'ouvrir un bistrot dans cette maison et d'y proposer la cuisine que j'avais apprise avec ma mère. Aujourd'hui, j'ai donc fait de mon hobby ma profession et de ma profession mon hobby." En effet, Santi Santamaria, grâce à sa formation initiale, dessine lui-même la vaisselle de son restaurant, une vaisselle très élégante, sobre et raffinée, conçue pour valoriser chacune de ses recettes. "Je dessine moi-même ma vaisselle, explique-t-il, car un restaurant 3 étoiles doit être personnalisé. Et, pour permettre à certains de mes clients de ressentir chez eux une partie de l'émotion que j'ai voulu leur transmettre, j'envisage de diffuser certains modèles."
Une passion, la nature
Le restaurant de Santi Santamaria est situé en plein milieu du parc naturel de
Monceignys. "Passionné par la nature et amoureux des produits frais, je peux
ainsi, raconte-t-il, profiter de ce qui pousse ou vit dans ce site d'une façon
naturelle : champignons, baies et gibiers sauvages. Trouver de bons produits devient
cependant de plus en plus difficile. Je crois qu'à 43 ans, je fais partie de la dernière
génération qui aura pu goûter à des produits authentiques." De ce fait, Santi
Santamaria a envie de revenir aux sources et cultiver les terres dont il a hérité.
"Je vais produire à San Celoni légumes et fines herbes en bio,
explique-t-il, car si aujourd'hui une cuisine ressemble de plus en plus à un
laboratoire, les produits, eux, ne doivent pas en être issus. Ils doivent être le plus
naturels possible." Soucieux du respect de la tradition en agriculture, il ne
refuse cependant pas les progrès en cuisine : "Je m'intéresse beaucoup,
peut-être grâce à ma formation technique initiale, aux nouveaux équipements et aux
nouvelles techniques culinaires. J'utilise, par exemple, la cuisson sous vide depuis dix
ans pour réaliser certains de mes plats tels que la Gorge de cochon au caviar ou le Cabri
confit laqué."
Quand Santi Santamaria a ouvert son restaurant en 1981, il n'y avait pas encore de grands
restaurants dans la région. Son objectif n'était pas d'ouvrir un établissement de plus
pour accueillir des banquets. Il voulait faire comprendre aux habitants de la région que
la cuisine est une véritable culture. Grâce à tout ce que lui a appris sa mère et à
l'étude de livres de cuisine catalane écrits au Moyen Age, il maîtrisait déjà bien la
culture gastronomique régionale. Il avait envie de la faire apprécier et progresser sans
la détruire. "Pour moi, la créativité c'est améliorer les choses qui, a
priori, vous paraissent normales. Ce petit plus, cette amélioration bien gérée, c'est
ce qui fait la force et la grandeur d'un cuisinier. Bien souvent, la créativité en
cuisine n'est qu'un mélange extravagant de produits et de saveurs. Pour moi, une
créativité maîtrisée correspond à l'évolution, alors que l'extravagance est synonyme
de recul, de régression. En rénovant la cuisine catalane sans extravagance, j'ai fait
découvrir l'identité culinaire de cette région. Je suis satisfait de voir que mes
clients comprennent ma cuisine et l'apprécient", explique Santi Santamaria.
C'est ainsi qu'il cuisine les produits traditionnels comme les champignons, le concombre
de mer, les tripes de morue, la bonite, l'agneau, le cabri et surtout le cochon. San
Celoni étant situé au pied de la montagne, à 15 mn de la mer, le chef marie aussi,
selon la tradition catalane, les produits de la mer et ceux de la terre. Il accompagne ces
mets de sauces dont les recettes sont très anciennes comme la sauce picada à base
d'amandes, d'ail et de persil ou l'aïoli à base d'ail cuit, ou encore le sofrito à base
de tomates, oignons ciselés et dorés. Mais, il n'hésite pas à utiliser le gingembre
comme on le faisait au Moyen Age et à composer des mélanges aigre-doux à base de
vinaigre et de miel qui rappellent le traditionnel canard aux poires. Il laque le cabri
confit sous vide. Passionné par le cochon, il le met à l'honneur sur sa carte. "Le
cochon a longtemps été éliminé des grandes tables et des repas festifs. Pourtant, il
est une des bases fondamentales de la cuisine catalane. On le trouve sous forme de
jambons, saucisses et autres salaisons. Ma recette intitulée Gorge de porc au caviar, que
je considérais au départ comme 'une frivolité', est devenue une des recettes
préférées de mes clients." Il est vrai que ce morceau de porc mariné avec du
sel, du sucre et des herbes, puis cuit sous vide, fond avec délice dans la bouche. Le
caviar frais et croquant servi avec en exalte par contraste la douceur tiède tout en
rappelant le traditionnel mariage terre-mer.
Un restaurant pour les Catalans
Dès le départ, les prix au El Raco de Can Fabes étaient plus élevés que dans les
autres restaurants de la région. "Cependant, j'ai cherché à toujours les
maîtriser afin de rendre ma cuisine le plus possible accessible aux Espagnols. Je suis
vraiment content quand un voisin vient ici pour célébrer une fête. Je préfère être
un restaurateur pour mes voisins plutôt qu'un restaurateur d'épate pour les Américains
ou les Japonais", précise Santi Santamaria. Aujourd'hui, il a atteint ses
objectifs : 60 % de ses clients viennent de Catalogne, 20 à 25 % de l'étranger, et le
reste d'Espagne. Mais, il a surtout réussi à faire considérer la cuisine catalane comme
une culture qui justifie le déplacement jusqu'à San Celoni, une petite ville sans
intérêt touristique et dépourvue de bons hôtels. "Je suis un chef romantique,
un chef qui ne veut pas devenir un businessman. Je ne fais ni publicité, ni
démonstrations culinaires, ni shows télévisés. Je suis heureux comme ça. J'ai ouvert
ce restaurant non pas pour devenir riche mais pour partager des moments heureux avec mes
parents, ma femme, mes enfants, mes clients. Je veux vivre avec mon équipe qui m'est
fidèle depuis de nombreuses années. Je suis aussi ravi de commencer, depuis avril, une
collaboration avec Philippe Serves, cuisinier et ami de longue date. Je veux partager tous
ces moments dans cette maison jusqu'à ma retraite, tout en continuant à voyager. J'ai
fait mienne une maxime d'Alain Ducasse. Il pense en effet que 'les cuisines ne voyagent
pas, seuls les gens voyagent'. Je prépare, à ce propos, un nouveau livre pour
transmettre toute mon expérience des voyages au travers des cuisines. Cet ouvrage
complétera mon livre de recettes qui s'est déjà vendu à 10 000 exemplaires, 5 000 en
espagnol et 5 000 en catalan." * zzz18p zzz22i zzz99
Restaurant El Raco de Can Fabes
San Joan 6
08470 San Celoni - Espagne
Tél. : 00 34 938 67 28 51
Fax : 00 34 938 67 38 61
E-mail : racocanfabes@troc.es
Internet : www.racocanfabes.com
Préparation on
(pour 4 personnes)
- Faire cuire 100 escargots et en extraire la chair.
- Faire cuire 40 cuisses de grenouilles.
- Faire cuire les fonds d'artichauts dans un court-bouillon additionné de vin
blanc pour qu'ils ne noircissent pas. -Faire refroidir. Trancher les fonds et les faire
revenir dans un mélange beurre et huile. io
Présentationn
Présentation
- Déposer dans un plat rond des tranches de fonds d'artichauts, du sofrito*
d'oignons et de tomates, les escargots et enfin les cuisses de grenouilles persillées.
- Décorer avec des tiges de ciboulette.
- Assaisonner avec de l'huile de piment et du gros sel.
* Sofrito : tomates et oignons concassés, huile d'olive et épices réduite à 60° C
pendant une heure.
Parlons chiffresNombre de couverts 55
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L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000